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Expliquer pour mieux agir

Primaire, soyons constructifs !

Réticent mais affaibli, François Hollande (ici à Colombey-les-Deux églises, le 18 juin), a dû accepter l'organisation d'une primaire à gauche. Thibault Camus / POOL / AFP

Au début du mois de janvier dernier, François Hollande confiait à un de ses interlocuteurs, qui me l’a raconté, qu’il n’accepterait pas une primaire socialiste, mais qu’il serait moins réticent à l’idée d’une primaire ouverte à toute la gauche. Au même moment, avec quelques amis, nous avons lancé dans Libération notre appel pour une primaire des gauches et des écologistes, avec le souci de marcher sur deux jambes. D’un côté, initier une logique proprement politique, doter la gauche tout entière d’un candidat légitimé par cette procédure. Et d’un autre côté, ouvrir dans toute la France une phase de débats citoyens d’où pourraient sortir une vision clarifiée des enjeux autour desquels s’affronteraient les candidats à la primaire.

D’autres chats à fouetter

Au départ, l’establishment politico-médiatique a considéré notre initiative avec le plus grand scepticisme. De quoi se mêlait cette bande de copains – Dany Cohn-Bendit, Yannick Jadot et la poignée d’intellectuels – réunie autour d’un couscous dans un restaurant au beau nom, La Baraka ? De quelle compétence, de quelle légitimité se permettait-elle de se réclamer pour ainsi rentrer perturber le débat institutionnel et politique des acteurs et commentateurs les plus sérieux, les plus aguerris ?

L’Élysée disait non, Jean-Marie le Guen déclarait que ceux qui croient qu’il y aura une primaire à gauche feraient bien de « consulter » (un médecin)… Les ministres argumentaient : le Président n’a pas de temps à consacrer à une primaire, il a d’autres chats bien plus importants à fouetter ; il est le « candidat naturel » ; ce serait abaisser la fonction présidentielle que d’envisager de l’inviter à concourir à une telle initiative, etc.

Mais très vite, les sondages ont indiqué que le peuple de gauche dans sa grande majorité souhaite une primaire, alors que Jean-Luc Mélenchon faisait comprendre qu’il serait candidat à la présidentielle sans passer par cette étape.

Sous la menace d’un Congrès exceptionnel

Notre petit groupe a alors rencontré les partis politiques susceptibles d’être impliqués. Pierre Laurent, pour le PCF, s’est dit favorable : il a du faire ensuite machine arrière, sous la pression d’une base hostile à une primaire à laquelle François Hollande pourrait participer. EELV, en bien mauvaise passe, a aussi mis ses conditions rendant improbable notre primaire.

Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, a tenu parole. Philippe Grangeaud/Flickr, CC BY-NC-SA

Par contre, quand nous avons rencontré Jean-Christophe Cambadélis et une brochette de dirigeants du PS, il nous a été dit qu’on n’y verrait vraiment clair qu’en juin, et que la direction du parti était favorable à cette primaire, demandée énergiquement par les « frondeurs », mais pas seulement. Résultat : effectivement, Jean-Christophe Cambadélis, soutenu ici par un parti unanime, et avec l’accord de François Hollande, a pu annoncer qu’une primaire « de la gauche de gouvernement » serait organisée en janvier prochain.

Le chef de l’État s’est finalement rendu à la raison : vu son bas niveau dans les sondages, vu la pression de militants risquant – faute de primaire – d’imposer un Congrès exceptionnel du parti qui serait encore pire pour lui, vu les bons résultats de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages, et la perspective d’une candidature d’Arnaud Montebourg, il valait mieux qu’il accepte le principe d’une primaire. Ses ministres, Manuel Valls en tête, n’avaient plus qu’à expliquer le contraire de ce qu’ils justifiaient quelques mois plus tôt, en espérant que leur crédibilité n’aurait pas trop à pâtir de ce revirement.

Le premier secrétaire du PS a donc fait progresser notre idée d’une primaire. Il a obtenu l’accord unanime du Conseil national de son parti pour sa stratégie : « frondeurs », « aubrystes » et autres ont tous voté pour sa proposition d’une primaire de la « gauche de gouvernement ». Il a tenu parole.

Encore un effort, camarades !

Est-ce à dire que les amis de La Baraka ont obtenu satisfaction ? Oui, mais un pas ou deux restent encore à faire.

Nous voulions une primaire des gauches et des écologistes, il ne faudrait pas que nous nous retrouvions avec une primaire du Parti socialiste et de vagues partis-croupion. Nous voulions des débats citoyens, une mobilisation de bas en haut, nous ne pourrons pas nous contenter de l’Université d’été du PS, avec ses jeux politiciens et ses petites phrases dont raffolent les médias.

Jean-Luc Mélenchon se ralliera-t-il à une primaire des gauches ? Pierre-Selim/Flickr, CC BY-SA

Le vote unanime du PS en faveur d’une primaire constitue une ouverture considérable, à partir de laquelle d’autres progrès peuvent être envisagés. Le plus urgent concerne l’objectif politique initial : que la gauche, dans sa diversité, affronte les prochaines élections – présidentielle plus législatives – en ayant fait preuve d’un sens aigu de la responsabilité ; que ceux qui se sont éloignés de tout projet d’intégration ou de convergence se ressaisissent, à l’image de François Hollande, et jouent la carte d’une primaire. Que Jean-Luc Mélenchon, le PCF et EELV annoncent qu’ils en acceptent maintenant le principe. Que d’éventuels candidats, comme Nicolas Hulot, fassent comprendre qu’ils en feront autant le cas échéant. Que le PS fasse savoir que les résultats d’une primaire des gauches et des écologistes pourront servir de base pour les investitures aux législatives.

Et non moins urgent, il faudrait que les débats citoyens se relancent et se démultiplient dans toute la France, dans la perspective d’alimenter la primaire, et de dessiner les grands axes autour desquels le candidat retenu devra proposer un projet présidentiel. Bref : encore un effort camarades !

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