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Intoxications accidentelles de l’enfant : Quelles sont les plus fréquentes et les plus graves ? Comment les prévenir ?

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Tous les produits de nettoyage et d’entretien doivent être conservés hors de portée des enfants, en hauteur ou dans des placards fermés. Pixel-Shot/Shutterstock

On déplore encore trop d’intoxications accidentelles de l’enfant, notamment âgé de moins de 6 ans. Les intoxications aux produits de nettoyage et d’entretien, aux médicaments et au monoxyde de carbone constituent le trio de tête des intoxications les plus fréquentes et les plus graves. Les intoxications au cannabis ou l’ingestion de piles-boutons doivent également retenir toute l’attention. Ces intoxications sont pourtant évitables en adoptant les bons gestes de prévention. Nous rappelons ici les principales recommandations à suivre, à la maison, sur son lieu de vacances ou dans tout autre endroit.

De manière générale, pour éviter des intoxications accidentelles d’enfants qui chaque année occasionnent des décès, il faut veiller à mettre les petits objets et les produits dangereux hors de portée des petits. Cette vigilance doit être de mise au domicile mais aussi en vacances, chez des amis ou dans tout autre lieu.

Tableau : Intoxications accidentelles pédiatriques les plus fréquentes et les plus graves (Source : Anses, 2023. Expositions accidentelles à des toxiques chez les enfants. Étude des données à partir de plusieurs sources de recours aux soins entre 2014 et 2020, saisine 2020-SA-0084)

Qui contacter en cas d’urgence ?

  • En cas de détresse vitale (perte de connaissance, détresse respiratoire, etc.) : appelez le 15 ou le 112 (ou le 114 pour les personnes sourdes ou malentendantes).

  • Dans toutes les autres situations si une intoxication est suspectée chez l’enfant, même en l’absence de symptômes : appelez immédiatement un centre antipoison.

  • Numéro d’urgence d’un centre antipoison, disponible 24h/24 et 7j/7 : 01 45 42 59 59 (numéro unique)

Suite à une demande de la Direction générale de la santé et de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) a réalisé, avec la contribution de Santé Publique France, une analyse de différentes bases de données sanitaires pour décrire les intoxications accidentelles des enfants âgés de moins de 15 ans, entre 2014 et 2020 : données du Réseau des Centres antipoison, de passages aux urgences (réseau OSCOUR), des hospitalisations (PMSI) et de mortalité (CépiDc).

L’étude de ces différentes sources de données, inédite sur ce sujet, a permis de dresser ce panorama complet des intoxications accidentelles pédiatriques bénignes à graves.

Mieux fermer et ranger les dosettes pour le linge, déboucheurs et autres nettoyants

Pour la période 2014-2020, les produits de nettoyage et d’entretien étaient la première cause d’intoxications accidentelles des enfants de moins 15 ans enregistrées par les Centres antipoison (29 %).

Près de la moitié de ces intoxications (45 %) étaient dues à des produits pour le linge (lessives liquides, dont les dosettes, assouplissants, détachants…), suivis des produits nettoyants de vaisselle ou surface (sols…) (32 %), désodorisants d’intérieur (8 %), produits d’entretien des piscines (4 %) et autres.

Si les produits de nettoyage et d’entretien entraînent le plus souvent des intoxications bénignes, deux catégories de produits sont plus à risque de gravité.

C’est le cas tout d’abord des dosettes de lessive, plus toxiques à dose égale que les lessives liquides classiques, et de forme et couleur particulièrement attractives pour l’enfant. Elles peuvent provoquer une détresse respiratoire en cas de « fausse-route » ou des lésions de la cornée en cas de projection oculaire.

Les intoxications par des dosettes ont cependant diminué suite à l’application des mesures de prévention européennes obligatoires depuis 2015 (boîte opaque, fermeture renforcée, pictogrammes de prévention, produit amérisant dans le film de la dosette…).

En complément de ces mesures de précaution, il ne faut pas sortir la dosette de sa boîte et la poser sur une table ou le sol dans l’attente de faire une machine.

Les produits déboucheurs pour canalisation arrivent en seconde position, du fait de lésions corrosives digestives en cas d’ingestion accidentelle par l’enfant. La réglementation impose que les produits dangereux, dont les déboucheurs pour canalisations, soient fermés par un bouchon de sécurité. Il faut donc bien veiller à fermer le bouchon de sécurité des produits qui en possèdent un.

Les recommandations à retenir avec les produits de nettoyage et d’entretien :

  • Refermer et ranger les produits d’entretien immédiatement après leur utilisation

  • Les tenir hors de portée des enfants, en hauteur ou dans des placards fermés

  • Éviter le déconditionnement : lorsqu’un produit ménager est transvasé dans une bouteille d’eau, de soda ou de jus de fruits, les enfants (comme les adultes) peuvent le boire accidentellement

  • Une attention particulière doit être portée aux dosettes de lessive et aux déboucheurs pour canalisations qui occasionnent plus souvent des accidents graves

Ne pas sous-estimer le fort risque d’intoxications par des médicaments

Un papa administre à la pipette un médicament à sa fille installée dans une chaise haute
Les enfants de moins d’un an sont souvent intoxiqués par des erreurs faites par l’entourage (erreurs de dosages ou de médicaments), tandis que les enfants d’un à cinq ans accèdent plus souvent seuls aux médicaments. Dusan Petkovic/Shutterstock

Les médicaments représentaient la deuxième cause d’intoxication (16 %) et la première cause de cas graves (34 %) chez les enfants de moins de 15 ans, dans les données des centres antipoison. Les médicaments du système nerveux (analgésiques, anxiolytiques…) étaient les plus souvent impliqués, suivis des traitements dermatologiques (antiseptiques, désinfectants), puis respiratoires (antihistaminiques).

Les analgésiques opioïdes (tramadol, morphine) sont particulièrement dangereux, ainsi que des médicaments cardiovasculaires (tels que les bêtabloquants) et des médicaments prescrits dans le traitement de l’hypertension artérielle (les inhibiteurs calciques).

Les analgésiques non opioïdes comme l’ibuprofène, l’aspirine et le paracétamol… étaient responsables de 10 % des hospitalisations pour intoxication des enfants de moins de six ans.

Les intoxications graves nécessitant une réanimation étaient souvent dues aux benzodiazépines (7,5 %), des médicaments notamment prescrits notamment contre l’anxiété, aux psycholeptiques (antidépresseurs, anxiolytiques…) pour 6 % et aux inhibiteurs calciques qui traitent l’hypertension artérielle (2 %).

Enfin, sur les 23 décès d’enfants de moins de 15 ans enregistrés par le CépiDc entre 2014 et 2017, 7 décès étaient dus à des médicaments, sans détail cependant sur la spécialité médicamenteuse à l’origine du décès.

Les enfants de moins d’un an sont souvent intoxiqués par des erreurs faites par l’entourage quand les médicaments leur sont administrés (erreurs de dosages ou de médicaments), tandis que les enfants d’un à cinq ans accèdent plus souvent seuls aux médicaments.

Les recommandations à retenir avec les médicaments :

  • Ranger tous les médicaments en hauteur ou dans une armoire à pharmacie fermée, qu’ils soient destinés aux enfants, au reste de la famille ou aux animaux de compagnie

  • Veiller à ce que des médicaments ne soient pas non plus accessibles dans d’autres lieux que l’habitation principale (par exemple chez les grands-parents…)

  • Ne pas laisser de médicaments dans un sac à main, sur une table…

  • Ne pas déconditionner les médicaments sous formes solides (comprimés, gélules) avant de les prendre

Le cas particulier du monoxyde de carbone, gaz incolore, inodore et non irritant

Le monoxyde de carbone, gaz toxique incolore, inodore et non irritant, est connu pour être responsable d’intoxications collectives, souvent familiales, le plus souvent pendant la période hivernale.

Les intoxications au monoxyde de carbone représentaient la première cause d’hospitalisation (11 %) et la deuxième cause d’admission en réanimation (21 %) pour intoxication chez les moins de 6 ans, dans la période analysée. Elles touchaient plus particulièrement les enfants de moins d’un an.

A noter que le monoxyde de carbone représentait la première cause de décès dans les données du CépiDc (9 sur 23).

Les recommandations à retenir avec le monoxyde de carbone :

  • Faire réviser régulièrement ses installations de chauffage et de production d’eau chaude (chaudière, chauffe-eau, poêles…) avant l’hiver de préférence

  • Aérer régulièrement l’habitat

  • Maintenir les systèmes de ventilation en bon état, ne pas les obstruer

  • Ne pas utiliser de chauffage improvisé (brasero, barbecue, groupes électrogènes…) à domicile

  • S’assurer que le détecteur de fumées, obligatoire depuis 2010 dans tous les logements, est en état de fonctionnement.

Le cannabis, un risque grave et en augmentation

Les intoxications par du cannabis représentaient 23 %, soit la première cause, des admissions en réanimation pour intoxication des enfants de moins de six ans.

Ces intoxications étaient de plus en plus fréquentes dans la période de temps analysée, notamment chez les moins d’un an (de 9 % des hospitalisations pour intoxication en 2014 à 16 % en 2020) et elles étaient de plus en plus graves. Cette tendance est observée dans d’autres études.

Les recommandations pour prévenir les intoxications au cannabis :

  • Ne pas banaliser la consommation de cannabis par les parents ou l’entourage de l’enfant (amis, connaissances…)

  • Informer les parents sur les risques graves encourus par les enfants en cas d’ingestion de résine (somnolence, troubles respiratoires…)

  • Recourir rapidement à un service de soins en cas d’ingestion, même suspectée

Le danger des piles-boutons et autres corps étrangers

Les enfants, surtout en dessous de 6 ans, sont attirés par les objets faciles à manipuler, à mettre en bouche, ou attractifs en raison de leur taille, leur aspect et leur couleur, comme les piles-boutons, de télécommandes ou de jouets, ou les billes d’eau à usage décoratif ou de support pour les plantes.

Les corps étrangers ne représentaient qu’1 % des intoxications enregistrées par les centres antipoison mais 6 % des cas graves. Ils furent responsables de deux décès entre 2014 et 2020. Sur cette période, 19 enfants avaient avalé une pile bouton provenant d’un jouet de l’enfant ou d’une télécommande.

Un de ces enfants est décédé suite une perforation de l’œsophage et de l’aorte, un autre après avoir ingéré une bille d’eau qui a amené des complications digestives. Pour ces deux décès, l’ingestion du corps étranger était passée inaperçue au moment de l’accident, ce qui avait retardé la prise en charge médicale.

Les recommandations pour limiter l’accès des enfants à ces petits objets :

  • Tenir les piles-boutons hors de portée des enfants, y compris si elles sont usagées ou encore dans leur emballage

  • Ne pas laisser les jeunes enfants jouer avec une télécommande, des clés… et tout objet pouvant contenir une pile-bouton

  • S’assurer que le compartiment à piles des produits est bien sécurisé et ne peut être ouvert par un enfant (vis bien serrée, système de fermeture enclenché…)

  • Se rappeler que toute suspicion d’ingestion de pile-bouton par un enfant doit être considérée comme une ingestion potentielle et nécessite un recours médical

En conclusion, cette étude montre que les intoxications accidentelles pédiatriques, sous toute leur diversité, restent fréquentes et graves.

Cela nécessite de renforcer la communication en direction du public, surtout des jeunes parents et des professionnels de l’enfance, afin de ne pas sous-estimer certains risques et de réduire le nombre d’accidents. Leur prévention est un enjeu de santé publique important.

Pour aller plus loin

Le logo du serious game « Zéro accident, un jeu d’enfant »

« ZÉRO ACCIDENT : UN JEU D’ENFANT ! » : La Direction générale de la santé a soutenu la mise en place de ce jeu sérieux ou « serious game » dédié à la prévention des accidents de la vie courante chez les enfants de moins de 5 ans.


L’autrice remercie Christine Tournoud, médecin toxicologue clinicienne au Centre antipoison et de Toxicovigilance Est au CHRU de Nancy, pour sa relecture de l’article.

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