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Les Jeux olympiques de 2024 suffiront-ils à donner le goût du sport aux jeunes ?

Les anneaux olympiques sont installés devant l’Hôtel de Ville de Paris
Devant l’Hôtel de Ville de Paris, en janvier 2022. Shutterstock

En septembre 2022, une étude alertait sur le manque d'activité sportive des étudiants, notamment en raison d'un manque de temps lié aux contraintes universitaires. Courant janvier, France Universités devrait remettre un rapport sur le sujet. Et si l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) à Paris devenait une incitation supplémentaire pour donner le goût du sport aux plus jeunes ? Le Président du Comité international olympique, Thomas Bach, estime ainsi que les Jeux de Paris « laisseront un héritage durable et sportif au-delà de 2024 ». « Nous voulons utiliser ces années avant les Jeux pour développer la place du sport… La finalité c’est de faire bouger les Français », ajoute Tony Estanguet, président du Comité d’Organisation.

Cependant, l’organisation des Jeux n’est pas une condition suffisante pour favoriser l’engagement de la population d’un pays dans les activités physiques et sportives. Après les Jeux de Londres, en 2012, une revue de littérature notait que les preuves en ce sens sont faibles.


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Dans une autre revue, analysant les articles autour des répercussions des Jeux olympiques de 2000 à 2018, les chercheurs vont plus loin. D’abord, ils notent que la « plupart des études n’ont pas trouvé de preuves d’effets à long terme sur l’activité physique lors de l’accueil de méga-événements sportifs ». D’autre part que, lorsque des effets sur l’activité physique sont observés, ils sont principalement de court terme ou limités géographiquement. Enfin, ils constatent qu’une seule étude a montré des effets positifs à long terme concernant un méga-événement sportif. Il s’agissait des Jeux olympiques de Tokyo de 1964.

Compter sur un effet boule de neige provoqué par la simple organisation des JO reste donc très aléatoire.

Pour favoriser l’héritage des Jeux de Paris 2024, différentes initiatives ont été prises. Deux sont particulièrement mises en avant. La première est de généraliser à la rentrée scolaire 2022 le dispositif « 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école ». L’ambition est, précise l’Éducation nationale, d’amener les enfants à « se dépenser d’avantage et lutter contre la sédentarité ».

La deuxième mesure, « le Pass’sport », est, comme mentionné sur le site du ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, une aide « à la pratique sportive de 50 euros par enfant pour financer tout ou partie de son inscription dans une structure sportive » et faciliter l’accès des publics les plus éloignés à ces activités.

Des impacts à discuter

La première mesure néglige les aspects motivationnels à l’origine de la pratique d’une activité physique chez les jeunes. Une récente publication montre que les actions se fondant sur des objectifs utilitaires, motivées par des contraintes extérieures, n’incitent pas les jeunes à continuer l’activité promue en dehors du cadre qui la contraint. La simple mise en mouvement du corps, l’ambition d’améliorer sa condition physique n’entraînent pas la pratique du sport dans la durée.

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Pour envisager que la pratique physique se consolide dans le temps, il est nécessaire d’avoir des connaissances précises sur les liens qui l’associent à l’amélioration de la santé. Ce n’est pas encore le cas des enfants qui fréquentent les écoles primaires, pour lesquels cette mesure est envisagée.

En proposant un dispositif ayant pour objectif central l’amélioration de la santé, les politiques risquent d’obtenir l’effet inverse de celui escompté. Il apparaît plus pertinent de s’appuyer sur des leviers plus émotionnels, en lien avec une satisfaction personnelle et une forte signification comme relever des défis, améliorer des performances ou se mesurer aux autres.

Les leviers émotionnels, comme le fait de faire partie d’un groupe, de se mesurer aux autres, jouent dans la motivation à pratiquer un sport. Shutterstock

Concernant le dispositif d’aide financière, les intentions sont louables, mais l’efficacité potentielle d’une mesure de ce type est à relativiser. Depuis 2009, l’État de Saxe distribue des bons pour faciliter l’adhésion des jeunes à des clubs sportifs. Une enquête publiée en 2022 par un groupe d’économistes montre que la mesure n’a pas eu d’effets significatifs à court ou à long terme.

En effet, les raisons à l’origine d’une absence de pratique sportive vont au-delà du seul aspect financier et peuvent toucher à la nature de l’offre sportive, voire son accessibilité et les conditions de sécurité qui l’entourent. Il faudrait prendre en compte ces diverses raisons structurelles et les cibler par ordre d’importance.


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Le 28 septembre, le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques a annoncé que 250 000 personnes ont profité du « Pass’sport », soit une augmentation de 48 % par rapport à l’année dernière. Ce chiffre est à mettre en perspective avec les 7 091 788 jeunes déjà licenciés dans les fédérations sportives. Il serait également éclairant de connaître le profil (sexe, pratiques sportives choisies, ville) de ces pratiquants et de savoir si les bénéficiaires sont d’anciens ou de nouveaux adhérents.

Lutter contre le décrochage sportif

Les études internationales et françaises montrent aussi que le manque de pratique sportive chez les jeunes est lié à un décrochage qui débute à l’entrée au collège et augmente au moment de l’accès au lycée. Les raisons invoquées seraient le caractère trop sérieux du sport, l’ambiance dans lequel il se déroule, le manque de compétences éprouvées, le poids du travail scolaire ou encore l’abandon sportif d’amis.

Il s’agirait donc de renverser l’esprit des politiques sportives en direction de la jeunesse. L’ambition n’est pas de leur donner le goût de la pratique. Ils l’ont acquis. L’ambition est d’éviter qu’ils ne le perdent. C’est le cas aujourd’hui. Tenant compte de ce constat, les initiatives déployées par le gouvernement pourraient d’ores et déjà se transformer.

Les 30 minutes d’activité physique quotidienne en école primaire pourraient fusionner avec les heures obligatoires d’Éducation physique et sportive (EPS) qui verraient alors leur volume hebdomadaire étendu au-delà de trois heures. Ce serait une solution simple et peu coûteuse, qui donnerait des chances à la jeunesse d’aujourd’hui de trouver une pratique sportive qui leur convient et qui leur plaît. C’est cette découverte qu’ils pourraient ensuite prolonger en dehors de l’école.

La compétition est loin d’être la seule motivation à pratiquer un sport. Shutterstock

Donner à l’EPS un volume horaire plus important exige cependant que les professeurs des écoles voient leur formation à cet effet renforcée et que leurs conditions d’enseignement soient adaptées. Les parents pourraient également être informés de l’impact de la pratique sportive sur le bien-être de leurs enfants et leurs performances scolaires.

Le « Pass’sport » pourrait aussi s’envisager autrement. Les collégiens possèderaient un « Visa sport » et auraient ainsi la possibilité de circuler sans limites, annuellement, dans différentes structures sportives présentes dans leur cadre de vie. En fin de troisième, ils auraient la possibilité de choisir et de se fixer sur celle(s) qu’ils affectionnent.

Eviter les silos

Ces enjeux mériteraient de repenser les points de passage entre les multiples institutions qui encadrent la pratique sportive. Le fonctionnement en silo, entre clubs, associations et école, doit laisser place, tout en conservant la spécificité des domaines d’intervention de chacun, à une plus grande porosité.


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Ensuite, l’offre sportive gagnerait à tenir compte des demandes des pratiquants. Les préférences sportives varient selon le sexe et l’origine sociale et culturelle. On ne pratique pas un sport seulement pour gagner, mais aussi pour se confronter au risque, partager une activité ou repousser ses propres limites. Si elle veut maintenir les jeunes dans les pratiques, l’offre sportive d’aujourd’hui doit être attentive aux préférences des jeunes et à l’évolution de leurs goûts avec l’avancée en âge.

Il est enfin nécessaire de promouvoir les activités qui se déroulent en dehors de tout cadre institué, clubs ou associations. Parfois, la pratique libre se rapproche des formes les plus conventionnelles, tel un match de football sur la pelouse d’un parc. D’autres fois, elle s’en éloigne comme certaines pratiques de football de pied d’immeuble où les joueurs ne s’opposent plus pour s’imposer mais se posent en s’opposant.

Mieux connaître ces formes doit permettre de les valoriser et de créer les conditions pour qu’elles puissent se dérouler librement. Il s’agit alors de penser la sécurité et l’aménagement de ces espaces pour qu’ils correspondent aux aspirations des pratiques libres. Voici donc une injonction presque contradictoire : comment l’action publique peut-elle favoriser le développement de pratiques qui sont du registre privé, de la libre initiative individuelle, sans les dénaturer ?

Bref, l’engagement de la jeunesse dans les pratiques physiques et sportives est un phénomène qui doit être appréhendé rationnellement et dans toute sa complexité par les politiques publiques.

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