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Industrilles

Industrie et cohésion sociale et territoriale : l’autre leçon du Brexit

Dans l’une des entreprises du groupe Liébot située aux Herbiers, cette commune vendéenne qui compte un des taux de chômage les plus bas de France. Frank Perry/AFP

Malgré un retour de la politique industrielle ces dernières années, une fiscalité des entreprises clémente et des primes très incitatives pour attirer des entreprises industrielles, souvent étrangères, dans ses territoires en déclin, le Royaume-Uni a payé le prix de son trop long désintérêt pour l’industrie depuis les années Thatcher. Comme aux États-Unis et en France, la part de l’industrie (hors matières premières et énergétiques) est tombée aux environs de 10 %, mais elle est tombée de beaucoup plus haut.

Certes, ce pays restait globalement prospère, mais ses performances moyennes favorables cachaient de profondes disparités entre les régions gagnantes de la mondialisation, comme la métropole londonienne avec ses services financiers, et d’anciens territoires industriels sinistrés. Si la mondialisation apportait tant de bienfaits, les habitants de ces régions voulaient en recevoir leur part, éventuellement sous forme de redistribution. Cela n’a pas été le cas, ou pas assez. Dès lors, pourquoi persister dans une voie qu’ils ressentaient comme leur étant défavorable ?

L’ancrage territorial de l’industrie

L’industrie est fortement ancrée dans un territoire dont elle contribue au renouvellement des ressources et qu’elle entraîne dans ses succès. Les services sont apatrides : les Londoniens imaginent aujourd’hui rester seuls dans l’Europe, abandonnant leur arrière-pays à son désarroi.

L’objectif de cet article n’est pas un exercice de British bashing, mais de comprendre ce signal d’alerte. Un État repose sur une certaine cohésion sociale et territoriale. À l’heure où un sentiment de relégation pousse la France périphérique dans les bras des populismes xénophobes, les préoccupations d’équilibre du territoire ne sont pas dépassées.

Les géographes économiques comme Pierre Veltz montrent que les effets d’agglomération profitent naturellement aux métropoles, mais des décideurs locaux volontaristes ont prouvé la capacité de résilience et de conquête de territoires qui misaient sur leurs entreprises, notamment industrielles. La commune des Herbiers, le pays de Vitré, la région d’Oyonnax et bien d’autres ont montré qu’en rassemblant les bonnes volontés et en stimulant la coopération entre les acteurs d’un territoire, on pouvait favoriser le développement d’écosystèmes prospères.

Moderniser l’outil de production

Ces politiques de clusters sont longues à porter leurs fruits et sont parfois évaluées sévèrement par des décideurs publics impatients. De même, on préfère souvent régler les urgences immédiates au détriment de politiques favorables au développement des secteurs exportateurs, exposés à la concurrence internationale.

On concentre ainsi les allègements de charge sur les bas salaires, créant des trappes à emplois peu qualifiés alors que les secteurs d’avenir et la majorité de l’industrie payent leurs employés bien au-dessus du SMIC. On met régulièrement en cause le crédit d’impôt recherche qui permet aux PME d’investir dans l’innovation et aux grandes entreprises de localiser en France leur effort de recherche.

Guidés par le rapport Gallois, nos gouvernants prennent enfin conscience de l’urgence. Le président vient par exemple d’annoncer la reconduction des mesures de sur-amortissement qui encouragent les entreprises à utiliser leurs marges retrouvées grâce à la baisse de l’euro, à celle du prix de l’énergie et au CICE, pour investir dans la modernisation d’un outil de production qui en a grand besoin.

Souhaitons que cette politique favorable à l’offre et aux secteurs dont la bonne santé contribue à notre balance commerciale, donc à la résorption de notre dette, mais aussi à la création d’emplois qualifiés pérennes et à la cohésion territoriale soit menée avec une persévérance suffisante.

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