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Nos années Trump

Donald Trump et les décrets migratoires, victoire partielle

Le siège de la Cour suprêmeà Washington (mars 2017). Phil Roeder/Flickr, CC BY

La plus haute Cour américaine a statué, le 26 juin 2017, sur les très controversés décrets migratoires. Saisie en dernier recours par le président des États-Unis, elle a rendu une première décision qui ne peut que ravir l’hôte de la Maison-Blanche puisqu’elle lui a, sur le fond, donné raison : c’est bien à lui que revient le soin de définir la défense et la diplomatie du pays – ce pouvoir lui est dévolu de par la Constitution. Il peut donc interdire l’entrée à des étrangers s’il estime que la sécurité nationale en dépend.

En revanche, la haute instance a assorti son avis d’une restriction importante : ceux qui vivent déjà aux États-Unis doivent pouvoir voyager librement. Ils doivent également pouvoir être rejoints par leurs proches. Par extension, il ne sera pas possible d’interdire l’entrée aux étrangers qui ont de la famille aux États-Unis. C’est donc une victoire partielle pour Donald Trump.

Chaos sans précédent dans les aéroports

Fin janvier, le Président avait commencé son mandat avec fracas en signant un premier décret interdisant aux ressortissants en provenance de sept pays – la Syrie, l’Iran, l’Irak, la Libye, le Yémen, le Soudan et la Somalie – d’entrer aux États-Unis. L’application immédiate du décret avait créé un chaos sans précédent, alors que des milliers de gens étaient bloqués dans les aéroports, dont des familles, des personnes âgées, des enfants ou des bébés. Plusieurs juges fédéraux avaient alors pris des décisions contre ce décret, puis contre celui qui lui a succédé (n’incluant plus l’Irak), et les décisions prises en Cours de district avaient trouvé une confirmation dans les instances d’appel.

Mais tout n’est pas perdu pour les opposants à ce décret, qui ont formé des recours sur le caractère antireligieux, selon eux, de cette décision de l’exécutif au nom de la clause dite de l’établissement, à savoir la liberté religieuse, contenue dans l’article 1 de la Constitution. Mais il faudra attendre un peu pour savoir si leur demande est entendue : les juges suprêmes ont renvoyé l’étude du fond au mois d’octobre.

En attendant leur réponse, les restrictions voulues par Donald Trump pourront être mises en œuvre et le décret interdisant l’entrée aux États-Unis aux habitants de ces pays s’appliquera désormais vis-à-vis de quiconque « n’a pas établi de relation de bonne foi avec une personne ou une entité aux États-Unis ».

Triomphe modeste

Dans une déclaration officielle, le président a immédiatement salué ce qu’il a appelé une victoire pour la sécurité. Pas de tweet posté immédiatement pour se vanter. Le message victorieux a été très mesuré et n’a été publié qu’une dizaine d’heures plus tard. Car il s’agit de ne pas froisser la Cour avant qu’elle ne statue définitivement, ou de calmer le jeu après des tensions qui ont été très fortes.

Les décrets pris en janvier avaient semé le chaos dans les aéroports américains, comme ici à l’aéroport JFK de New York. Spencer Platt/AFP

Il est fort probable, toutefois, que la décision qui interviendra au final ne gênera pas beaucoup le Président dans la mesure où la mise en application de l’avis du 26 juin prendra effet très vite, à peine 72 heures après sa publication. Comme le décret vise à réévaluer les procédures d’attribution des visas pour ces pays à majorité musulmane, il avait été spécifié, dès le mois de janvier, que le temps nécessaire pour une mise à niveau de la sécurité n’excéderait pas 90 jours. Tout sera donc terminé avant que les différentes parties ne se retrouvent à nouveau devant les juges, le 2 octobre prochain.

La difficulté principale qui surgira certainement portera sur la définition des liens que les candidats à l’entrée aux États-Unis auront désormais à justifier : la Cour a évoqué des liens bona fide (de bonne foi), une définition qui est elle-même largement sujette à interprétation par les autorités en charge de l’immigration. Si ce n’est pas difficile à établir pour des liens objectifs, comme la parenté directe, on imagine que quelques tensions émergeront à propos de liens plus subjectifs : une négociation avec une entreprise ou la nécessité de poursuivre des études ou des recherches aux États-Unis plutôt que dans le pays d’origine.

Les leçons de cet épisode

En définitive, c’est une bonne opération pour Donald Trump qui a pu, par ailleurs, juger sur pièce que son choix de nommer Neil Gorsuch en remplacement d’Antonin Scalia avait été le bon.

Reste que Donald Trump aura appris avec cette affaire que son pouvoir n’est pas sans limites et que les citoyens peuvent se tourner vers les juges pour que soit revue chacune de ses décisions. C’est une leçon importante et dont il devra tenir compte pour la fin de son mandat.

C’est aussi un enseignement précieux pour les conservateurs, alors que Washington, D.C. bruisse des rumeurs de la démission très prochaine du juge Anthony Kennedy, âgé de 81 ans. Ce dernier est peut-être également un conservateur, qui a été nommé par Ronald Reagan en 1988, mais il est surtout un juge très « activiste », qui a fréquemment voté avec les progressistes sur des questions de société. C’est d’ailleurs lui qui a fait pencher la balance en faveur du mariage gay : c’était il y a deux ans, également un 26 juin.

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