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Une cour d'école fermée, à Montréal, le lundi 27 avril 2020. Le gouvernement du Québec a donné des détails sur la manière dont il prévoit rouvrir progressivement ses écoles. La Presse Canadienne/Paul Chiasson

Covid-19 : pourquoi il faut rouvrir les écoles maintenant

Le gouvernement du Québec, à l’instar de nombreux systèmes éducatifs, a présenté le 27 avril son plan de réouverture prochaine des écoles primaires.

Dans son point de presse, le premier ministre, François Legault, a énuméré cinq raisons justifiant la réouverture des écoles. De notre point de vue, l’argumentaire présenté était maladroit et peu convaincant pour les parents qui se préoccupent de la santé de leurs enfants. En précisant que la situation est « sous contrôle dans les hôpitaux », le gouvernement a laissé sous-entendre que l’ouverture des écoles est de nature à entraîner des hospitalisations.

Plus tard, lors de la conférence de presse présentant les détails de la réouverture, le ministre Jean‑François Roberge a évoqué très brièvement quelques considérations qui justifient le retour à l’école.

Or, dans le contexte où les parents devront prochainement informer les commissions scolaires de leur décision de retourner, ou non, leurs enfants à l’école, il nous apparaît nécessaire d’insister sur les raisons fondamentales pour lesquelles il est nécessaire que le Québec rouvre, en mai prochain, ses écoles primaires.

Pas une question d’immunité

D’abord, ce n’est pas pour créer une immunité collective. Même si cette idée semble avoir été évacuée du discours gouvernemental, il est crucial de rappeler le fait qu’il ne s’agit encore que d’une simple hypothèse. Pour l’instant, l’OMS rappelle que nous ignorons si les personnes ayant eu la Covid-19 seront immunisées et pour combien de temps. La recherche sur l’immunité générée par une exposition réelle au virus en est à ses balbutiements. De nombreuses incertitudes subsistent.

Il est pertinent de mentionner que les données épidémiologiques actuelles suggèrent que les enfants seraient moins susceptibles d’être infectés par le virus que les adultes ; ils seraient aussi potentiellement moins affectés par la maladie et transmettraient également moins le virus. Ces recherches tendent à montrer qu’une réouverture des écoles primaires pourrait être sécuritaire.

L’école Vikasen à Trondheim, en Norvège, où les écoles ont ouvert leurs portes le lundi 27 avril 2020. Tous les élèves sont divisés en groupes, doivent apporter leur propre matériel scolaire et sont formés pour rester à un mètre des autres élèves. Gorm Kallestad/NTB scanpix via AP

De plus, les données relatives à d’autres épidémies suggèrent que la transmission dans les écoles ne joue qu’un rôle mineur. Aussi, certaines études ont estimé que la transmission dans les salles de classe était faible.

La vigilance est requise

Ceci étant dit, même si ces constats préliminaires sont rassurants plusieurs incertitudes demeurent. D’ailleurs, la position récente de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qui réitère l’importance la distanciation sociale, alimente le débat. Il faudra donc maintenir une vigilance en assurant un suivi épidémiologique rigoureux dans les premières semaines du retour en classe.

Ensuite, rappelons que l’école québécoise est caractérisée par sa triple mission : instruire, socialiser et qualifier. Bien que la mission de qualification ait été temporairement mise de côté, les missions d’instruction et de socialisation restent primordiales.

L’école n’est pas qu’un service de garde. Elle permet aux enfants et aux adolescents de se construire comme individus socialisés. Après un confinement de plusieurs semaines, il apparaît essentiel de permettre aux jeunes de reconstruire leurs relations sociales. De plus, un retour en classe s’avère pertinent pour assurer une certaine consolidation des compétences et connaissances jugées minimales.

Protéger les plus vulnérables

Par ailleurs, l’école joue un rôle de protection pour les enfants. Elle est essentielle pour assurer leur bien-être. Certains indicateurs, comme la baisse importante des signalements à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), sont inquiétants.

Ensuite, l’important soutien alimentaire offert dans les écoles laisse croire que des milliers d’enfants ne mangent actuellement pas à leur faim. En outre, les élèves ayant des besoins particuliers ou qui sont en situation de handicap n’ont plus accès aux services et aux traitements normalement dispensés dans les écoles.


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Ceci étant dit, si le retour en classe se justifie par des bénéfices éducatifs et psychosociaux, il est absolument primordial que tous les services scolaires et périscolaires cohérents soient aussi au rendez-vous. À cet effet, selon les directives du ministère, les élèves devront apporter leur propre repas. Si cela laisse entrevoir que les services de soutien alimentaire ne seront pas réinstaurés, nous raterons ainsi l’une des cibles motivant la réouverture des écoles.

Éviter de générer plus d’anxiété

L’humain, comme toute autre espèce, possède des mécanismes pour détecter la menace. Depuis plus de six semaines, les messages de santé publique et médiatiques suggèrent la présence d’une menace réelle. Par contre, une fois cette menace atténuée, il ne faut pas maintenir ce détecteur en alerte indéfiniment.

La décision de ne pas retourner les enfants à l’école pourrait contribuer à générer davantage d’anxiété. Si la Covid-19 a pu provoquer un certain trauma collectif, il ne faudrait pas en rajouter chez l’enfant. Le comportement des adultes qui accompagneront ces enfants sera déterminant, car, faut-il le rappeler, la peur, ça s’apprend !

Ainsi, du point de vue de l’adaptation psychologique, le retour à l’école présente des avantages. Que ce soit au printemps ou en septembre, les enfants devront inévitablement retourner à l’école ! Actuellement, ils sont quotidiennement exposés aux nouvelles en continu, à des tensions familiales et sont privés d’un grand facteur de protection : leur soutien social.

Le retour en classe permettra d’assurer une transition plus favorable à la rentrée scolaire en septembre, d’avoir des points de repère dans le temps et l’espace, et donnera du sens à la situation. Cette réouverture des écoles est susceptible d’offrir une protection psychologique favorable à la santé mentale, aux relations sociales et aux divers rituels scolaires. Il constitue une occasion à saisir afin de réduire les conséquences indésirables du confinement.

Le ministère est-il prêt ?

Les bonnes pratiques de leadership et de communication en temps de crise indiquent qu’il est primordial « de bien faire attention aux personnes vulnérables », tant dans ses actions que dans la communication publique. Le gouvernement du Québec s’est attaqué rapidement aux enjeux concernant les personnes âgées et les individus à la santé fragile. Cependant, force est de constater qu’un des angles morts dans cette analyse des populations vulnérables a été les enfants.

On semble avoir oublié que les enfants sont des êtres vulnérables que nous devons protéger. Ils sont notre futur et ce que nous avons de plus précieux. Il n’est donc pas surprenant que les boucliers se lèvent et que les parents s’inquiètent, surtout que le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur n’a pas brillé par son leadership ces dernières semaines. On peut douter qu’il soit prêt à accompagner efficacement les institutions d’enseignement dans la mise en œuvre efficace et sécuritaire du plan proposé.

Apprendre à naviguer à vue

Choisir la bonne voie s’avérera très difficile. Les décisions actuelles et à venir ne pourront que très partiellement être basées sur la science. Il n’existe pratiquement pas de données scientifiques disponibles quant aux modalités sécuritaires de réouverture des écoles. Nous naviguons, mondialement, dans l’incertitude. Le droit à l’erreur doit être certes permis, mais la co-création de solutions doit aussi être encouragée.

Les acteurs du système éducatif semblent systématiquement reprocher le fait de ne pas avoir suffisamment de réponses à leurs questions. Ceci nous apparaît comme symptomatique d’une défaillance à trouver efficacement des solutions acceptables pour toutes les parties prenantes.

Or, le contexte de la réouverture des écoles nécessite de revoir les principes de gouvernance pour laisser davantage de poids décisionnel à tous les acteurs du système éducatif.

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