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Covid-19 : la relation client, le grand défi des marques

« Stay home with Chanel et Angèle » : le 3 avril dernier, la chanteuse belge a donné un concert retransmis en direct sur le compte Instagram de la maison de luxe. Capture d'écran Instagram

Alors que tout semble se figer avec la baisse de consommation imposée par le confinement, les marques doivent garder et entretenir leurs liens avec leurs clients. Elles pourraient même profiter de ce contexte pour réfléchir à des opportunités de développer des relations nouvelles en collaborant avec des artistes pour des solutions créatives impactant positivement leur image.

La gestion de la marque passe par une claire définition stratégique de son identité. L’expert des marques Jean‑Noël Kapferer a proposé en 1992 un modèle pertinent composé de 6 facettes distinctes : la physique (tous les éléments tangibles tels que les produits, le logo, etc.) ; la personnalité (la marque est imaginée comme une personne et on lui assigne des caractéristiques du modèle de personnalité humaine) ; la culture (les valeurs qui guident les actions de la marque) ; le reflet (qui constitue le personnage idéal avec qui la cible peut s’identifier) ; la relation (que la marque cultive avec ses clients) ; et la mentalisation (la relation que la marque permet d’entretenir avec soi-même, la raison pour laquelle on adhère à la marque).

Le prisme d’identité de la marque de Jean‑Noël Kapferer. E-marketing.fr

Par toutes les rencontres et échanges que les consommateurs ont avec la marque, à travers ses produits bien entendu, mais aussi grâce sa communication ou son personnel, ils se construisent une image de la marque.

Quand la stratégie est bien échafaudée et cohérente, l’image correspond à l’identité, enrichie par d’autres associations subjectives que les consommateurs vont bâtir en mémoire au cours du temps. Ici, un des aspects importants de ce processus est la relation établie entre la marque et ses clients. Comme toute relation, elle doit être entretenue par les deux parties.

Un des concepts utilisés pour évaluer l’intensité de cette relation est l’attachement à la marque qui correspond à la perception qu’ont les clients de la relation affective et durable qu’ils entretiennent avec la marque. Il s’agit d’une relation de proximité psychologique. C’est un élément important puisqu’il prédit les comportements et en particulier la fidélité à la marque.

Garder le contact

Compte tenu de la situation de crise actuelle et le confinement imposé, on peut donc se demander comment les marques peuvent faire pour garder le lien et maintenir l’attachement de leurs clients, surtout quand il s’agit de produits et services qui ne sont pas de première nécessité et dans un contexte particulier avec des besoins différents.

Quoi de mieux que de s’appuyer sur son fichier client afin de renouer avec la possibilité d’envoyer des informations directement par e-mail, SMS ou à travers une newsletter ? Les clients, puisqu’ils sont confinés, deviennent d’autant plus captifs qu’ils ont la nécessité de rester à l’affût des nouvelles qui leur parviennent à travers leurs outils numériques. Les marques sont donc certaines de pouvoir les contacter à travers ces dispositifs.

Les grandes enseignes de distribution, par exemple, peuvent rassurer leurs clients en expliquant quels dispositifs elles ont mis en place pour assurer la sécurité de ceux-ci ainsi que de leurs employés, à travers des actions de communication habituelles comme la télévision ou les réseaux sociaux.

Dans la grande distribution, les enseignes, comme ici à Montpellier, communiquent notamment sur les mesures mises en place pour assurer la sécurité de leurs clients. Pascal Guyot/AFP

Les petites entreprises, elles, choisissent un canal plus individualisé, par e-mail en général, afin d’expliquer leur stratégie, comme ce gérant d’une société de dépannage de gaz qui informe qu’il reste seul présent pour répondre aux urgences afin de protéger ses salariés, qui, eux, sont mis au chômage partiel.

Des actions de communication contextualisées

Les entreprises peuvent donner des précisions sur ce qu’elles entreprennent de façon différente de l’habituel et qui sort de leur cœur de métier.

Ici, par exemple, une partie de la production devient dédiée à des produits directement utilisés dans la lutte contre le virus, au lieu d’autres développements. De Dyson à General Motors, de Renault à JCB, de PSA à Schneider, la mobilisation est générale afin de produire au plus vite des respirateurs en aide aux fabricants traditionnels comme, un exemple parmi d’autres, le français Air Liquide.

Aussi, certaines marques, qui ne peuvent pas détourner leur production, proposent de donner des fonds pour équiper les soignants, les hôpitaux, ou encore favoriser la recherche.

Dans ce cadre, les actions de communication permettent d’informer les clients sur les gestes bienfaiteurs qu’elles réalisent dans ce contexte exceptionnel, ce qui permet de favoriser une image positive de la marque et d’augmenter l’attachement des clients.

« Art infusion effect »

Le contexte actuel, anxiogène et rempli d’incertitudes et inquiétudes est propice à la création artistique. On voit ainsi émerger sur le net une profusion de productions artistiques, musicales et/ou visuelles (les sens pouvant être véhiculés par ce moyen de communication).

L’histoire nous renseigne sur la grande production artistique qui accompagne les périodes difficiles, en particulier les périodes d’après-guerre. L’art est une expérience sensorielle, esthétique et émotionnelle qui favorise le bien-être psychologique.

Dans l’art-thérapie, il s’agit même d’un processus thérapeutique de soin dans la prise en charge de pathologies très variées, allant de la douleur au syndrome de stress post-traumatique.

La culture, comprise comme l’ensemble des activités artistiques qui conduisent à interpréter, représenter, distiller et disséminer des valeurs, peut avoir une place importante dans la crise actuelle. Les entreprises pourraient donc inviter des artistes à accompagner les relations qu’elles souhaitent entretenir avec leurs clients et augmenter ainsi l’attachement à la marque.

C’est par exemple ce qu’a fait la maison de haute couture Chanel le 3 avril dernier, en retransmettant en direct un concert de la chanteuse belge Angèle sur son compte Instagram.

Cet effet correspond à ce qu’on appelle « l’art infusion effect », c’est-à-dire l’influence positive sur la marque de la présence de l’art lors des expériences vécues par les clients en lien avec toutes les manifestations de la marque (produit, communication, visite des sites virtuels ou physiques, etc.).

Cet effet a été démontré lorsqu’on appose simplement une image d’un artiste connu sur des produits, mais aussi quand les marques invitent des artistes à exposer leurs œuvres sur les sites où les services sont délivrés.

Nous avons ainsi mené une étude montrant l’effet bénéfique sur l’attachement à la marque perçue par des étudiants ayant vécu une expérience esthétique de l’artiste locale Patricia Pinzuti-Gintz.

Auteures.

En plus de « l’art infusion effect » améliorant le lien entre la marque et ses clients, les effets additionnels pourraient être nombreux et favorables à la santé psychique : véhiculer des valeurs de solidarité et d’espoir, provoquer des émotions liées à l’expérience esthétique offerte, faire appel au potentiel créatif des artistes alors qu’ils sont eux-mêmes privés de festivals, expositions et concerts ; cela constitue donc aussi une bonne action sociétale, en plus d’être profitable pour les marques !

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