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Les RH dans tous leurs états

Ne l’appelons plus jamais Vélib

Vélib. Kathleen Conklin/Flickr, CC BY

Le Vélib’ est un système de vélos en libre-service mis en œuvre en juillet 2007 à Paris. C’était un projet gigantesque. C’est comme un vent de liberté qui souffle dès lors sur la capitale.

En 2009, encore bien alignés… Heidy Benoist/Flickr, CC BY-SA

L’espoir d’un moyen de déplacement facile, écologique et bon marché. Le marché de la concession avait alors été remporté par le groupe JCDecaux, entreprise de mobilier urbain.

Dix ans plus tard, le concept vit encore, mais il s’essouffle : dégradations, vols, incivilités, usagers mécontents.

Cette entreprise, qu’en reste-t-il ?

Coup de théâtre en 2017, la concession échappe à JCDecaux, le marché est remporté par une start-up de Montpellier, Smovengo. Un nouveau vélo va être mis en service.

Ce changement de concession n’est pas sans conséquence pour les salariés de Vélib’/Cyclocity qui font l’objet d’un transfert d’employeur.

La filiale de JCDecaux qui les employait va cesser son activité sans proposition de reclassement. Leur employeur les a laissés sans régler le problème du maintien des postes et le DRH semblait avoir des remords en septembre dernier. Néanmoins, le consortium Smovengo propose aux quelque 280 salariés une embauche mais sans reprendre les conditions de leurs contrats antérieurs (primes repas et ancienneté). Les salariés de Vélib’ cherchent donc à défendre leurs acquis. Ils réclament ainsi, outre le transfert de leurs contrats de travail vers Smovengo, repreneur du système de vélo en partage à Paris, le maintien de tous leurs avantages.

Qu’en est-il de l’application de l’article 1224-1 du code du travail ?

Quand on parle de Vélib’ on pense alors immédiatement à l’article L 1224-1 du code du travail qui remplace depuis 2008 le très célèbre L122-12, connu de tout juriste, même amateur.

Il s’agit de l’article imposant la poursuite des contrats en cours en cas de modification dans la situation de l’employeur. C’est l’atout favori des avocats en situation de cession ou de transfert. En effet, dès lors que l’employeur transfert son activité économique à un autre employeur alors, l’article L. 1224-1 aura vocation à s’appliquer. Cet article L1224-1 dispose que

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

Cela signifie que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, tous les contrats de travail sont maintenus.

Il n’existe pas de formalités particulières à respecter, sous réserve de l’obligation d’information du comité d’entreprise.

Le repreneur est ainsi obligé de reprendre les contrats transférés. Il ne peut ni licencier les salariés au motif du transfert, ni modifier les éléments essentiels de leur contrat de travail.

Les contrats en cours sont maintenus dans des conditions identiques à celles mises en place avant le transfert. Le transfert s’impose aux salariés et leur refus sera analysé comme une démission.

Le salarié dont le contrat de travail a été transféré conserve donc notamment: sa qualification; sa rémunération et son ancienneté.

De même, toutes les clauses et tous les avantages insérés au contrat de travail subsistent, tels que la clause de mobilité, la clause de non-concurrence, la voiture de fonction ou le logement accordés dans le contrat initial.

Toutefois, le nouvel employeur pourra proposer des modifications au contrat de travail, dans le respect de la réglementation applicable et sous réserve de l’accord du salarié. La modification ne doit cependant pas être proposée dans le seul but de faire échec à l’application de l’article L.1224-1.

Les salariés de Vélib’ sont-ils concernés par un transfert d’activité ?

La jurisprudence retient la poursuite des contrats avec le nouvel employeur même lorsqu’il n’y a aucun lien de droit entre les employeurs successifs dès lors que l’activité transférée constitue une activité économique autonome (Cass. ass. plén. 16 mars 1990, n° 86-40.686).

Ainsi on peut parler de transfert en cas :

  • d’existence d’une entité économique autonome ;

  • de poursuite de l’activité économique et le maintien de l’identité de l’entreprise

Cela semble le cas pour les salariés de Vélib’/cyclocity.

Le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre dont la saisine a été effectuée par le comité d’entreprise a tranché ce 14 novembre 2017 sur le sort des salariés, arguant que les instances représentatives du personnel n’étaient pas compétentes pour revendiquer en lieu et place des salariés, le transfert de leur contrat de travail, précisant que ce type de revendication est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié. Le TGI s'étant déclaré incompétent, les salariés se sont donc mis en grève le mardi 14 novembre 2017 au soir, protestant contre la décision du TGI de Nanterre qui a rejeté leur demande.

Que peuvent-ils tenter désormais ?

Il peuvent faire valoir l’application stricte de l’article L1224-1 devant le conseil des prud’hommes afin de défendre les contrats individuels. Leur argumentation portera sur la notion de transfert effectif de l’activité économique.

Malheureusement un élément nouveau pourrait jouer en leur défaveur: le nouvel article 17 II à IV de la loi Travail du 8 août 2016 qui a supprimé le maintien des avantages individuels acquis à défaut d’accord.

Avant la loi travail du 9 août 2016, il était considéré que les avantages individuels acquis par les salariés étaient incorporés à leur contrat de travail et que ni l’employeur, ni un éventuel repreneur ne pouvait donc les modifier. Désormais, il n’est plus question d’avantage acquis. L’article L.2261-13 du code du travail, prévoyant autrefois ces derniers, précise désormais que seul le niveau de la rémunération atteint pendant les 12 derniers mois sera acquis, et donc maintenu.

L’application du droit n’apporte pas ici satisfaction aux salariés laissés pour compte par leur employeur.

Espérons que ces salariés pourront trouver leur place chez le repreneur à des conditions moralement acceptables.

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