À la suite des élections de 2022, l'horizon politique pour LREM (devenue Renaissance) et LFI/NUPES se trouve dans une période d'incertitude. Tandis qu'Emmanuel Macron ne peut briguer un troisième mandat présidentiel consécutif, Jean-Luc Mélenchon qui ne détient plus de mandat électif, semble vouloir se mettre en “retrait”. Par ailleurs, LFI/NUPES est confrontée à une crise sans précédant en raison des prises de position de Jean-Luc Mélenchon et d'une partie de LFI, qui, plutôt que de qualifier les attaques du Hamas du 7 octobre 2023 comme des actes terroristes, les désignent comme des “crimes de guerre”. Face à cela, des personnalités de l'union ont exprimé leurs inquiétudes quant à l'avenir de l'alliance. Le PCF voit l'union comme une “impasse”, plaidant pour une nouvelle forme d'union à gauche, tandis que le conseil national du PS a décidé d'un moratoire sur sa participation à la NUPES, appelant à un “fonctionnement plus démocratique” de l’alliance pour aboutir à “une candidature commune à l’élection présidentielle de 2027”.
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Pour LFI, la crise actuelle trouve son origine dans un déficit d'horizontalité et à l'influence continue de Jean-Luc Mélenchon. Du côté de Renaissance, l'incertitude provient d'un verrouillage institutionnel. Ces situations soulèvent des questions sur la succession de ces deux leaders. En effet, ni les statuts de Renaissance, ni ceux de LFI n'établissent de procédures démocratiques explicites pour désigner leurs successeurs.
Ces formations partisanes vont donc être amenées à régler des enjeux de leadership. Bien qu'ils aient partagé des structures organisationnelles similaires par le passé (parti-mouvement, à adhésion gratuite, peu démocratique et centré sur une plateforme numérique), LFI et Renaissance empruntent désormais des voies divergentes en matière de gouvernance et de stratégie interne.
Entre transition et tensions : Les nouveaux défis de la France insoumise
Quelques mois après la campagne présidentielle, une “Assemblée représentative” est mise en place le 10 décembre 2022, composée d’un tiers de cadres et de deux tiers de militants tirés au sort. Elle a pour but de formaliser l’organisation par la création de deux organes ; la « coordination des espaces » et le “conseil politique”. Les principales figures du mouvement proches de Jean-Luc Mélenchon, telles que Sophia Chikirou, Manuel Bompard, Mathilde Panot, entre autres, occupent la première instance, tandis que des figures dissidentes comme Clémentine Autain et François Ruffin sont reléguées au conseil politique, une instance spécialement créée pour l'occasion représentant la pluralité du mouvement. Pour les évincés de la coordination du parti, cela s'apparenterait davantage à un “conseil Théodule” , un comité sans grande utilité.
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L’Assemblée représentative valide la stratégie de l’ancrage local par la création de “boucles départementales” et l'acquisition de “QG insoumis”. Les 21 membres de la coordination des espaces plébiscitent Manuel Bompard à la coordination nationale. Toutefois, la désignation de l’interrex – leader temporaire du mouvement avant la nomination d'un successeur à Jean-Luc Mélenchon – n'a pas été sans remous. Plusieurs cadres influents tels qu'Alexis Corbière, Clémentine Autain, François Ruffin et Éric Coquerel ont regretté l'absence de consultation dans ce processus et souligné l’opacité de ce plébiscite.
La centralisation des décisions a été un point de friction, suscitant des critiques internes, avec des termes tels que : “purge”, “verrouillage” ou encore “autodésignation”.
Ainsi, malgré ces évolutions structurelles, LFI conserve son identité de parti-mouvement gazeux. L’organisation n’a pas fondamentalement changé et Jean-Luc Mélenchon garde un magistère sur la structure qu’il continue à diriger (Manuel Bompard est un proche).
Renaissance : de parti-mouvement à parti traditionnel ?
En mars 2022, Emmanuel Macron plaide pour la formation d’un nouveau parti englobant tous les partis de la majorité présidentielle (excepté le MoDem et Horizons qui gardent leur indépendance). Ce “nouveau” parti établit rapidement de nouveaux statuts votés par les adhérents de LREM et Stéphane Séjourné en prend la tête. Ces statuts marquent le passage à une organisation partisane “traditionnelle” typique de la Ve République avec une structure hiérarchisée claire, qui vise un ancrage local (il est actuellement faible).
Du temps de LREM, le bureau exécutif désignait les référents, entraînant de nombreuses critiques en interne sur son manque de démocratie. Désormais à Renaissance, les membres des bureaux départementaux sont élus par les adhérents du département pour 3 ans. En cela, sa structuration rappelle les fédérations socialistes. Chaque assemblée départementale est organisée en association loi de 1901, avec un budget dépendant du nombre d'adhérents, des cotisations des élus locaux et des contributions des sympathisants, à l’opposé de ce qui se faisait à LREM, où le budget était alloué par appel à projets.
Renaissance offre une plus grande autonomie financière et de liberté d’action dans les activités militantes locales (impressions de propagande politique, etc.). De plus, contrairement à LREM où le bureau éxecutif désignait les candidats locaux, ce sont désormais les bureaux départementaux qui les choisissent pour les villes de moins de 60 000 habitants. L'attrait de ces instances locales n'a pas échappé à une dizaine de ministres, désireux d'étendre leur influence. Ces figures politiques ont saisi l'opportunité des élections internes de Renaissance pour se positionner à la tête de certains bureaux départementaux et ainsi se constituer des fiefs. On y retrouve, par exemple, Gérald Darmanin dans le Nord, Patricia Mirallès dans l'Hérault, et Aurore Bergé dans les Yvelines.
Cependant, malgré ces évolutions structurelles, le défi reste de taille pour Renaissance. Il se heurte à la difficulté de la conversion des “cliqueurs” LREM (soutiens sur internet) en adhérents Renaissance.
Suite à 12 entretiens que nous avons menés avec des présidents de bureaux départementaux, il ressort qu'en moyenne, seulement 10 % des cliqueurs LREM deviennent adhérents Renaissance. Pour augmenter ce pourcentage, certains présidents de bureaux départementaux ont adopté des approches “proactives” telles que le phoning, l'envoi de courriels et même des rencontres informelles autour de “goûters”. Cependant, ils rencontrent divers obstacles, tels que des bases de données LREM obsolètes ou la présence de cliqueurs issus de partis d'opposition. Le passage à la cotisation offre plus de droits, mais aussi plus de responsabilités, nécessitant ainsi un apprentissage de la démocratie partisane. Malgré ces efforts, la conversion reste timide, avec seulement 30 000 adhérents officiels à ce jour.
L'heure de la restructuration
Une transformation s'opère au sein des partis politiques phares, La France Insoumise (LFI) et La République en Marche (devenue Renaissance). LFI cherche à équilibrer démocratisation interne et centralisation, en adoptant une structure davantage ancrée localement, mais rencontre des tensions internes, notamment exacerbées par la crise au Proche-Orient et les déclarations de Jean-Luc Mélenchon. Ces dernières ont eu pour effet de polariser les élites partisanes, démontrant, s'il en était encore besoin, que “l'ancien leader” est toujours aux commandes du mouvement.
De son côté, Renaissance se métamorphose d'un parti-mouvement à une formation plus traditionnelle, mettant en avant des structures départementales et cherchant à renforcer sa base d'adhérents.
Dans les deux cas, rien n'est tranché sur la question de la désignation du futur candidat aux élections présidentielles de 2027. Les organisations évoluent, mais le futur demeure incertain, avec des défis toujours présents pour ces deux formations, notamment en matière de leadership.