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Une feuille de figuier des pagodes, espèce d’arbre du genre Ficus. La feuille a été réduite à son squelette après un traitement chimique éliminant une grande partie du tissu végétal, afin de rendre plus visible le réseau de nervures. Ludovic Pauchard, Fourni par l'auteur

Les secrets des feuilles d’automne

C’est l’automne. Les curieux regardent les feuilles mortes, les dissèquent et découvrent les réseaux complexes que forment leurs nervures. Ces nervures permettent aux feuilles de résister au vent, au poids d’insectes visiteurs.

Sur cette image, une feuille de figuier des pagodes, une espèce d’arbre du genre Ficus. On y voit une nervure épaisse et solide, qui constitue l’axe central de la feuille, d’où branchent des nervures secondaires parallèles entre elles. Ensemble, elles servent de renfort mécanique principal.

Entre les nervures secondaires, des nervures plus fines présentent un grand nombre de connexions, et font des boucles aux bords de la feuille. Car outre leur rôle de support mécanique, les nervures permettent le transport de l’eau et des produits de la photosynthèse, des sucres notamment, comme le glucose. Elles sont interconnectées : leur réseau peut servir de déviation qui permet de maintenir l’irrigation de la feuille dans sa globalité, si la feuille se faisait endommager localement, par exemple par des attaques d’insectes.

La hiérarchie de nervures de tailles différentes correspondant à des formations successives au cours de la croissance de la feuille. En observant plus précisément une région de la feuille, des régularités apparaissent dans la morphologie. La densité des nervures apparaît ainsi comme spatialement uniforme. Cette uniformité existe à tous les stades du développement de la feuille.

Le muguet, bien différent du Ficus

Il existe deux principales classes de plantes à fleurs (dites angiospermes) : les monocotylédones et les dicotylédones. Elles se distinguent notamment au niveau de la graine, qui a deux « cotylédons » (embryon de feuille) pour les dicotylédones (pommiers, tournesol, légumineuses, rosacées…) et un seul pour les monocotylédones (orchidées, palmiers, graminées…).

Elles se distinguent également par les nervures de leurs feuilles. Les dicotylédones montrent une l’architecture hiérarchisée, comme celle visible sur la photo.

Les monocotylédones – comme le muguet – exhibent généralement une nervure principale qui constitue l’axe de la feuille, tandis que les autres nervures s’alignent parallèlement à la première. Lorsque l’on s’approche de la pointe, l’espace pour les nervures devient plus étroit, ce qui contraint certaines nervures à s’arrêter. Dans ce cas, quand une nervure cesse de croître, celle-ci se connecte à ses plus proches voisines en formant une petite courbe.

Les questions ouvertes de recherche sur les nervures et les fissures

Il existe une similitude visuelle frappante entre les morphologies de nervures des feuilles et les figures formées par les fissures dans les couches minces, typiques des céramiques ou des vernis. Cette similitude géométrique a permis de suggérer des mécanismes de formation analogue entre nervures et fissures.

En effet, les fissures se forment suivant des règles bien définies : leur propagation est guidée par des contraintes mécaniques, par exemple quand les peintures vieillissent. Nous étudions leur formation avec des matériaux modèles, qui contiennent des pigments bien calibrés, que nous faisons sécher de façon contrôlée pour étudier la phase de solidification pendant laquelle se forment les fissures. La formation de craquelures dans une couche qui sèche est un phénomène facilement observable à l’échelle de temps et d’espace que l’on peut adapter en fonction du milieu et du séchage. C’est pourquoi la formation de craquelures constitue un moyen d’étude permettant de mieux comprendre certains réseaux spatiaux.


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L’analyse des réseaux spatiaux, qu’ils soient formés de lignes interconnectées ou non et la compréhension de leur dynamique de formation restent des questions ouvertes de recherche, initiées par Yves Couder.

En effet, les structures de craquelures ne sont pas l’exclusivité des matériaux solides comme les peintures, mais se retrouvent aussi en milieu naturel comme dans les sols argileux asséchés. La formation de craquelures ouvre en particulier de nouvelles surfaces dans le milieu, notamment en profondeur. La présence de ces surfaces favorise ainsi la pénétration de l’eau de pluie dans les pores du sol.


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Ces motifs sont aussi observés à plus grande échelle en milieu urbain. Ainsi, les réseaux de rues sont apparus par divisions successives de domaines agricoles en surfaces polygonales, et les frontières de ces domaines sont devenues des voies (chemins, rues…) qui s’interconnectent afin d’assurer au mieux les transports.

La formation d’un réseau de craquelure peut être mise en évidence simplement au cours du séchage d’une couche de maïzena ou d’argile. Des craquelures se propagent dans la couche relaxant les contraintes mécaniques et dessinent des réseaux hiérarchiques complexes interconnectés.

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