La compréhension, par les scientifiques, des expressions faciales des animaux et de ce qu’elles signifient sont en progrès.
Les expressions de notre visage trahissent nos émotions internes et les divulguent au monde extérieur. La lecture des visages des autres personnes est quelque chose de naturel et d’automatique pour la plupart d’entre nous. Vous êtes capable de deviner que votre meilleur(e) ami(e) a obtenu la promotion dont il/elle rêvait sans qu’il/elle ne dise un mot, rien qu’en observant les plis autour de ses yeux, ses joues relevées et ses lèvres qui pointent vers le haut.
Et si on pouvait déchiffrer aussi facilement les visages des autres êtres vivants ? Et si, un jour, nous étions capables de savoir ce que notre chat ressent rien qu’en pointant notre smartphone dans sa direction ?
Des chercheurs développent actuellement des systèmes de codage qui leur permettent de lire objectivement les expressions des animaux, sans avoir à déduire ou à deviner leur signification. L’un de ces systèmes décrit précisément comment les mouvements du visage (lorsque l’animal, par exemple, plisse les yeux ou se mord les lèvres) trahissent une émotion particulière. En s’appuyant sur des photographies, on peut évaluer dans quelle mesure change chaque trait du visage, et donc déterminer le degré d’importance de l’émotion ressentie.
Première étape : reconnaître la douleur
Jusqu’ici, les seuls systèmes de codage à avoir été scientifiquement développés concernent la mesure de la douleur chez les non- primates, à travers des « échelles de grimace ». Même si leur anatomie est différente, les souris, les rats, les lapins, les chevaux et les moutons (agneaux compris) font la même tête lorsqu’ils ont mal. Ils ferment les yeux, gonflent ou, au contraire, rentrent leurs joues, bougent les oreilles et tendent la bouche.
La volonté de développer ces échelles de grimace trouve, en grande partie, son origine dans notre désir, et notre devoir éthique, d’améliorer le bien-être des animaux utilisés en laboratoire ou pour la production alimentaire.
Dans l’absolu, nous cherchons à pouvoir connaître ce que ressent un animal simplement en le regardant, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des prélèvements de sang ou à des contrôles de fréquence cardiaque. En connaissant leur état émotionnel, nous pouvons plus facilement tenter de diminuer leur douleur, leur ennui ou leur peur, et même, dans l’idéal, les rendre curieux ou joyeux.
Les expressions faciales peuvent évoluer
Les expressions faciales des animaux, en particulier des plus sociables, ont pu évoluer avec le temps, et ce pour les mêmes raisons que les nôtres : au fur et à mesure de leurs communications les uns avec les autres ou, pour les chiens, avec nous les hommes.
Dans le cas des proies, les indications qui peuvent être comprises par d’autres membres de leurs groupes (mais pas par leurs prédateurs) sont très utiles, par exemple pour leur sécurité. Un signal de douleur peut entraîner l’aide ou le réconfort d’autres membres du groupe, mais aussi leur servir de mise en garde contre le danger qui a provoqué cette douleur.
Si nous pouvons déchiffrer les grimaces des animaux, nous devrions aussi, en théorie, être en mesure de comprendre les expressions qui révèlent d’autres émotions, comme la joie ou la tristesse. Et surtout, plus que celles des rats ou des moutons, les expressions faciales que nous aimerions comprendre sont celles des êtres qui nous sont le plus proches : nos animaux de compagnie.
À quand l’application smartphone ?
Il est envisageable qu’un jour, les propriétaires d’animaux de compagnie, les fermiers ou les vétérinaires puissent disposer d’une application qui leur permette, rien qu’en pointant leur smartphone vers un animal, de savoir quelle émotion éprouve celui-ci à ce moment précis.
Il reste toutefois beaucoup d’étapes à franchir avant de parvenir à un tel système d’identification automatique des émotions. La première sera de définir clairement chaque émotion d’une façon qui ne soit pas spécifique à telle ou telle espèce.
La seconde sera de recueillir des données de référence sur l’expression des émotions, et ce à travers l’expérimentation. Pour ce faire, on peut envisager de les placer dans des situations dont on sait qu’elles déclencheront une émotion en particulier, et observer comment évoluent leurs caractéristiques physiologiques, leur activité cérébrale, leur comportement, et l’expression de leur visage.
Nous avons déjà des pistes sur lesquelles nous baser. S’ils sont tristes, les chevaux ferment les yeux, même lorsqu’ils ne dorment pas. Quand elles ont peur, les vaches, à l’inverse, ouvrent grand les yeux, et font reposer leurs oreilles sur leur tête. Les rats joyeux, eux, ont les oreilles qui rosissent et qui pointent vers l’avant et vers l’extérieur.
Beaucoup d’étapes restent à franchir
Une fois ces données scientifiques obtenues, nous devrions ensuite les exploiter pour en faire un système technologique automatique. Il devrait nécessairement être capable d’extraire, à partir d’une image, les traits du visage qui signifient quelque chose, et d’identifier en quoi ces traits diffèrent par rapport à ceux d’un visage « neutre ».
Le système devrait aussi pouvoir tenir compte des particularités de chaque visage, mais également des subtiles différences qu’il peut exister dans la manière dont chaque animal individuel exprime ses émotions. Tout ce processus peut se compliquer, voire échouer, si le visage est mal éclairé, pris sous un mauvais angle ou partiellement masqué.
Si, chez les humains, l’identification automatique des expressions du visage est en progrès, la route est encore longue en ce qui concerne les animaux. À court terme, un objectif plus réaliste peut être simplement de comprendre quelles sont les émotions ressenties par les animaux, et comment ils les expriment. Peut-être les réponses sont-elles aussi évidentes que le nez au milieu de la figure.