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Incendies en France : l’été 2017 risque de devenir la norme

Le 22 août dernier, le paysage calciné de Carnoux-en-Provence (sud-est de la France) où 240 hectares de forêt sont partis en fumée. Boris Horvat/AFP

L’incendie de forêts et de milieux naturels est un risque naturel majeur à l’échelle globale, avec 3 à 4 millions d’hectares brûlés chaque année dans le monde (soit 3 % de la végétation existante). Les incendies ont causé 2 000 décès directs depuis 30 ans, et les effets indirects liés aux fumées touchent 6 millions d’habitants chaque année.

En France, on recense chaque année 4 000 incendies et 24 000 ha brûlés (des évaluations consultables en ligne grâce aux bases de données bdiff.ifn.fr et www.promethee.com) pour la période récente ; le budget annuel consacré par l’UE, l’État et les collectivités pour les incendies de forêt s’élève à un demi-milliard d’euros : 2/3 pour la lutte et 1/3 pour la prévention. Ce budget ne prend pas en compte les dommages écologiques et leur réparation.

La politique mise en place après les grands incendies de 1989 et 1990 a été efficace avec une baisse importante du nombre de feux et des surfaces brûlées. Ces progrès résultent de l’amélioration de la détection, de la prévention et des moyens et stratégies de lutte.

Cependant, ces progrès restent très fragiles : la politique actuelle montrant ses limites dans les années météo critiques ; en 2003, 61 400 hectares ont été brûlés dans le sud-est de la France. Ceci avait été considéré à l’époque comme un événement isolé, attribué à la sécheresse et la canicule exceptionnelle ; les étés 2016 et 2017 ont aussi été très secs et chauds et ont vu le développement de grands incendies.

Irstea (juin 2016).

Un risque incendie accru à long terme

Le risque d’incendie de forêt résulte des interactions entre les changements climatiques et l’évolution des activités humaines et des milieux naturels.

Le réchauffement climatique en cours, l’augmentation des sécheresses et des évènements extrêmes contribuent à l’aggravation du risque incendie en France, avec deux conséquences majeures : la zone à risque et la durée de la saison à risque s’accroissent ; les conditions météo propices aux grands incendies difficiles à contrôler augmentent.

Les dépérissements s’étendent en forêt méditerranéenne et en montagne, ce qui augmente la biomasse morte, les départs de feux et l’intensité des incendies.

Le risque incendie augmente aussi sous l’influence des activités humaines et des changements d’occupation du sol. On peut citer à ce propos l’évolution à long terme de la forêt méditerranéenne (augmentation de la surface, de la biomasse, de l’embroussaillement, liée à la déprise agricole et à une exploitation forestière limitée).

Exemple de « mitage pavillonnaire » sur la commune de Gémenos, dans le département des Bouches-du-Rhône. The Conversation, CC BY-NC-ND

Le risque augmente aussi du fait du mitage croissant des milieux naturels par l’urbanisation : +10 % en 10 ans pour les départements des Bouches-du-Rhône et de Haute-Corse par exemple ; cela augmente à la fois les risques de départ de feux déclenchés volontairement ou involontairement par l’homme, et rend la lutte plus compliquée en multipliant les enjeux à défendre.

Malgré les incertitudes liées aux données et aux modèles, on peut avancer que le climat du futur devrait favoriser une augmentation des grands incendies intenses et/ou rapides lors des évènements météo extrêmes ; il favorisera aussi le développement d’incendies en montagne et au-delà de la région méditerranéenne, ce qui induit des coûts supplémentaires pour la surveillance et la prévention de zones plus vastes (+ 20 % pour la prévention et la lutte pour une extension de 30 % en surface). Des impacts écologiques plus forts seront également à déplorer dans les forêts montagnardes et hors zone méditerranéenne, mal adaptées aux incendies.

Prévention, atténuation, adaptation

Il faut en effet s’attendre à ce que les années 2016 ou 2017 – voire 2003 – deviennent des années normales du point de vue du risque d’incendie au cours de ce siècle. En conséquence, nous devons adapter nos territoires et nos modes de vie. Le rôle de tous (décideurs, gestionnaires, grand public) est essentiel pour développer une culture du risque – actuellement faible. Cette culture repose sur la mémoire des évènements passés et la préparation au risque futur.

Face à l’augmentation probable du risque, les efforts sont à maintenir sur la lutte, et la prévention doit se renforcer. Cela passe par la sensibilisation du public, des gestionnaires et des décideurs concernés.

Une meilleure maîtrise de l’urbanisation est aussi nécessaire pour éviter la multiplication des enjeux à protéger. La réglementation sur le débroussaillement obligatoire doit être mieux appliquée notamment dans les zones d’interface entre habitat et forêt. Le centre Irstea d’Aix-en-Provence a, par exemple, produit des outils permettant de mieux gérer le risque d’incendie dans ces zones. Un logiciel (WUImap) permettant de les cartographier a été développé. Il propose aussi des scénarios d’évolution de l’urbanisation limitant la vulnérabilité au feu à l’interface entre la forêt, les habitations ou les infrastructures critiques (usines, routes, voies ferrées, lignes électriques).

Ces travaux débouchent sur des recommandations très concrètes sur l’agencement des interfaces, y compris de la végétation ornementale (il est par exemple conseiller d’installer à proximité de sa maison des lauriers roses peu inflammables, plutôt que des cyprès).

Des solutions existent

Chercheurs et forestiers ont montré qu’une gestion active des forêts peut efficacement limiter le risque incendie. Des solutions existent, comme la maîtrise de la biomasse forestière par une exploitation raisonnée ; cela rend la lutte plus facile en limitant le combustible disponible et en ralentissant la propagation du feu.

L’adaptation des forêts passe aussi par le choix d’espèces adaptées au feu et à la sécheresse, et par des modes de gestion limitant les dépérissements et les maladies : préférer, par exemple, les forêts mélangées à pin et chênes aux pinèdes pures.

Face à cette vulnérabilité territoriale croissante, il s’agit donc de favoriser une véritable gestion intégrée et durable des territoires. La recherche vise ainsi à développer des modèles de risque incendie à l’échelle des territoires. Ils permettent de mieux anticiper le danger et d’évaluer l’impact des feux sur les biens et les écosystèmes.

Les futurs modèles sur lesquels travaillent les équipes d’Irstea, permettront de mieux prévoir quels seront les territoires à risque dans les 30 prochaines années en prenant en compte les évolutions climatiques, urbaines, forestières, et différents scénarios de gestion.

Ces recherches devront être multidisciplinaires afin de garantir la faisabilité et le réalisme des scénarios à envisager… et prendre en compte le fait que le risque incendie concernera à terme une plus grande partie du territoire français.

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