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Le terrorisme, un frein aux investissements étrangers en Afrique du Nord et au Moyen-Orient

En Égypte, une série d’attentats a visé la police après le soulèvement de 2011 qui avait conduit à la chute du dirigeant Hosni Moubarak. Virginie Nguyen Hoang / AFP

Bien que le nombre de décès dus au terrorisme ait diminué de 14 % en 2021, le nombre d’attentats terroristes dans les pays de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient (MENA) reste élevé, et en conséquence, le terrorisme demeure une menace importante dans ces pays. Encore récemment, un attentat revendiqué des forces rebelles Houthis du Yémen a eu lieu à quelques kilomètres du site du Grand Prix de Formule 1 d’Arabie saoudite, qui réunissait, fin mars, l’élite du sport automobile international.

Certes, les pays de la région restent attractifs, notamment en raison des plus importantes réserves mondiales de pétrole et de gaz, ainsi que d’autres ressources naturelles, dont disposent des États comme ceux du Golfe Persique (Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Irak, etc.). Toutefois, comme nous le relevons dans un récent article de recherche publiée dans International Business Review et portant sur quinze pays de la région, ce terrorisme entraîne bien une dégradation de l’attractivité des pays pour les investisseurs étrangers.

Répercussions à court et long terme

Plus précisément, deux formes de terrorisme ont un impact négatif sur les entrées des investissements directs à l’étranger (IDE) dans la région MENA : les attaques visant directement les entreprises, ainsi que celles lancées contre des institutions publiques ayant pour objectif d’affaiblir les gouvernements.

Arabie saoudite : une attaque des rebelles houthis à quelques kilomètres du Grand Prix (France 24, 25 mars 2022).

Lorsque l’acte terroriste cible les entreprises, cela constitue une menace imminente pour leurs activités pouvant conduire à la destruction ou à la dégradation de leurs installations, à la perturbation de leurs chaînes d’approvisionnement ou encore à l’enlèvement ou à l’assassinat de leurs employés ou de sous-traitants. Ces coûts économiques et humains encourus à la suite des attentats ont d’abord des répercussions à court terme, avec des frais de reconstruction des infrastructures endommagées et des coûts liés à la baisse de la productivité. À plus long terme, les entreprises subissent une augmentation du prix des contrats d’assurance et des dépenses de sécurité pour protéger des salariés ou des clients.

De plus, le stress ainsi que le sentiment d’insécurité ressenti par les cadres travaillant dans des pays exposés à un risque terroriste important affectent négativement leur motivation et rend ainsi le processus de recrutement de nouveaux expatriés plus difficile en raison de ce contexte de forte incertitude. C’est notamment le cas des compagnies pétrolières occidentales qui ont été attaquées par Daech dans plusieurs pays de la région MENA, en particulier l’Irak et la Syrie.

En Irak, les infrastructures pétrolières constituent des cibles pour les attaques terroristes. AFP

Par ailleurs, même si les attentats terroristes ciblant les institutions nationales n’impactent pas de manière directe les activités des entreprises, ils sont tout aussi perturbateurs. De fait, ils peuvent non seulement conduire à la destruction d’infrastructures stratégiques, mais aussi exacerber le vide institutionnel en particulier dans les pays en développement qui se caractérisent par un faible développement économique ainsi qu’un environnement politique et social incertain.

De plus, ces pays ne sont pas toujours en mesure de faire face aux menaces terroristes par manque de moyens spécialisés (par exemple du matériel de surveillance avancée). Ce contexte peut donc entraver la bonne conduite des activités des entreprises déjà présentes et avoir un effet dissuasif sur les investisseurs potentiels. En effet, les pays émergents et en développement apparaissent plus vulnérables au terrorisme que les pays développés, plus démocratiques.

Capitalisme « de connivence »

On considère généralement que les régimes politiques démocratiques offrent un climat d’investissement plus stable que les régimes dits autocratiques et sont de ce fait plus attractifs pour les investisseurs. Cependant, comme les IDE constituent des engagements capitalistiques sur le long terme, il pourrait être plus favorable d’investir dans des pays autocratiques puisqu’ils sont moins sujets aux changements politiques ce qui peut contribuer à une certaine stabilité de l’environnement d’investissement du pays.

Ces gouvernements auraient également tendance à adopter des mesures antiterroristes très strictes. Par ailleurs, sous ces régimes autocratiques, les investisseurs tissent des liens avec les dirigeants au pouvoir afin de servir leurs intérêts. Ce capitalisme « de connivence » (crony capitalism) reste ainsi très répandu dans les pays de la région MENA, où le succès en affaires dépend souvent des relations et des liens personnels établis et entretenus avec les représentants de l’État. C’est un système de favoritisme ayant conduit à des accords individuels entre les acteurs du régime et les entreprises leur donnant accès à des subventions gouvernementales ou bien à des réductions d’impôts.


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Depuis le « printemps arabe » de 2011, on a observé une montée du terrorisme dans les pays MENA après la chute des régimes autoritaires. Certains de ces pays sont entrés dans un processus de transition démocratique, connu sous le concept d’anocratie. Or, dans ces régimes hybrides, les effets négatifs sur l’attractivité des IDE du terrorisme ciblant les entreprises tendent à se renforcer.

Compte tenu du changement politique, les relations et les liens développés par les investisseurs deviennent alors un obstacle, comme en témoigne la confiscation de plus de 214 entreprises appartenant au clan du président tunisien Ben Ali après sa chute en 2011, ainsi que la saisie de nombreuses entreprises qui étaient proches du pouvoir de dirigeant Hosni Moubarak en Égypte.

Dans le cas où le terrorisme vise des institutions et des infrastructures publiques, la présence d’un régime hybride tend à nouveau à renforcer l’impact négatif de ce type d’attentats sur les IDE. En effet, depuis le « printemps arabe », de tels régimes ont moins de capacités de répondre aux attaques car ils allouent peu de ressources publiques à la protection et à la reconstitution des infrastructures, d’où la baisse de l’attractivité de ces localisations aux yeux des investisseurs.

Pour conclure, les différentes cibles du terrorisme, entreprises ou institutions, constituent des facteurs dissuasifs pour les investisseurs dans le contexte spécifique des pays MENA. Plus important encore, nous observons que, dans les régimes politiques hybrides, les attentats tendent à impacter davantage les comportements des investisseurs qui doivent donc impérativement prendre en compte la situation politique dans leurs stratégies.

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