Près de la moitié de l’humanité est aujourd’hui confinée en raison de la crise de la Covid-19, ce qui a bien sûr forcé la fermeture de millions d’écoles. Or, elles sont un chaînon essentiel du développement des enfants et des adolescents.
Bien que tous devront s’adapter, la situation actuelle affectera encore plus les jeunes en situation de vulnérabilité.
Pour ceux dont le parcours de vie est difficile, l’école est un important filet de sécurité, un lieu unique qui leur permet de développer leur résilience. À cet égard, plusieurs initiatives ont vu le jour ces dernières années dans les écoles afin de soutenir le développement des enfants vulnérables. Ces projets visent à ce que les écoles soient des lieux sécuritaires et apaisants pour tous les élèves, autrement dit, des sanctuaires.
La prévention et l’intervention liées aux difficultés des enfants vulnérables s’appuient sur des approches de santé publique pour les aider à aller mieux non seulement à l’école, mais aussi dans leur famille. Des programmes destinés à ces enfants et chapeautés par les écoles sont conçus pour offrir du soutien aux familles.
Nos recherches menées en étroite collaboration avec les milieux de pratique démontrent sans équivoque le lien important entre la maltraitance et de nombreux déficits dans le développement des enfants. Les différents systèmes d’aide aux jeunes et aux familles, tels que l’école, peuvent significativement modifier cette relation et atténuer les séquelles des problèmes vécus à la maison.
En effet, bien que la décision de fermer les écoles s’appuie sur une politique de santé publique incontestable, nous trouvons important de souligner l’impact négatif potentiel de cette mesure sur les enfants vulnérables et leur famille. L’absence de l’école comme système de soutien se fera particulièrement sentir dans ce contexte où la pression augmente sur chaque individu. Pour ces raisons, il faut prévoir dès maintenant comment les écoles pourront poursuivre leur mission d’accompagnement de ces enfants et de leurs familles sur le plan académique, mais aussi sur les plans psychologique et social.
Le confinement en milieu violent
Pour comprendre l’importance des ressources à injecter dans le système scolaire, il importe de bien mesurer l’impact de la fermeture des écoles sur ces enfants et ces jeunes.
D’abord, le confinement à domicile augmente le nombre d’heures passées dans un milieu potentiellement toxique, où la violence peut être présente. Pour certains enfants, le plus grand danger n’est pas à l’extérieur, mais au sein même de leur famille, dans leur foyer. Les situations d’abus et de négligence sont malheureusement susceptibles d’augmenter en période de crise sanitaire comme celle de la Covid-19.
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Ensuite, les approches contemporaines sur le développement de l’enfant ont depuis longtemps déjà pris une orientation très claire : la réponse aux besoins des enfants, bien qu’elle mette au premier plan les parents comme acteurs, est collective.
Un retard académique dévastateur
Or en cette période de confinement, les personnes de tous horizons qui apportent habituellement du soutien direct aux enfants et aux familles vulnérables (visites à domicile, activités communautaires) voient leurs capacités à exercer cet important rôle diminuées. En plus d’être indispensable, ce contact direct leur permet également d’agir comme sentinelle et de signaler des situations inquiétantes vécues par les enfants.
On remarque déjà, par exemple, que le nombre de cas rapportés aux services de protection de la jeunesse est en baisse depuis le début de la pandémie.
Les autres contributions « non scolaires » que l’école offre aux enfants ne doivent pas non plus être oubliées. Les enfants et adolescents qui vivent de la maltraitance ont souvent un parcours scolaire difficile : échecs et retards académiques qui les obligent à fréquenter des classes spécialisées. Un arrêt de plusieurs semaines pourrait avoir un impact dévastateur sur leur motivation, leur cheminement et leurs apprentissages, académiques et non académiques.
Des actions urgentes à prendre
Nous recommandons quatre actions principales qui doivent être mises en œuvre dès maintenant par les gouvernements afin que les anges gardiens scolaires des enfants et jeunes vulnérables puissent pleinement jouer leur rôle.
La première est de donner des directives claires pour que les enseignants et enseignantes ainsi que le personnel scolaire soient encouragés à entrer en contact avec ces élèves (et leurs familles, lorsque c’est possible et nécessaire) pour prendre de leurs nouvelles, les soutenir, les accompagner.
Alors que bon nombre d’entreprises se tournent vers des plates-formes qui facilitent le télétravail, ces mêmes outils pourraient être mis en place pour que les enseignants et le personnel scolaire restent en contact avec leurs élèves. Le ministre québécois de l’Éducation, Jean‑François Roberge, a justement émis une recommandation à cet effet, le 26 mars, en encourageant les professeurs à rester en contact avec leurs élèves, en particulier les plus vulnérables.
La seconde est de développer un plan clair de maintien des acquis scolaires et sociaux dès maintenant afin qu’il soit mis à jour rapidement lors de la reprise des classes. Cela permettra de limiter le retard que pourraient présenter ces enfants. Il faudra déployer les ressources nécessaires : techniciens en aide pédagogique, orthopédagogues, spécialistes de l’adaptation scolaire, sont quelques exemples des professionnels qui devront être priorisés pour soutenir les enseignants.
Troisièmement, il est important de prévoir en amont des partenariats entre les écoles et les services sociaux et communautaires pour assurer le maintien et la continuité de la réponse collective aux besoins des enfants vulnérables et de leurs familles. Par exemple, les directions d’école pourraient contacter les différents organismes communautaires de leur secteur, compiler les ressources disponibles et partager ces informations aux familles dès maintenant et à la suite de cette crise.
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Enfin, les écoles regorgent d’employés engagés, compétents et passionnés qui ont des points de vue qui devraient être pris en compte dans la mise en place des actions. Dans cette même veine, les comités d’élèves et de parents peuvent être mis à contribution afin que tous puissent exprimer leur voix et participer à l’élaboration des solutions.
Des directives gouvernementales sont essentielles, mais elles ne peuvent se substituer à l’expertise et à la connaissance des acteurs de ce milieu afin de rebondir face à cette crise sans précédent. Une fois cette période difficile terminée, les jeunes qui vivent dans des contextes vulnérables devront, eux aussi, trouver leur place. Sachant déjà que cette crise durera quelques semaines, voire quelques mois, agissons avant qu’il ne soit trop tard.