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Avant de demander un prêt, choisissez bien la date dans le calendrier

Pour remplir leurs objectifs commerciaux, les banquiers ont tendance à octroyer plus de prêts à l’approche des clôtures comptables. Panumas Yanuthai / Shutterstock

Faut-il demander un prêt en décembre plutôt qu’en janvier ? La question peut sembler incongrue puisque les décisions des banquiers sont supposées être prises en fonction de la situation de l’emprunteur et des caractéristiques du projet financé, et ne devraient nullement prendre en compte le mois de la demande.

Mais, ce serait oublier que les banquiers sont aussi des êtres humains : ils ont tendance à être influencés par le calendrier et la politique commerciale de leur entreprise.

Quand le moral du banquier va, tout va

Tout d’abord, les banquiers peuvent être soumis à des biais comportementaux qui influencent leurs décisions d’octroi de prêt. De nombreuses études en finance comportementale ont montré que les investisseurs sur les marchés boursiers étaient soumis à de tels biais. Leur humeur peut générer des anomalies calendaires.

Par exemple, on observe l’existence d’un « effet week-end », avec des rendements d’actions plus élevés en fin de semaine. Ceci pourrait s’expliquer par la déprime du retour au travail le lundi en comparaison de la bonne humeur avant la fin de semaine.

De façon similaire, plusieurs études ont montré de meilleurs rendements boursiers avant les vacances ou durant les vacances religieuses qui peuvent là encore s’expliquer par la bonne humeur des investisseurs.

Ces biais comportementaux des investisseurs sur les marchés boursiers peuvent tout aussi bien s’observer chez les banquiers. Ainsi, les périodes associées à une meilleure humeur des banquiers s’accompagneraient d’un octroi plus aisé de prêts.

Ensuite, les banquiers peuvent être soumis à des motifs financiers et vouloir remplir les objectifs fixés par leur hiérarchie. Il s’agit ici de l’hypothèse de trade loading observée dans de nombreux secteurs économiques.

Viser plutôt la fin du trimestre

Le trade loading se définit généralement comme la pratique d’offrir des réductions aux clients à la fin du trimestre afin de remplir les objectifs trimestriels. Dans le cas des banques, cela signifie que pour atteindre les objectifs trimestriels (ou annuels) les banquiers sont incités à augmenter le volume des prêts lors du dernier mois du trimestre (en particulier du dernier trimestre) pour atteindre ces objectifs.

La conséquence en serait un octroi plus facile de prêts sur ces périodes.

C’est en tout cas ce que peut laisser penser le graphique ci-dessous.

Évolution du taux d’octroi de prêts à la consommation en moyenne selon le mois de l’année. Base de données Peer-to-Peer Lending, U.S

Ce graphique est issu d’une étude sur les prêts à la consommation aux particuliers. Il présente le taux d’acceptation pour chaque mois, c’est-à-dire le pourcentage de chances qu’a chaque demande de prêt d’être acceptée.

On voit clairement que les mois qui ont les taux d’acceptation les plus élevés sont, par ordre croissant, mars, juin, septembre et décembre, soient les mois de fin de trimestre. Par ailleurs, décembre présente le taux d’acceptation le plus élevé de toute l’année (37 % comparativement à mars par exemple où nous sommes aux alentours de 15 %). Ceci confirme bien la présence de trade loading.

Il est également intéressant de noter que la même étude montre un résultat similaire en ce qui concerne les taux d’emprunt. En effet, ceux-ci sont moins chers en fin de trimestre et tout particulièrement en décembre.

Décembre semble donc être le mois avec le taux d’acceptation le plus fort à un taux plus faible.

Éviter les comportements opportunistes

Si ces résultats sont vrais pour les particuliers, qu’en est-il des entreprises ? Peuvent-elles également bénéficier de cet effet de trade loading ?

Une seconde étude semble le confirmer. En analysant le marché des prêts aux entreprises, cette étude démontre que décembre est le mois où les chances de voir son prêt accepté sont les plus grandes, et ce quelles que soient les caractéristiques de l’emprunteur et de son projet.

Pour les prêts aux entreprises, le montant obtenu par l’entreprise est également plus élevé à la fin du trimestre et à la fin de l’année : le troisième mois de chaque trimestre est associé à un montant plus important que les deux autres, tandis que le quatrième trimestre reste associé à un montant plus élevé que les trois précédents.

Les incitations des banquiers à remplir leurs objectifs trimestriels et annuels les conduisent à adopter des conditions de prêt plus favorables à ces moments de l’année. À demande de prêt égale, les banques accepteraient plus facilement de faire un prêt, pratiqueraient un taux d’intérêt plus faible, accorderaient des montants plus importants à la fin de chaque trimestre et à la fin de chaque année.

Ce résultat est riche d’enseignements pour les emprunteurs et pour les banques. Le savoir devient ainsi un levier de négociation intéressant pour les emprunteurs, particuliers ou entreprises.

Par ailleurs, l’influence de facteurs sans rapport avec la qualité du dossier sur l’acceptation du prêt peut aboutir à de mauvaises décisions de prêt qui peuvent se révéler coûteuses pour les banques. Elles devraient donc veiller à corriger les mécanismes incitatifs qui favorisent le trade loading.

D’ici là, demandez plutôt un prêt en décembre qu’en janvier.

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