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BD « Sciences en bulles » : Et si les ours nous aidaient à aller sur Mars ?

Comment fait l’ours pour conserver ses muscles après plusieurs mois d’inactivité ? Les chercheurs sont sur une piste… Peb&Fox/Syndicat national de l’édition, CC BY-NC-ND

Cet extrait de la BD « Sciences en bulles » est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Planète Nature ? ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Connaissez-vous le biomimétisme ? Ce processus d’ingénierie consiste à s’inspirer de la nature pour répondre à des problématiques humaines. Dans le cadre de ma thèse, j’ai par exemple participé à une étude dans laquelle nous avons essayé de comprendre les mécanismes de préservation des muscles squelettiques chez l’ours brun durant l’hibernation. Durant de l’hiver, l’activité de cet animal est minimale : il hiberne. Immobilisé dans sa tanière durant 5 à 7 mois, privé de tout apport nutritionnel, il est pourtant capable de préserver sa musculature.

Notre corps ne peut réaliser une telle prouesse : l’absence d’activité, et donc de stimulation musculaire sur une longue période, entraîne chez nous une « fonte » des muscles. On parle d’atrophie musculaire, une pathologie caractérisée par la perte de masse, de force et de contractilité des muscles squelettiques. À long terme, cela impacte des fonctions essentielles à l’organisme comme la régulation de notre température corporelle et de notre métabolisme. La santé est alors menacée.

De nombreuses personnes sont ponctuellement atteintes d’atrophie musculaire : les patients atteints par un problème de santé qui les force à rester longtemps alités, ceux dont les membres sont immobilisés par la pose d’un plâtre. Mais l’atrophie musculaire peut se prolonger comme dans le cas du vieillissement ou lorsqu’une personne est paralysée. Un autre exemple parlant est celui des astronautes : à ce jour, la durée des séjours en apesanteur est limitée notamment à cause de la perte musculaire importante. Trouver une solution à cette problématique pourrait donc non seulement améliorer la santé de nombreux malades, amis aussi aboutir à de plus longs voyages spatiaux !

Comprendre d’où l’ours brun tire sa capacité à s’adapter à l’hibernation pourrait nous aider à y parvenir. Pour cela, j’ai étudié durant ma thèse les protéines de l’ours. Les protéines sont les « petites ouvrières » de nos cellules, donc comprendre quelles protéines sont présentes et en quelles abondances aide à comprendre les mécanismes biologiques. Grâce à des machines de dernière génération, appelées spectromètre de masse, il m’a été possible d’identifier et de quantifier des milliers de protéines à partir d’un simple échantillon de muscle d’ours (l’ensemble de ces protéines est appelé le « protéome »).

Ainsi, j’ai pu comparer le protéome musculaire de l’ours durant l’hibernation avec le protéome de l’ours durant sa phase d’activité (en été). Grâce aux résultats obtenus, nous avons démontré que contrairement à ce que pensaient jusqu’ici les scientifiques, l’énergie reçue par les muscles provenait non pas de la consommation des lipides, c’est-à-dire des graisses, mais plutôt de la consommation des carbohydrates, autrement dit du sucre, par exemple. Nous avons aussi mis en évidence l’existence d’un système de protection réduisant un stress (appelé stress oxydatif) produit par l’immobilisation prolongée. Celui-ci pourrait protéger les protéines musculaires, et donc les muscles eux-mêmes.

En parallèle de ces travaux, nous avons testé si le sérum (partie liquide du sang, débarrassé de ses cellules et des protéines de la coagulation) de l’ours brun hibernant pouvait avoir un quelconque effet sur des cellules musculaires humaines. Nous avons effectivement constaté, au bout de deux jours, une augmentation de la taille et du contenu en protéines des cellules traitées avec le sérum de l’ours hibernant ! Non seulement le sang d’ours hibernant contient une (ou des) molécule(s) induisant une croissance musculaire. Plus important, c’est également efficace chez l’être humain ! La voie vers des applications thérapeutiques semble donc désormais ouverte.

Il s’agit à présent d’identifier la (ou les molécules) responsable(s) de l’effet observé. Ce n’est pas une mince affaire, mais qui sait : peut-être qu’un jour nous irons sur Mars grâce à la découverte de ses secrets. Ce qui me fait dire aujourd’hui : « Aller sur Mars ? Oui, grâce à mon ours ! »


La bande dessinée de Peb&Fox illustrant la thèse de Blandine Chazarin
Peb&Fox/Syndicat national de l’édition. CC BY-NC-ND

Pour aller plus loin

– Concours « Ma thèse en 180 secondes », édition 2019, prix des lycéens ;

– Reportage ARTE « Fort comme un ours » ;

– Reportage audio pour la radio RTS « La biologie de l’espace (¾) : hibernation pour vols longue durée ».

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