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« Génération Covid » : des jeunes avant tout mal compris ?

Selon une étude du cabinet de conseil Kantar, trois jeunes sur quatre s’attendent à pâtir des conséquences de la situation économique actuelle dans le futur. Shutterstock

La crise de la Covid-19 risque bien de devenir un nouveau marqueur de la génération Z, la génération née après 1995. Dans le contexte actuel, trois jeunes sur quatre s’attendent en effet à pâtir des conséquences de la situation économique actuelle dans le futur.

En outre, d’après une étude réalisée par JobTeaser auprès de 7 000 étudiants, entreprises, universités et écoles dans 14 pays européens, un tiers des étudiants et 40 % des jeunes diplômés de disent très inquiets quant à leurs perspectives professionnelles.

Côté entreprises, un quart d’entre elles aurait totalement annulé les recrutements prévus avant la crise. En ce qui concerne les stages et les alternances, une entreprise sur deux a décidé de décaler les recherches de profils à plus tard. D’autres chiffres témoignent également du décrochage brutal à l’annonce du confinement en mars : entre janvier et avril 2020, 65 % du volume d’offres d’emplois destinées aux jeunes de moins d’un an d’expérience s’est effondré, selon l’Association pour l’emploi des cadres (Apec). Pour les jeunes qui ont conservé leur emploi, le nombre d’heures travaillées a chuté de 23 % en moyenne.

Ce tableau lugubre dresse un constat terrible de l’impact de la pandémie sur le marché du travail, en particulier pour les moins de 25 ans, qualifiés de génération « sacrifiée » économiquement mais aussi « perdue » psychologiquement.

Une génération anxieuse et frustrée

Le confinement a provoqué une hausse spectaculaire des troubles psychopathologiques chez les plus jeunes. Aux États-Unis, les résultats d’une enquête publiée dans la revue The Lancet ont souligné que les enfants mis en quarantaine obtenaient un score de stress post-traumatique quatre fois plus élevé que ceux non isolés.

Au-delà du manque d’école, ce sont l’isolement et la réduction de contacts sociaux qui entrent en jeu et qui expliquent ces cas de détresse. Les 18-24 ans sont parmi les plus touchés par la crise de la Covid-19 : parmi eux, trois jeunes sur quatre déclarent avoir ressenti un impact psychologique significatif (anxiété, dépression) contre 30 % après 45 ans, et même seulement 15 % après 65 ans.

Plus que l’angoisse, c’est un sentiment de frustration qui domine la nouvelle génération. Ce sentiment est partagé par 63 % des 13-25 ans aux États-Unis. Avant la crise de sanitaire, les jeunes revendiquaient déjà un monde d’après : un monde plus juste et plus respectueux de l’environnement. Le sujet de l’écologie était déjà prioritaire, au même titre que la lutte contre les discriminations raciales et sexistes.

L’expression « OK Boomer » (« cause toujours, baby-boomer » devenue virale chez les jeunes) est révélatrice de leurs frustrations face aux anciens qui semblent mépriser leurs angoisses sur le changement climatique, et cristallise le ras-le-bol d’une génération agacée d’être mal comprise.

De plus en plus de questionnements

Loin de décourager les jeunes, la crise vient cependant jouer le rôle d’accélérateur dans leur questionnement, en créant un sentiment d’urgence très puissant. Jusqu’à consolider la position militante de cette génération, à l’image de Jamie Margolin qui a cofondé Zero Hour, un mouvement basé à Seattle pour coordonner les grèves scolaires pour le climat aux États-Unis.

La jeune militante suédoise pour le climat Greta Thunberg est devenue un symbole de cette génération engagée.. Jonathan Nackstrand/AFP

Une frange de la génération Z se politise aujourd’hui avec la volonté de pouvoir créer du pouvoir collectif et peser dans la discussion politique. En lutte pour le climat, l’égalité des sexes ou encore l’inclusion sociale, nombre de jeunes s’engagent et montent au front des batailles politiques, à l’image de Greta Thunberg.

Pourtant, selon Mathieu Magnaudeix, journaliste, il existe toujours un décalage entre l’urgence de leurs questionnements, leurs envies de changer de modèle et l’indifférence de leurs aînés, créant un profond sentiment de désillusion.

Une génération pourtant optimiste

La génération Z a hérité d’un monde en crise – sanitaire, économique, social ou encore écologique. Mais cette nouvelle génération semble pouvoir réenchanter ce monde par ses valeurs, notamment celles de la « reliance ». La reliance est une notion fondamentale et caractéristique des jeunes d’aujourd’hui : se (re)créer un espace de liens pour revenir à soi, aux autres et au monde.

Durant le confinement, toutes ces activités et expériences partagées en ligne avec leur groupe d’amis ont fait sensation auprès des jeunes dont la tentation d’être connectés en permanence sur leur smartphone est d’autant plus forte. Les applications sociales, comme Houseparty ou TikTok, ont pu aider à vaincre un sentiment d’isolement dû au confinement.

Les applications comme TikTok, ont permis aux jeunes de lutter contre l’isolement durant les périodes de confinement. Shutterstock

Bien qu’il y ait toujours eu des crises et des jeunes pour les vivre, la crise de la Covid-19 marque la différence dans le sens où presque tous les digital natives sont équipés de smartphones et sont en quête de nouvelles façons de rester connectés.

Ils recherchent même plus activement le lien social en renouant avec des personnes avec qui ils avaient perdu le contact (4 jeunes sur 10) ou en passant virtuellement du temps avec leurs amis plutôt que de simplement naviguer sur les médias sociaux. Même si les jeunes passent plus de temps sur leurs smartphones pendant le confinement, 60 % d’entre eux recherchent activement des contenus à consommer en ligne qui ne soient pas liés aux coronavirus, tels que des contenus instructifs et inspirants (54 %).

La crise de la Covid-19 constitue donc une occasion d’engager pour les jeunes une réflexion structurelle globale sur le monde, telles qu’une réflexion sur le sens du travail pour 61 % des 18-25 ans, la volonté de changer d’orientation à l’aune de la crise pour 25 % d’entre eux ou encore l’envie de travailler dans une association pour 48 % d’entre eux.

Face à la crise de la Covid-19, nous sommes tous pris dans le même mouvement d’incertitudes par rapport au monde actuel. La génération Z en est aux avant-postes, avec des défis colossaux à gérer : défis climatiques, marché du travail en mutation… Les jeunes ont longtemps réclamé des changements et il semble désormais urgent aujourd’hui de les comprendre, afin de pouvoir embrasser ensemble notre avenir.

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