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Travaillons ensemble pour l’exploitation minière du système solaire

La lune se couche sur le Charvin. foudeforet, CC BY-SA

Il est temps aujourd’hui de savoir ce qui est réellement en jeu dans les projets d’exploitation minière de l’espace : l’intérêt est grandissant pour exploiter les ressources de la Lune et des astéroïdes.

Depuis le lancement de Spoutnik 1 en 1957, l’espace a été considéré comme l’héritage commun de l’humanité. Cela s’est matérialisé dans un traité historique des Nations Unies sur l’espace, l’OST, signé en 1967. Il décrète entre autres que tout le monde a le droit d’accéder à l’espace en vue d’objectifs scientifiques et pacifiques et il condamne toute appropriation du cosmos par un État.

Ce traité avait pour but d’établir des principes de gouvernance de l’espace au sein de l’environnement géopolitique de la guerre froide, quand les principaux acteurs dans ce domaine n’étaient pas des sociétés privées mais bien des nations. À l’époque, les motivations des États pour développer la technologie spatiale étaient aussi bien militaires que pacifiques.

Depuis lors, la nature des activités spatiales a subi un changement significatif. De nombreuses technologies de ce domaine, dérivées à l’origine de programmes militaires, sont aujourd’hui au cœur d’un très profitable business de l’espace. Les intérêts commerciaux sont devenus un facteur décisif pour l’avenir de l’exploration spatiale et son utilisation.

Et quand il y a des intérêts commerciaux en jeu, ce sont les résultats financiers qui sont tout ce que l’on regarde. Un nombre croissant de groupes privés estiment qu’ils peuvent réaliser des profits considérables en extrayant des métaux rares et d’autres ressources précieuses restés intacts à la surface de la Lune et au sein d’astéroïdes proches de la Terre.

Une action audacieuse, mais légale ?

Les traités internationaux sont fondés sur une coopération en vue d’exploiter ces ressources. Malgré cela, les grandes nations à vocation spatiale se sont bien gardées d’établir un programme international pour coordonner quelque activité d’exploitation que ce soit.

Une météorite riche en fer tombée du ciel. Et si on allait la chercher ? Pertile/Wikipédia, CC BY

Désormais, comme le développement technologique permettant ce genre d’activité devient une réalité, des entreprises privées poussent les gouvernements à voter des lois nationales pour la promouvoir. En novembre 2015, le président américain Barack Obama a signé un projet de loi l’acte commercial de compétitivité pour le lancement du commerce spatial (CSLCA), texte qui permet aux entreprises américaines le droit de posséder – et de vendre – les ressources extraites de l’espace. Pour certains commentateurs, cette proposition de loi est une violation flagrante de la lettre et de l’esprit du traité OST.

L’Institut international pour une législation sur l’espace se montre plus circonspect. Selon lui, cette situation légale n’est pas d’une totale clarté, mais la loi américaine n’est pas forcément incompatible avec les principes internationaux.

De telles divergences d’opinion montrent bien qu’une prochaine clarification devient indispensable pour éviter de futurs conflits.

L’impact de l’exploitation « hors planète »

Certes, on a bien mis en évidence les aspects législatifs tout comme la double question de savoir qui supportera les coûts dus à la future exploration spatiale ; et qui aura le droit d’en profiter. Mais on ferme les yeux sur un autre problème critique.

La plupart du temps, les astéroïdes peuvent bien être « loin des yeux, loin du cœur », mais l’exploitation lunaire est elle susceptible d’éveiller de fortes réactions, tous azimuts. La Lune et son influence est l’un des objets culturels les plus significatifs de l’histoire de l’humanité. Elle réunit les peuples par delà les temps et les frontières. Le public tolérerait-il de voir, depuis les télescopes terrestres, les blessures que lui infligerait une exploitation commerciale ? De telles considérations pourraient bien peser sur les projets d’opérations et leur localisation.

Les sociétés d’exploitation terrestre doivent en général se plier à la législation des États qui protègent ainsi leur héritage, les valeurs de leur communauté et leur environnement. À part quelques généralités figurant dans les traités, il n’y a pas jusqu’à présent aucun système similaire pour l’espace. Les compagnies exploitant l’espace ont à peine réalisé qu’elles pourraient avoir à compter avec la même opposition que celle prévalant pour l’exploitation sur la Terre, mais cette fois à l’échelle universelle.

Les mineurs de l’espace

Dans la mesure où les États-Unis ont adopté une législation censée accorder le droit à l’exploitation et la vente des ressources distantes de la Terre, d’autres nations pourraient suivre. Ainsi, le Luxembourg a déjà annoncé qu’il allait également établir un cadre juridique pour faciliter l’exploitation de l’espace…

Tout en avançant, nous devons évaluer avec soin la possibilité de ce que l’on appelle la « tragédie des biens communs » en relation avec les ressources de l’espace. Tout comme c’est déjà le cas avec le problème croissant des déchets spatiaux. Ce que cela veut dire, c’est que chaque entité, agissant dans son propre intérêt, risque de détruire les ressources appartenant à tous.

Et l’Australie ? Elle détient une expertise très importante pour les technologies d’extraction et leur mise en œuvre, dans les lieux les moins accessibles. Le Pilbara, une région de l’Australie-Occidentale, au cœur du boom minier de cet État, ressemble suffisamment à la planète Mars pour qu’il soit qualifié de « paysage de la planète rouge ».

Site minier en Australie. Des ressemblances avec Mars ? Philip Schubert/Flickr, CC BY-ND

Les Australiens sont particulièrement actifs dans le développement des industries d’exploitation spatiale, témoin des groupes industriels comme Deep Space Industries. À Sydney, de récentes conférences à propos de l’extraction « hors planète » ont suscité un grand intérêt. L’expertise australienne, à l’évidence, se distingue quand il s’agit de développer des aptitudes concernant l’exploitation de l’espace. Le ministère australien de l’Industrie, de l’Innovation et de la Science passe en revue les lois spatiales du pays pour estimer quel serait le meilleur cadre réglementaire pour promouvoir telle ou telle innovation au profit commercial de l’Australie.

L’accès au système solaire

Le véritable enjeu, c’est, dans le futur, l’accès à l’espace au bénéfice de toute l’humanité ainsi que la vision que nous avons de cet espace. À l’heure actuelle, une initiative précipitée pourrait tout faire basculer et mettre en péril le principe d’un héritage commun à toute l’humanité. Nous devons notamment éviter de creuser davantage les divisions entre les « riches de l’espace » et ceux qui ne le sont pas.

Si nous trouvons les moyens d’exploiter les ressources spatiales de façon sûre et durable, des profits considérables pourraient bénéficier aux générations futures ; mais il existe aussi des risques énormes et ils nécessitent une évaluation très précautionneuse.

Il faut donc garder la tête froide et promouvoir une coopération internationale à grande échelle. La question est trop importante et trop complexe pour être confiée à une oligarchie d’entreprises privées. Il est indispensable d’instituer une réglementation internationale claire pour sauvegarder les intérêts de chacun de ceux qui se lanceront dans ce grand pari.

This article was originally published in English

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