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Le 4 mars 2024, le Parlement était réuni à Versailles pour voter l'inscription dans la Constitution du droit à l'avortement. Emmanuel Dunand/AFP

Droits des femmes : comment le RN, le NFP et Ensemble se positionnent-ils ?

En cette période d’entre-deux-tours, il est encore temps de s’intéresser aux réalisations des partis en matière de protection des droits des femmes. Est-elle prise en compte par celles et ceux qui briguent les suffrages des électrices et des électeurs ?

Au-delà des discours, des programmes et des déclarations d’intention des leaders du Rassemblement national, du Nouveau Front populaire et d’Ensemble, formations arrivées en tête, dans cet ordre, au premier tour des élections législatives, il semble important de se référer aussi à des faits précis. Comment les députés et députées des différents partis ont-ils voté sur les projets qui leur ont été présentés concernant l’égalité entre les femmes et les hommes ?

Des initiatives du camp présidentiel

En 2017, peu après sa première élection comme Président de la République, Emmanuel Macron avait déclaré l’égalité femmes/hommes « grande cause nationale du quinquennat ». Cette déclaration avait été répétée lors de sa réélection en 2022. Sans passer en revue toutes les mesures décidées par les gouvernements successifs et les lois votées par le Parlement depuis 2017, on peut en identifier quelques-unes, parmi les plus importantes : la création, avec la loi Schiappa, d’une infraction d’outrage sexiste pour réprimer le harcèlement dit « de rue » ou l’organisation du « Grenelle des violences conjugales ». Il y a eu aussi, sur un autre plan, la promulgation de la loi relative à la bioéthique qui élargit la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires et le renforcement du droit à l’avortement puis l’inscription de ce droit dans la Constitution en 2024.

D’un point de vue économique a été promulguée la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui met en place l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes puis la loi Rixain visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle des femmes. Le plan quinquennal pour les droits des femmes a, lui, été annoncé en 2023.

Un rassemblement national plus hostile que la moyenne

Sur ces différents sujets, les députés du Rassemblement national (RN) ont montré, soit leur opposition, soit leur indifférence, selon le site Dantan qui comptabilise les votes de tous les partis sur tous les textes qui leur sont soumis. Concernant les violences sexistes et sexuelles et les violences conjugales lors de l’adoption de la loi Schiappa en 2018, un seul député du RN est en séance et il s’abstient. Par ailleurs, le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles rapporte que le RN n’aborde le sujet « que par le prisme sécuritaire, sans prendre en compte la nécessaire prévention de ces violences ».

À propos du droit à l’avortement, les positions du RN sont également clairement plus hostiles que la moyenne : les députés RN ont voté contre l’allongement du délai de l’IVG de 12 à 14 semaines en 2022 et contre la PMA pour les couples de femmes. Sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution en mars 2024, le RN est le groupe qui, en proportion, a le moins voté en faveur de cette mesure : sur 88 députés, 46 ont voté pour, 11 contre, 20 se sont abstenus et 11 étaient absents lors du Congrès à Versailles.

Au Parlement européen les députés du RN ont affiché les mêmes réticences à protéger davantage le droit à l’avortement. En novembre 2020 et novembre 2021, les élus de ce parti avaient voté leur opposition à une résolution condamnant la Pologne qui interdisait quasiment totalement l’avortement. Le 11 avril dernier, ils ont choisi de s’abstenir sur l’introduction du droit à l’avortement dans la Charte européenne des droits fondamentaux.

Enfin, sur le plan économique, on observe que les députés RN n’ont jamais voté la moindre directive pour renforcer l’autonomie et l’égalité professionnelle des femmes. En 2023, lors d’une proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, 35 députés RN avaient voté contre et un s’était abstenu. La loi visait pourtant à accélérer la féminisation de la haute fonction publique en portant à 50 % le quota obligatoire de primo-nominations féminines et instaurait un index de l’égalité professionnelle dans la fonction publique. De même, en mai 2023 au Parlement européen, les eurodéputés du RN avaient choisi de s’abstenir ou avaient voté contre la directive européenne sur « la transparence et l’égalité des rémunérations » qui vise à appliquer l’égalité de salaires entre femmes et hommes pour un travail identique ou de même valeur.

Certes, Jordan Bardella, qui postule au poste de premier ministre, tente de rassurer et de s’ériger en défenseur des droits des femmes. Certes, ces discours ne sont pas sans effet puisque les femmes votent désormais autant que les hommes pour les représentants du RN. Ils paraissent néanmoins s’inscrire en contradiction avec les décisions prises par son camp ces dernières années.

Au début des années 1970, alors que le droit à l’avortement réalisait des avancées décisives, Simone de Beauvoir mettait en garde :

« Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilante. »

Sommes-nous à ce moment ?

Ensemble et Nouveau Front populaire : des incomplétudes

Que trouve-t-on côté des autres forces politiques, actuelle majorité et Nouveau Front populaire ?

La Cour des comptes a publié en septembre dernier un rapport sur la politique d’égalité femmes/hommes menée par l’État lors du premier quinquennat, de 2017 à 2022. Son sous-titre donne déjà le ton :

« Des avancées limitées par rapport aux objectifs fixés ».

Le texte pointe d’abord l’absence d’une politique globale continue et coordonnée. Ainsi des dizaines de mesures ont été annoncées mais elles n’ont pas fait l’objet d’une « feuille de route » unique qui aurait permis un suivi au niveau interministériel. Faute de quoi, les mesures ont été mises en œuvre au bon vouloir de chaque ministère.

Néanmoins, les services de l’État se sont davantage mobilisés, notamment grâce à une augmentation des moyens budgétaires. Le rapport prend acte d’avancées certaines dans la lutte contre les violences conjugales et pour l’égalité professionnelle. Il conclut en somme à la nécessité de corriger des erreurs de méthode pour développer une vision plus englobante de la politique d’égalité accompagnée d’une feuille de route assortie d’objectifs chiffrés en matière de résultats.

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Le Nouveau Front populaire, de son côté, affiche clairement ses objectifs :lutter contre les violences sexistes et sexuelles en assurant vouloir adopter une loi intégrale avec un budget conséquent de 2,6 milliards d’euros ; faire appliquer les textes existants sur l’égalité salariale ; créer un congé menstruel et faire prendre en charge par la Sécurité sociale les protections menstruelles.

Mais pour le reste ? Qu’en est-il de la concentration des femmes dans les métiers les moins bien payés, les plus précaires, aux conditions de travail les plus pénibles ? Qu’en est-il de la ségrégation horizontale des emplois, notamment dans les métiers du soin et du lien ? Sur 87 familles professionnelles, moins de 20 présentent une répartition entre les femmes et les hommes à peu près équilibrée. Qu’en est-il de la formation à l’égalité, dans les établissements scolaires depuis le plus jeune âge ainsi que pour tous les enseignants et enseignantes ? Qu’en est-il des difficultés des familles monoparentales dont la très grande majorité est le fait de femmes seules avec enfants ? On pourrait encore facilement allonger la liste.

Certaines personnes, comme l’historienne Éliane Viennot, regrettent aussi que ce programme ait été écrit au masculin. « Écrire au masculin, c’est penser au masculin », disent-elles. « Messieurs, encore un effort… » : le titre du dernier ouvrage d’Elisabeth Badinter montre ici toute sa pertinence si l’on vise l’égalité réelle.

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