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Quel sera l'impact des Jeux olympiques à long terme sur la région parisienne ? Shutterstock

Paris 2024 : quel héritage olympique restera-t-il après les Jeux ?

Sera-t-on prêt pour les Jeux olympiques ? Le Grand Paris Express ne sera pas terminé pour les Jeux comme le président de la République l’avait promis et on le sait depuis 2021 au moins mais les équipements nécessaires à la tenue des épreuves sont achevés ou le seront prochainement même si certaines épreuves, comme celles prévues dans la Seine, font actuellement l’objet de polémiques.

Les plus gros doutes et débats portent sur des sujets qui renvoient sourdement aux préoccupations quotidiennes des Franciliens.

Pourra-t-on se déplacer – et à quel prix – dans une ville envahie de touristes ? Vivre normalement si l’on habite à proximité de la Seine ? L’insécurité de la petite délinquance et celle du terrorisme vont-elles créer des situations infernales et éventuellement dangereuses pour la démocratie ? Et qu’en est-il de l’hôtellerie (700 000 chambres à Paris), de la montée des prix dans les services et la restauration, des transports aériens et de leur bilan carbone, des profits douteux des loueurs de logements sur Airbnb (145 000 logements mis en location contre 65 000 habituellement, des étudiants mis en demeure de céder leurs chambres ?

Le sujet est bien moins la préparation que l’impact de l’événement lui-même : à court terme, à l’échelle de la durée des jeux et de l’expérience quotidienne, mais aussi à beaucoup plus long terme. Les équipements olympiques ou créés à l’occasion des jeux, s’ils ne deviennent pas de tristes « éléphants blancs » dont on ne sait plus quoi faire, peuvent durer des décennies, et les jeux devenir l’événement qui fonde ou révèle un nouveau cycle comme celui du renouveau de Barcelone en 1992 après que la ville se soit relevée de la stagnation que lui avait imposé le régime franquiste.

La logique de l’héritage

Tout cela appelle une autre logique, celle de l’héritage, qui entre de plus en plus dans un récit légitimé, souhaité, voire porté par le milieu olympique comme justification de l’événement.

La notion d’héritage olympique apparaît en 1965 à l’occasion des jeux de Melbourne mais sa définition évolue au cours du temps et reste très ouverte pour ne pas dire floue. En 2017 un document du Comité international olympique (CIO) le rappelle :

« L’héritage olympique est le résultat d’une vision. Il englobe tous les bénéfices tangibles et intangibles à long terme amorcés ou accélérés par l’accueil des Jeux olympiques/de manifestations sportives, pour les personnes, les villes/territoires et le mouvement olympique. »

Dans la période récente, les choses se précisent avec l’association forte entre les objectifs de développement durable et l’héritage, ce qui conduit le Comité international olympique (CIO) à rompre (en 2014 dans le cadre de l’« Agenda olympique 2020 ») avec le principe du site unique pour préconiser « l’usage maximum des équipements existants et des installations temporaires et démontables ». C’est le cas à Paris, où 95 % des équipements pérennes utilisés pour les Jeux existaient déjà.

Désormais toutes les candidatures comportent deux importants volets, sur l’environnement et l’héritage, et le plus souvent elles essaient d’associer les deux.

Un outil de transformation de la ville périphérique

Paris et Londres (2020), retrouvant pour une part l’esprit de Barcelone, sont allées plus loin et font des équipements olympiques un outil de transformation de la ville périphérique (plus que de la ville centre), celle qui correspond à Paris à la « première couronne » de banlieue et fut autrefois la « banlieue rouge ».

Paris n’échappe pas complètement au flou de la définition de l’héritage matériel ou immatériel et les différents acteurs ont chacun la leur, ce qui pourrait entraîner des conflits. Malgré tout, une sorte de consensus s’établit autour de l’objectif de développement (économique, social, urbain et environnemental) des territoires d’accueil. Cela concerne principalement la Seine Saint-Denis, département le plus pauvre de France avec 26,7 % de la population sous le seuil de pauvreté. L’Arena de la porte de la Chapelle à Paris, construit pour l’occasion, répond également à l’objectif de restructuration et de transformation sociale de son quartier.

L’Adidas Arena à Porte de la Chapelle (Paris) construite à l’occasion des Jeux olympiques.

En effet, depuis une quarantaine d’années, le nord de l’agglomération parisienne qui était l’usine de Paris (au moins) connaît une forte mutation et une crise sociale, conséquences de sa désindustrialisation.

Les élus, en collaboration plus ou moins forte avec l’État, se sont efforcés de développer des stratégies fondées notamment sur le secteur tertiaire et sur des activités encore nouvelles à la fin du XXe siècle comme l’image, avec par exemple une école de Cinéma inaugurée en 2012 dans un bâtiment qui fait maintenant partie du village olympique.

L’engagement politique de nombreux élus dans l’accueil des équipements olympiques s’inscrit dans cette démarche de longue durée pour redonner un nouvel avenir à un territoire qui risquait le déclin.

La gare Saint-Denis-Pleyel est envisagée comme un hub des transports parisiens au moins aussi important que Châtelet-Les-Halles et le 10 juin ouvre un hôtel de luxe au sein de la tour Pleyel auquel s’ajoutera un centre de congrès et de spectacles.

La Tour Pleyel, à Saint-Denis (93), au Nord de Paris
La Tour Pleyel, à Saint-Denis (93), au Nord de Paris. Thomas Samson/AFP

Développer l’activité sportive

C’est une centralité forte de l’agglomération parisienne qui se construit. Mais cela n’engage pas l’avenir de tout le département de Seine-Saint-Denis dont certains territoires restent démunis, notamment parce qu’ils ont moins bénéficié des grands projets déjà réalisés et de la répartition des équipements olympiques (certaines communes n’en ont aucun).

D’où des politiques plus nettement sociales comme l’action en faveur de la natation : constatant qu’une proportion considérable des enfants élèves de 6e ne savent pas nager (60 % ou plus selon que l’on considère l’entrée en 6e ou la sortie), les collectivités ont voulu développer l’apprentissage de la natation.

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Cela se traduit par la multiplication des piscines d’entraînement pour les jeux : en Seine-Saint-Denis on a construit ou rénové 18 bassins (y compris ceux de compétition).

Les autres sites olympiques, en Île-de-France ou ailleurs, s’inscrivent dans une logique plus traditionnelle de l’héritage : faire en sorte que les équipements qui ont été rénovés ou agrandis – le stade Yves-du-Manoir, Roland-Garros, la marina de Marseille, etc. – accueillent le plus possible d’activités et contribuent aussi fortement que possible au développement sportif.

Que peuvent espérer les Franciliens ?

Quel sera l’avenir ? L’absence au rendez-vous du Grand Paris Express qui irrigue des communes enclavées et aurait aidé à les faire entrer dans une logique de développement social à l’occasion des jeux est de mauvais augure.

Mais l’enthousiasme est réel et les espoirs très grands avec pourtant des inquiétudes sur l’avenir des populations les plus fragiles.

Comment avancer ? Londres a choisi de créer une structure unique – la London Legacy Corporation – pour gérer l’héritage. Elle est chargée d’organiser le financement et la réalisation des projets urbains qui se développent à partir du Parc olympique de Stratford dans les quartiers traditionnellement pauvres de l’Est londonien.


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À Paris, tel que les choses sont prévues, tout dépendra de l’interaction entre les collectivités et avec l’État. Verra-t-on un grand acteur comme la Métropole du Grand Paris s’imposer dans ce jeu, l’État prendre les choses en main, un consensus s’établir ou chacun revenir à la gestion des affaires comme si rien ne s’était passé ?

Quoiqu’il en soit, comme à Barcelone, les jeux peuvent inaugurer un nouveau cycle pour l’agglomération parisienne. L’aventure, qui se fonde dans l’histoire longue, ne fait pourtant que commencer.

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