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Vers un enseignement du « fait laïque » ?

Le 8 décembre 2020, Jean-Michel Blanquer lors d'une session de questions à l'Assemblée nationale. Thomas Samson/AFP

En concluant le 9 décembre dernier une journée organisée au CNAM sur le thème : « Laïcité, la loi, les normes et les habitus », le ministre de l’Éducation nationale, Jean‑Michel Blanquer, a évoqué sa volonté de structurer davantage la formation initiale et continue des enseignants en ce qui concerne la laïcité.

Il a annoncé qu’à partir de la session 2022 des concours de recrutement, la connaissance de la laïcité qu’ont les candidats serait dûment appréciée. Jean‑Michel Blanquer a souligné que leur formation devrait les y préparer effectivement, ce qui serait précisé avec le Conseil supérieur des programmes.

Pour ce qui est de la formation continue – « insuffisante » – le ministre de l’Éducation nationale a demandé à l’Institut de formation des cadres et à Réseau Canopé de concevoir des formations « plus fortes et plus adaptées ». Il a enfin demandé que soit conçue une offre de formation concrète sur « l’approche laïque du fait religieux ».

Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Il est pour le moins étrange que, depuis une vingtaine d’années, chaque fois qu’il est question de la laïcité à l’école, c’est l’enseignement du « fait religieux » dans l’école républicaine et laïque qui vient au premier plan et non pas celui du « fait laïque ».

« Reconquête de la laïcité »

Il avait pourtant été bien question d’un enseignement du fait laïque lors de la campagne des élections présidentielles du printemps 2012. Interrogé avec d’autres candidats à propos de « la laïcité », dans le cadre d’une journée sur l’école organisée le 17 mars 2012 par la FCPE (la principale fédération de parents d’élèves de l’école publique), François Hollande avait déclaré qu’il serait opportun d’enseigner le « fait laïque » à l’école (« à l’instar du fait religieux », avait-il précisé). Mais ces propos ont été sans lendemain effectif.

L’idée était alors portée en particulier par Vincent Peillon qui était chargé du thème de l’éducation dans l’équipe de campagne de François Hollande. Et le 1e mars 2012, dans un entretien sur France culture, Vincent Peillon avait d’ores et déjà plaidé pour une « reconquête de la laïcité à l’école ». Interrogé sur l’enseignement du fait religieux, il avait estimé que cet enseignement était mieux mis en place que celui du fait laïque. Et il avait même déclaré « découvrir qu’il n’y avait aucun enseignement de la laïcité pour les élèves » et que l’on « ne préparait pas les enseignants à ces valeurs ».

À vrai dire, cela fait longtemps que la problématique d’un enseignement laïque est posée, mais pas totalement aboutie, en raison notamment du fait que le problème d’une éducation des élèves eux-mêmes à la laïcité n’est pas explicitement posé et traité.

Formation des enseignants

Pourtant cette question de la laïcité et de ses conditions de possibilité ne peut être que centrale dans une école républicaine et laïque. Et, depuis longtemps, comme on peut le saisir par exemple dans l’extrait suivant de l’article « laïcité » du célèbre Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, dirigé par Ferdinand Buisson et paru en 1911.

« Que faut-il entendre par laïcité de l’enseignement ? […] C’est la séparation de l’église et de l’école. L’instituteur à l’école, le curé à l’église, le maire à la mairie[…]. Mais est-il possible de s’en tenir à ces lignes générales ? Le culte de la logique, que nous professons plus peut-être qu’un autre peuple, n’exige-t-il pas que nous disions où commence et où finit la laïcité ? Suffit-il que le prêtre n’entre pas dans l’école, que le catéchisme n’y soit pas enseigné ni les prières récitées, pour que l’enseignement soit laïque ? »

La formule préférée jusqu’ici par le ministre de l’Éducation nationale pour faire savoir quelle était l’orientation prioritaire de sa politique éducative a été « lire, écrire, compter ; et le respect d’autrui ».

Lors de la journée du CNAM sur la laïcité du 9 décembre dernier, Jean‑Michel Blanquer a affirmé que la laïcité était « le ciment de notre pacte social » en faisant des annonces précises sur la formation à la laïcité, placées sous l’égide d’une formule de Marx, « rien de plus pratique qu’une bonne théorie », et de Jean Zay, dont il faudrait « retrouver l’esprit ». Et il a marqué son objectif en l’occurrence « rétablir au centre du système éducatif le professeur, figure de l’autorité intellectuelle par excellence, celle qui fait autorité ».

Encore faudrait-il en la matière non seulement former les professeurs (et les élèves) au fait religieux, mais aussi (et sans doute surtout) au fait laïque. C’est certes difficile et ce serait inédit ; mais c’est ce qu’il faudrait sans aucun doute réussir pour faire face à notre situation singulière.

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