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Des élèves de dos sont en classe et lèvent la main. L'enseignante est face à eux.
En France, la surveillance de la qualité de l’air est obligatoire dans les écoles et dans d’autres établissements accueillant des enfants. PeopleImages.com - Yuri A/Shutterstock

Pollution de l’air en classe : quel impact sur les apprentissages des élèves ?

Nous passons en moyenne 85 % de notre temps à l’intérieur de locaux. En France, on estime à environ 20 000 le nombre de décès annuels prématurés du fait de l’exposition à des polluants de l’air intérieur. La pollution de l’air intérieur représente également un coût économique de 19 milliards d’euros par an. Pourtant, malgré ces constats et les enseignements de la pandémie du Covid-19, elle fait l’objet d’un véritable déni.

Aux États-Unis, les gains directs de l’amélioration de la qualité de l’air intérieur sur la performance des travailleurs ont été chiffrés entre 20 et 200 milliards de dollars par an. Jusqu’à présent, le lien entre pollution de l’air intérieure et performances a surtout été étudié sur des adultes dans des bureaux.

Mais la situation des enfants dans les bâtiments scolaires mérite une attention particulière du fait de leur vulnérabilité aux polluants de l’air intérieur et des spécificités des salles de classe.

Des cas d’asthme chez les élèves qui pourraient être évités

Les enfants sont beaucoup plus vulnérables à la pollution de l’air car ils se développent encore physiquement. Ils présentent des besoins métaboliques plus élevés et inhalent une plus grande quantité d’air que les adultes.

D’après des résultats récents de l’Agence Santé Publique France, ce sont plusieurs dizaines de milliers de cas d’asthme qui pourraient être évités chaque année chez les enfants de 6 à 11 ans, en réduisant leur exposition à certains polluants de l’air intérieur et aux moisissures dans les salles de classe.

Mais on sait encore peu de choses sur la manière dont cette pollution de l’air intérieur, notamment à l’école où les enfants passent 30 à 45 % de leur temps, va impacter leurs facultés et potentiels d’apprentissage. Pourtant les résultats scolaires ont des conséquences à vie pour l’élève et pour la société !


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Densité et renouvellement de l’air insuffisant en classe

Les salles de classe sont des lieux spécifiques. La densité de personnes dans les salles de classe est 4 à 5 fois plus élevée que dans les bureaux. Résultat : la production de polluants et de virus (virus saisonniers, Covid…) y est plus élevée.

Par ailleurs, la plupart des écoles sont anciennes et les moyens pour entretenir ces bâtiments sont limités. Il est établi qu’en France, le renouvellement de l’air est insuffisant dans les écoles. Ainsi, 85 % des écoles ne disposent pas de ventilation mécanique contrôlée ou VMC, contrairement à tous les logements construits depuis les années 80. L’air n’y est donc renouvelé que par l’ouverture des fenêtres, une pratique pourtant peu ancrée.

Un lien entre qualité de l’air intérieur et performances des élèves

La qualité de l’air intérieur dans les écoles peut principalement impacter les élèves à trois niveaux : leur confort, leur santé et leurs performances cognitives. Ces performances cognitives incluent : l’attention, la perception, la mémoire, la fonction langagière et les compétences cognitives d’ordre supérieur comme les fonctions exécutives, de raisonnement, de résolution de problèmes, de prise de décision… Ces trois impacts sont interdépendants, puisque les performances cognitives peuvent également être affectées par des problèmes de santé et d’inconfort.

Nos travaux de recherche (AIVC Technical Note : Impact of indoor air quality on pupils’ cognitive performance – a literature review, à paraitre sur le site de l’Air Infiltration and Ventilation Centre ou AIVC) se sont focalisés sur les impacts directs de la qualité de l’air sur les performances cognitives, en laissant de côté les impacts indirects bien documentés, notamment sur les maladies et l’assiduité scolaire des élèves.

Ils ont permis d’identifier et d’analyser 24 études scientifiques provenant de 12 pays occidentaux de 1990 aux années 2000, mettant en évidence le fait qu’il s’agit d’un sujet de recherche relativement nouveau et en pleine expansion.

Notre analyse permet de conclure que la qualité de l’air intérieur a un impact significatif sur les performances des élèves. Diverses fonctions cognitives sont affectées, en particulier les résultats des tests psychologiques, avec des effets sur la précision, l’attention et la vitesse d’exécution.

Même si la plupart des études n’ont mesuré que les concentrations de CO2 pour caractériser la qualité de l’air, un lien étroit a été observé entre cette mesure et les performances des élèves, tout comme pour les concentrations de particules fines.

Améliorer l’air intérieur : un levier efficace et rentable à l’école

Comparés à d’autres stratégies visant à augmenter les performances des élèves, les avantages de l’amélioration de la qualité de l’air intérieur sont édifiants : ils sont du même ordre de grandeur que la mise en place d’incitations financières significatives pour les enseignants et les élèves, la réduction de la taille des classes de 31 à 25 élèves, le fait de ne pas sauter le petit-déjeuner ou encore de faire des siestes pendant la journée.

Il ressort de ces études que l’amélioration de la qualité de l’air peut être un moyen efficace et rentable d’améliorer les performances cognitives des élèves par rapport à d’autres stratégies.

Bon sens, sobriété chimique et ventilation efficace

Les solutions pour améliorer la qualité de l’air dans les bâtiments scolaires sont diverses et complémentaires. Nous confirmons qu’il est nécessaire d’éviter de chercher des « baguettes magiques technologiques » et de penser plutôt bon sens, sobriété chimique et ventilation efficace. Sachant qu’un système de ventilation adéquat représente un coût estimé à moins de 0,1 % des dépenses publiques courantes pour l’enseignement primaire et secondaire].

À noter que des outils ont été développés pour aider les acteurs, comme le guide ECOL’AIR pour une meilleure qualité de l’air dans les crèches et les écoles ou encore le « cartable sain » pour aider les parents.

En pratique, des solutions pour limiter les polluants dans les bâtiments scolaires

- Faire la chasse aux sources intérieures de pollution

À l’école, pour choisir des matériaux pour le bâtiment, de l’ameublement, des appareils électriques, des produits de nettoyage, etc., il est indispensable de privilégier des produits peu polluants en se référant aux labels et étiquetages.

Évitez les tapis, la moquette ainsi que les matériaux souples et laissez aérer les meubles neufs avant de les mettre dans les salles de classe sont des pratiques qui aident également à limiter les émissions de polluants.

Enfin, dans des zones telles que les cuisines, salles de chimie et salles de stockage de produits chimiques (produits ménagers, peintures, etc.), il convient d’utiliser des systèmes de ventilation locale par extraction. À l’intérieur, il faudra aussi éviter la combustion à flamme nue.

- Anticiper pour limiter l’entrée de la pollution extérieure

Dans l’idéal, les écoles devraient être installées dans des lieux où l’air extérieur est le moins pollué possible. En pratique, en cas de pollution extérieure, il est indispensable d’installer des systèmes de ventilation avec filtres et entretien régulier.

Il convient par ailleurs d’anticiper les changements climatiques et environnementaux. Par exemple, l’ouverture des fenêtres peut être remise en cause par l’augmentation des vagues de chaleur qui nécessitent de maintenir les fenêtres fermées lorsque les élèves sont dans les salles de classe.

- Ventiler efficacement pour diluer les polluants restants

Il est important d’assurer des niveaux de ventilation suffisants et adaptés à l’occupation des salles. En France, ce sont les débits de ventilation précisés dans le Règlement sanitaire départemental type (pour les enfants) et le Code du travail (pour les personnels) qui s’appliquent dans les écoles.

Il est indispensable d’installer des systèmes de ventilation efficaces et de les entretenir régulièrement. Une odeur forte (renfermé, transpiration, etc.) peut alerter sur un dysfonctionnement.

Il est également fortement recommandé d’installer des dispositifs d’alerte « Qualité de l’air intérieur » (comme les capteurs CO2) et de recourir à des kits pédagogiques. Ce sont des outils efficaces, qui ne se substituent pas à une ventilation adéquate et à des conseils de ventilation spécifiques à la classe.

Sensibiliser les enfants, les enseignants, les personnels d’entretien, etc.

Enfin, il faut sensibiliser les enfants et les différents acteurs : enseignants, personnels d’encadrement et d’entretien, concepteurs et gestionnaires des écoles et des crèches… Cette étape souvent oubliée est pourtant indispensable pour que toutes les précédentes soient réellement efficaces.

En conclusion, il est important de soulever que les efforts volontaires au niveau local ne sont pas suffisants sans politique ambitieuse et moyens associés en matière de qualité environnementale dans les écoles.

Depuis 2018 et encore plus fortement depuis 2023, la surveillance de la qualité de l’air est obligatoire dans les écoles et dans d’autres établissements accueillant des enfants et le Cerema appuie les collectivités dans leurs projets.

Mais la France reste un des pays industrialisés avec les plus faibles investissements publics par habitant en matière de qualité de l’air intérieur (1,5 euro par habitant, contre plus de 30 euros par habitant aux USA et Canada).


Une partie de ces résultats a été réalisée dans le cadre du projet européen 3SqAIR (Sustainable Smart Strategy for Air Quality Assurance in Classrooms) co-financé par le European Regional Development Fund (ERDF) avec le programme the Interreg SUDOE V.

Cet article a été coécrit par Nolwenn Hurel, Gaëlle Guyot, Andrés Litvak, Valérie Leprince et Cécile Caudron, Cerema, Bron, France.

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