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Bouteille de vin présentée au milieu de fruits et légumes automnaux.
La recherche d’authenticité et d’une alimentation plus saine favorise aujourd’hui l’engouement pour les vins nature. Gábor Adonyi/Pixabay, CC BY-SA

Le vin nature est-il le futur de l’industrie vitivinicole ?

À la différence des vins biologiques (certifiés par un des organismes indépendants accrédités) ou biodynamiques (certifiés par Demeter ou Biodyvin), les vins dits « nature » n’ont pas de définition unanimement acceptée par les acteurs de la filière vitivinicole française. Une telle définition n’existe pas non plus d’ailleurs à l’international. Alors de quoi parle-t-on ?

En France, le père spirituel du vin nature s’appelle Jules Chauvet. Né en 1907, ce chercheur à l’institut de chimie biologique de Lyon, dégustateur, et vigneron dans le Beaujolais affirmait : « Le vin, moins on le touche, mieux ça vaut ». Père spirituel, parce que si le vin nature est difficile à définir c’est qu’il s’agit avant tout d’une philosophie : s’approcher au plus près de la définition idéale du vin, qui ne serait que du jus de raisin fermenté, et rien d’autre.

Le vin nature n’a pas d’existence légale. En France, l’emploi des dénominations composées « vin nature » ou « vin naturel » pour des vins n’est pas autorisé. En l’absence de définition réglementaire, l’usage des termes « nature » ou « naturel » peut être autorisé pour qualifier un mode d’élaboration spécifique ou une qualité particulière, c’est-à-dire une « méthode ». Un label « vin méthode nature » répondant à une charte, validée par l’Institut National de l’Origine et de la qualité (INAO) et reconnue par la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) depuis mars 2020. Créée à l’initiative du Syndicat de défense des vins naturels, qui comptait 109 vignerons en 2020 et 156 en 2021, elle garantit notamment aux consommateurs : des vendanges manuelles, des raisins 100 % biologiques, des levures indigènes, aucun intrant oenologique, pas de sulfites ajoutés ni avant ni durant les fermentations.

Si les tentatives d’organisation semblent encore peiner à fédérer massivement les vignerons, c’est que le vin nature est apparu comme un espace de liberté fonctionnant en auto-certification autour du concept clef de transparence (je dis ce que je fais et je fais ce que je dis). Certains refusent la standardisation d’une définition pour les vins nature car ils craignent la possible récupération par les industriels de cette dénomination. Nombreux sont les vignerons nature qui se sont affranchis du système des AOP/AOC (appellations d’origine protégée/contrôlée) considéré comme trop rigide afin de pouvoir expérimenter avec davantage de liberté. D’autres sont devenus des références au sein de leur appellation : Ganevat ou Overnoy dans le Jura, De Moor ou Derain en Bourgogne, Breton dans la Loire. La notoriété de certains vignerons nature a permis de remettre en lumière des régions viticoles comme le Beaujolais, le Jura, la Savoie ou encore l’Auvergne.

Tendance ou mouvement de fond ?

Les vignerons nature doivent utiliser des raisins biologiques. Selon les organismes certificateurs, les vignobles certifiés totalisent 90 298 hectares en 2021 (sur les 750 000 hectares que compte le vignoble français), en hausse de plus de 13 % par rapport à 2020. Presque 70 000 hectares sont actuellement en conversion, ce qui signifie que 20 % de la superficie du vignoble français pourrait être certifiée biologique en 2024.

Contrairement aux vins certifiés biologiques, il est impossible de trouver des données fiables concernant le volume de production, de consommation, d’exportation ou même le nombre de domaines produisant des vins nature. Si l’on s’en tient aux informations disponibles sur les pages des fédérations, il y aurait un peu moins de 200 vignerons nature en France. Or certains sites de vente en ligne en recensent plus de 400. La majorité de ces vignerons travaillent sur de petits domaines, avec des productions limitées.

Plus de 80 % des volumes de vin vendus en France le sont toujours en supermarché, où l’on trouve peu de vins sans sulfites, encore moins de vins nature. Ceci s’explique en partie par la taille souvent limitée des domaines produisant du vins nature (il leur serait difficile de fournir une centrale d’achat nationale si toutefois ils en avaient l’envie, la plupart des vignerons nature ne souhaitant pas vendre en supermarché).

De par leur visibilité, les vins nature semblent pourtant omniprésents sur le marché. Certains producteurs, s’ils ne se fédèrent pas, se rassemblent dans des salons nationaux et internationaux de plus en plus prisés. Ils sont l’extrême pointe médiatique du marché du vin qui rompt avec la normalisation des appellations en France. L’esthétique nouvelle que l’on peut facilement distinguer sur la plupart des étiquettes de vin nature, brise les codes connus du vin. Les vins nature répondent à une recherche d’authenticité, de procédés plus transparents et d’une alimentation plus saine, plus respectueuse de l’environnement de la part des consommateurs.

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Pour les cavistes et les restaurateurs, le caractère limité des volumes de production oblige souvent à travailler sur allocation, et à payer des coûts de transport élevés pour de petits volumes, ce qui peut à terme faire émerger des problèmes de trésorerie. Le coût des vins nature représente également un frein à son expansion : les faibles volumes et les importants coûts de production impliquent des prix de vente élevés, et rares sont les références disponibles à moins de 10 euros la bouteille. D’autres questions se posent : la conservation des vins natures, moins ou pas sulfités serait plus problématique, les vins nature étant susceptibles d’être plus sensibles au transport ou aux variations de température.

S’il n’existe pas de définition légale du vin nature, le consommateur ne peut pas évaluer facilement la qualité des méthodes de production qui ont été utilisées. Le vin est régi par un cadre juridique qui prend en compte plusieurs aspects de sa composition, notamment sa teneur en alcool, en dioxyde de soufre et en acidité volatile. Un bon vin conventionnel se définit en général par l’absence de défauts. Or des défauts tels que la réduction, l’oxydation, l’acidité volatile, les bretts, ou le goût de souris peuvent être appréciés dans certains vins nature. Les critiques de vin traditionnels s’intéressent encore peu à cette catégorie. Si les défauts n’en sont plus nécessairement, comment déterminer si un vin nature est mauvais ?

Esthétique nouvelle

Des catégories à part entière, comme les pet’nat’ (pétillants naturels) ou les vins oranges (vin blanc de macération – un vin blanc fait comme un vin rouge) sont apparus sur les cartes des vins et chez les cavistes à l’initiative des vignerons nature. Les vins nature ont le droit de cité dans les plus grands restaurants du monde. Ces petites structures s’appuient en général sur des agents, qui distribuent les vins directement aux cavistes et aux restaurateurs, en circuit court, et leur permettent de capter de la marge.

L’élimination des intrants réintègre l’aspect exploratoire du vin : pas besoin de connaissance préalable lorsque chaque bouteille peut être abordée comme une surprise, le vin étant “vivant”. Le vin nature devient ainsi une porte d’entrée potentielle pour des consommateurs souvent effrayés par la complexité de la catégorie : les néoconsommateurs et les femmes. Cette absence de standardisation du goût renforce le besoin de conseil. C’est peut-être une des raisons qui justifient l’engouement des cavistes et des sommeliers : acheter un vin conventionnel en supermarché en se laissant guider par une marque bien connue et très constante dans son profil organoleptique ne nécessite pas autant de conseils que des vins « vivants ». Leur expansion dans le domaine de la gastronomie s’appuie sur un réseau de prescripteurs : cavistes, bistrotiers, cuisiniers, mais également sommeliers. Ces derniers, souvent jeunes, profitent de cette opportunité pour se distinguer de leurs collègues plus expérimentés, mais paradoxalement souvent moins connaisseurs de cette nouvelle catégorie de vin.


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Effort de transparence

Qu’il s’agisse d’une tendance ou d’un mouvement de fond, le vin nature fait pour le moins bouger les lignes, et fait des émules. Gérard Bertrand, important négociant languedocien réutilise le langage et la simplification des codes en produisant un vin orange biologique sans indication d’origine (Vin de France) et promeut une gamme de vins sans souffre ajouté et sans additif.

La nouvelle réglementation européenne relative à l’étiquetage des vins applicable dès décembre 2023 (déclaration nutritionnelle et liste des ingrédients) permettra d’atténuer l’asymétrie d’information jusque-là prégnante dans l’industrie. L’effort de transparence des vins nature sera ainsi mis en lumière pour tous les consommateurs, qui pourront comparer les ingrédients oenologiques de leurs vins conventionnels avec leur absence dans leurs pendants nature.

Le vin nature apparaît comme l’un des futurs de l’industrie vitivinicole, car il répond à une demande des consommateurs (santé, transparence, circuits courts, respect de l’environnement) qui passe notamment par la réduction des intrants et en particulier des sulfites. Le rôle des pouvoirs publics sera déterminant dans les années à venir pour permettre d’étudier avec précision (et chiffres à l’appui) l’ampleur du phénomène. Il conviendra également de suivre l’engouement des importateurs pour les vignerons nature superstars. Il est évident que l’impact de ce mouvement sur l’industrie ne se fera pas via l’effet volumique ni via le nombre de consommateurs, mais parce qu’il constitue la pointe médiatique et incarne la direction que doit prendre l’industrie dans son ensemble pour relever les défis de demain.


L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes.

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