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Le laboratoire créatif

Vous êtes déprimé ? Écrivez !

Aaron Burden/Unsplash

Cette chronique est dans la droite ligne et se nourrit des recherches et rencontres publiées sur mon site Les cahiers de l’imaginaire.

Écrire, pour ceux et celles qui sont peu ou moyennement déprimés, atténue de façon significative les symptômes de la dépression. C’est ce que révèlent les résultats d’une étude américaine menée auprès de plus de deux cents participants.

Pourquoi ? Écrire en étant attentif à nos émotions – un précepte formulé par les chercheurs à tous les participants – nous aide à demeurer présents à ce que nous ressentons et à accueillir avec bienveillance et compassion certains événements difficiles.

Écrire atténue les symptômes de la dépression

Une autre étude vient de confirmer ces résultats, cette fois-ci avec des individus qui sont atteints de dépression majeure. Ils se sont eux aussi prêtés à des exercices d’écriture expressive, des séances de vingt minutes par jour, pendant trois jours consécutifs, en décrivant par écrit ce qu’ils ressentaient et en relatant des événements traumatisants. Ils ont répondu à deux questionnaires normalisés, avant et après leurs exercices d’écriture. Les résultats ont permis de mettre en lumière une baisse significative de l’indice de dépression, une amélioration qui a perduré quatre semaines après le test.

Pour l’instant, les mécanismes à l’œuvre demeurent obscurs. Les chercheurs supputent que « l’écriture de soi » favorise une forme de désinhibition individuelle et sociale. L’écriture permet de mettre des mots sur les émotions ressenties et modifie la mémoire de travail.

Les bénéfices ne concernent pas seulement les individus dépressifs. D’autres études ont été menées auprès d’individus souffrant de troubles psychiatriques, au terme de leur thérapie. Cette fois-ci l’écriture prend le parti de se focaliser sur les aspects favorables de la vie quotidienne : les événements positifs ou les moments de bien-être.

Suite à un traitement psychiatrique, 170 ex-patients de cliniques allemandes ont été recrutés. Les participants ont ensuite été divisés en deux groupes : un groupe expérimental et un groupe de contrôle.

Les participants du groupe de contrôle rédigèrent un journal en répondant à une série de 12 questions. Les questions sont formulées de manière à mettre en évidence les émotions positives ressenties par le participant :

  • En focalisant son attention sur les événements des jours précédents et les émotions positives que ces événements ont déclenchées ;

  • En mettant en évidence les compétences et les possibilités d’action du participant face à ces événements.

Les résultats mettent en évidence une atténuation significative de l’état dépressif. Il suffit pour les ex-patients de faire des exercices d’écriture d’une durée de 15 à 30 minutes, trois fois toutes les semaines, pendant quatre semaines, pour obtenir un résultat. De plus, les chercheurs ont confirmé que la pratique de l’écriture de soi permet de réguler plus efficacement les émotions. Le fait de devoir considérer les événements positifs récents permet d’élaborer des stratégies, de réévaluer des situations difficiles jugées autrefois particulièrement anxiogènes et insolubles.

Si le participant a recours à un grand nombre de stratégies pour résoudre un problème ou pour réagir face à une émotion intense, il sera en mesure d’identifier avec précision les différents facteurs de stress, et se montrera moins anxieux et moins agressif.

La pratique de l’écriture, orientée sur la reconnaissance et l’analyse des éléments positifs de sa vie, n’a pas que des avantages d’ordre strictement thérapeutiques. Elle peut être utile à tous.

Par extension, cette pratique de l’écriture de soi peut prendre les allures d’un carnet de route dans lequel sont notées les analyses que nous faisons de nos faits et gestes de la vie quotidienne. Ceux sur lesquels nous jugeons qu’il faut que nous nous attardions pour évaluer nos capacités de réaction et affiner nos stratégies d’adaptation. Ce carnet de route pourrait alors nous servir de référence pour mesurer le progrès accompli dans la poursuite de nos objectifs.

Écrire et lire sont des activités de synthèse qui sont intimement liées et dans lesquelles la cognition et les émotions jouent un rôle important.

Dans le processus complexe qui consiste, par exemple, à écrire un livre, la prise de notes occupe une place importante.

Jamais sans mon carnet

Le carnet revêt une importance particulière pour bon nombre d’écrivains. Il atteste du chemin parcouru, de l’idée originale jusqu’à ce qu’elle soit couchée sur le papier. Le carnet témoigne des nombreuses altérations de l’intrigue, des traces laissées par le passage d’une idée encore mal formulée, d’une image saisie au vol, ou des gribouillis révélateurs d’un concept qui ne prendra racine que lorsque d’autres idées seront mises en place lors de l’écriture comme telle.

Tenir un carnet est une véritable discipline. Et ceux qui s’y astreignent évitent de perdre le fil imprévisible des idées qui se présentent souvent de manière aléatoire et qui s’empressent de disparaître si on les note pas aussitôt.

Un carnet bien tenu risque de nous surprendre comme un creuset fertile duquel surgissent, s’il est bien nourri, des idées qui risquent de nous étonner. Un tel carnet recèle des solutions imprévues et insoupçonnées. Le carnet peut devenir le transcripteur de nos pensées. Et, comme on le sait, nous sommes constamment en dialogue avec nous-mêmes. Nous nous racontons des histoires.

Thomas Martinsen/Unsplash.

Ce qui est valable pour l’écrivain dont c’est la profession, l’est aussi pour nous tous. Notre carnet de notes est un débarras moins chaotique qu’il n’y paraît. Il s’y entasse des descriptions, des intuitions, quelques phrases glanées lors d’une conversation.

Le carnet est un aide-mémoire, mais aussi un terrain pour revisiter nos idées, élaborer nos projets, confronter nos découvertes, dénicher de nouvelles idées ou simplement constater que ce que nous venons de réaliser n’est pas nouveau et fait écho à un concept que nous avions noté quelques mois, voire quelques années auparavant.

Délaissons un peu nos téléphones et consacrons du temps à nos carnets. Tous mes étudiants le savent, c’est le premier outil que je conseille peu importe le cours que je donne !

Et vous, chers lecteurs, tenez-vous un journal ? Avez-vous un carnet de route ? Est-ce un outil précieux pour vous ? Racontez-moi.

Ceux et celles parmi vous qui n’avez encore jamais tenu un journal, je vous propose un petit exercice pour commencer en douceur.

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