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Une femme, les bras croisés, se tient devant un groupe d'hommes
L'avancement des femmes dans les organisations est toujours difficile, notamment en raison de préjugés et stéréotypes sur leur capacité de leaders. (Shutterstock)

L’avancement des femmes dans les entreprises stagne. Comment décoller du plancher collant pour aller au-delà du plafond de verre ?

Les femmes sont moins promues que les hommes en raison de leur potentiel de leadership jugé inférieur à celui des hommes.

C’est ce qui ressort d’une étude publiée en 2022 par les professeurs Alan Benson, de l’Université du Minnesota, Danielle Li, de MIT et NBER et Kelly Shue de Yale et NBER. Leur conclusion repose sur la consultation de 30 000 fiches d’évaluation de la performance d’employés travaillant dans une grande chaîne de commerce de détail américaine.

Selon la professeure Shue, l’évaluation de la performance est généralement très factuelle et repose sur des critères d’évaluation très concrets. Par contre, l’évaluation du potentiel du leadership est plus subjective et peut laisser libre cours aux biais qui colorent la perception du leadership telle que conçue par ceux qui réalisent ces évaluations.

Ce dont on parle couramment en termes de gestion et de potentiel, ce sont des caractéristiques telles que l’affirmation de soi, les compétences d’exécution, le charisme, le leadership, l’ambition. Ce sont, je crois, de vrais traits. Ils sont également très subjectifs et stéréotypés, associés aux dirigeants masculins. Et ce que nous avons vu dans les données est un biais assez fort contre les femmes dans les évaluations du potentiel.

Toujours selon ces chercheurs, les femmes obtiennent des évaluations de leur potentiel de promotion de plus en plus faible comparativement aux hommes à mesure qu’elles gravissent les échelons de l’organisation, contribuant ainsi à créer un plafond de verre de plus en plus solide.

C’est ce que nous constatons en étudiant la présence des femmes dans les hautes sphères administratives depuis des décennies, notamment comme doyenne de l’école de gestion John Molson et comme cadre en résidence à l’École de gestion John-Molson et codirectrice du Centre d’entrepreneuriat et de gestion au féminin Barry-F.-Lorenzetti. Les choses ne bougent pas rapidement. Selon un récent rapport du Forum économique Mondial sur les inégalités femmes-hommes dans le monde, il faudra encore 132 ans (contre 136 en 2021) pour combler l’écart entre les sexes.


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Conciliation et meilleur équilibre de vie

Comme l’illustre le cabinet-conseil McKinsey, seulement 30 % des femmes atteignant les postes de haute direction, et seulement 5 % les postes de PDG, selon un recensement des autorités de valeurs mobilières canadiennes.

Outre les questions des perceptions, plusieurs facteurs expliquent la raréfaction du talent féminin au sein des hautes instances. Pensons aux exigences de la conciliation travail-famille, aux choix des femmes pour un meilleur équilibre de vie ou à une désillusion en ce qui a trait à leurs possibilités d’accéder à ces fonctions stratégiques, etc.

Toutefois, nous concentrerons notre réflexion sur les deux questions suivantes, qui ont été abordées lors de notre dernière master class pour le Women Initiative Foundation, qui se déroulait à la mi-mai à l’École de gestion John Molson :

  • Existe-t-il une tendance vers une nouvelle conception du leadership qui serait davantage multidimensionnelle et paritaire, et qui favoriserait une plus grande équité ?

  • Les femmes peuvent-elles être plus proactives dans leur quête d’un plus grand impact au sein des hautes instances décisionnelles ?

Pour un nouveau type de leadership

Dans un article d’avril 2020 publié sur La Conversation, coécrit par Anne-Marie Croteau, doyenne de l’École de gestion John Molson, et moi-même, nous avions réfléchi aux défis du XXIe siècle qui caractériseront l’évolution du leadership.

Nous évoquions notamment les changements climatiques, la santé, l’environnement, l’épuisement des ressources de la terre, le vieillissement de la population, la pénurie de talents et le développement des nouvelles technologies. Tous ces bouleversements changent la donne et exigent un nouveau type de leadership, différent de celui basé sur le commandement et le contrôle qui a marqué le siècle dernier.

Ce nouveau type de leadership fait principalement appel à la résilience, le courage, la souplesse, l’écoute, l’empathie, la collaboration, la bienveillance et la reconnaissance de la contribution collective. La participation de l’intelligence de toutes et de tous devient la clé du succès. Ce sont là des caractéristiques de leadership autres qui émergent dans des contextes où la parité dans les fonctions de gestionnaires prend progressivement sa place.

Pour surmonter les obstacles du XXIe siècle et connaître le succès, les organisations doivent donc diversifier le plus possible leurs sources de talents et prioritairement en regard des sexes. Il est en effet plus que temps de revoir la définition du leadership pour la rendre plus multidimensionnelle, en faisant référence à l’ensemble des qualités qu’il doit inclure et promouvoir.

Des mandats propulseurs de carrière

Constatant cette progression vers une nouvelle approche du leadership chez les gestionnaires d’aujourd’hui, nous pouvons nous interroger sur les occasions que peuvent saisir les femmes pour mieux se faire connaître au sein des organisations et développer leur savoir-faire.

L’une des stratégies qui mérite attention est l’acceptation de mandats que nous nommerons propulseurs de carrière, et qui peuvent être définis ainsi : un mandat de courte durée permettant d’acquérir de nouvelles connaissances stratégiques tout en créant une valeur ajoutée sensible pour l’organisation

Selon une étude réalisée auprès de hauts dirigeants d’entreprises, 71 % d’entre eux ont identifié ce type de mandats comme ayant été leurs propulseurs de carrière. Une autre étude du cabinet-conseil Korn Ferry qualifie même ces types de mandats comme l’expérience d’accélération de carrière la plus précieuse, devançant le mentorat, la formation et même le réseautage avec des dirigeants plus expérimentés.

Sensibiliser les organisations

Ce type de mandats spéciaux est, malheureusement, davantage offert aux hommes qu’aux femmes, les mandats d’intendance (prise de notes, organisation d’événements, préparation de pause-santé) étant par ailleurs ceux les plus fréquemment proposés aux femmes ainsi que ceux ne conduisant pas à des promotions.

Les organisations se doivent d’être sensibles à cette différence en documentant l’assignation de tels mandats selon les sexes, en soulignant les iniquités qu’un tel processus d’assignation peut engendrer, en reliant leur octroi à la performance des personnes et surtout, en offrant consciemment davantage de tels mandats à des femmes pour corriger ces préjugés inconscients.

Se décoller du plancher collant ou briser le plafond de verre est-ce possible ? Oui, mais réussir ce grand défi exige un nouveau regard sur le leadership. Il faut que les opportunités d’accélérateurs de carrière soient offertes aux personnes, quel que soit leur sexe. Nos organisations doivent aussi se sensibiliser aux iniquités cachées et imbriquées dans les processus de promotion.

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