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Les RH dans tous leurs états

L’émergence de nouvelles castes : une difficulté managériale

Polytechniciens lors de l'inauguration du Monument aux polytechniciens morts pour la Patrie le 8 octobre 2014. © École polytechnique - J.Barande / Flickr, CC BY-SA

Là où les aigles reculent, où les fauves abandonnent, juste quelques-uns sortent vainqueurs des très sélectifs concours des grandes écoles d’ingénieurs. Notre élite étudiante, triée sur le volet, atteint le sommet, le Graal : intégrer une école du top 5.

Là où tous les autres ont échoué, juste quelques-uns voient s’ouvrir les portes d’écoles prestigieuses, reconnues et seront courtisés dès leur sortie par les employeurs.

Ces quelques hommes (ou femmes), ont réussi l’exercice périlleux du concours. Lorsqu’ils rejoindront une entreprise, ils devront cependant se plier à ses règles et surtout se soumettre à l’autorité.

Après avoir été longtemps les premiers, ils deviendront des seconds. Brillants seconds, certes mais seconds malgré tout. Ils commenceront donc un parcours professionnel, dotés d’une « Aura » liée à leur diplôme. Issus de l’école Polytechnique, de l’École des mines, de Paris-Dauphine, de l’École Normale supérieure, de Sciences-Po, ces jeunes diplômés, nouveaux salariés vont rapidement comprendre l’intérêt du réseau et s’approprier le fonctionnement de leur « caste ».

Le Larousse définit une caste comme

« Groupe social endogame, ayant le plus souvent une profession héréditaire et qui occupe un rang déterminé dans la hiérarchie d’une société ».

Entre diplômés d’une même école, on se protège, on s’entraide et surtout, on se conforme aux comportements de ses camarades de promotion. L’appartenance à un groupe social confère une forme d’identité au travail dont les managers devront tenir compte.

Gérer des normaliens et des polytechniciens

Ainsi, il s’agira pour le manager d’envisager différemment la gestion d’une équipe en fonction de l’école d’origine des collaborateurs. Certains d’entre eux se révèlent avoir quelques particularités remarquables, il s’agit des normaliens et des polytechniciens, avec lesquels j’ai eu la chance de partager quelques expériences professionnelles.

Commençons par les normaliens. Ceux-là sont franchement atypiques car leur formation voudrait qu’ils fassent carrière dans la fonction publique. Après tout les élèves normaliens sont soumis à un engagement décennal : en contrepartie de leur traitement, ils doivent exercer une activité professionnelle dans la fonction publique, pendant dix ans. Ils sont donc souvent méconnus dans les organisations privées. Certains cependant se sont échappés du secteur public et ont choisi de faire carrière (et aussi un peu d’argent) du côté obscur de la force.

Leurs managers n’auront qu’à bien se tenir : encadrer un normalien n’est pas chose facile. Très brillant, le normalien veut toujours gagner. Il est donc en compétition permanente avec ses coéquipiers. Il n’est pas rare de voir des équipes s’affronter lors de projets, chaque clan représentant une école ! En France, les diplômes sont importants et la progression dans les entreprises dépend souvent de l’école d’origine (il en est parfois de même pour les grilles de salaires).

Le polytechnicien quant à lui est souvent animé par la recherche d’une reconnaissance et d’un épanouissement intellectuel. Comme son collègue normalien, il est soumis à une obligation envers l’état de 10 ans. S’il souhaite travailler dans le privé, il devra donc rembourser la « pantoufle ».

Lorsqu’un polytechnicien demande à s’entretenir avec le RRH ou DRH, ce n’est pas nécessairement pour évoquer ses conditions de travail ou son salaire. Il sollicitera par contre de nouvelles missions et demandera à « être stimulé intellectuellement ». Le service RH est donc confronté à une problématique parfois inédite : éviter que des collaborateurs trop brillants, trop rapides, ne se lassent trop vite de missions qui sont parfois sous-dimensionnées pour eux.

La mission managériale n’est jamais facile : animer, fédérer, récompenser, parfois sanctionner. Mais dans le cas de diplômés de grandes écoles, on veillera bien sûr à ne pas voir s’échapper cette matière grise, faute d’avoir pris en compte leur souhait de progresser et de se dépasser.

Ce qui est important pour la performance de l’entreprise est de parvenir à faire travailler ensemble ces collaborateurs issus de différentes castes (mines, ENS, X). Il s’agira alors de faire primer l’intérêt collectif avant l’intérêt individuel. Le DRH sera alors confronté à une situation périlleuse gérer la carrière de jeunes diplômés qui demain seront à la tête de l’entreprise (donc auquel il rapportera) !

Des séances de « coaching » s’avéreront donc rapidement nécessaires pour fédérer ces nouvelles castes et faire en sorte que tout ce petit monde contribue à ce pour quoi ils ont été recrutés : la performance de l’entreprise !

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