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foule traverse la rue
Les équipes de travail inclusives composées de personnes d’origines, d'expériences et d’identités diverses, aux savoirs théoriques et expérientiels complémentaires, sont essentielles pour résoudre les problèmes contemporains d’une manière plus représentative de nos sociétés. (Shutterstock)

Principes EDI : les équipes de travail doivent être inclusives et la collaboration, transdisciplinaire

Les principes d’équité, diversité et inclusion (EDI) occupent une place de plus en plus importante dans les milieux politiques, de santé, d’enseignement et de recherche. Les équipes de travail inclusives composées de personnes d’origines, d’expériences et d’identités diverses, aux savoirs théoriques et expérientiels complémentaires, sont essentielles pour résoudre les problèmes contemporains d’une manière plus représentative de nos sociétés.

Or, la mise en place de mesures d’EDI se limite trop souvent à ajouter des personnes issues de groupes sous-représentés au sein d’équipes de travail déjà existantes, sans toutefois revoir leur fonctionnement, leurs pratiques et leurs valeurs. Pour tirer avantage de l’inclusion d’une diversité identitaire, disciplinaire et expérientielle dans nos institutions et ainsi les rendre plus équitables, nous estimons que les équipes de travail devraient mettre en place une collaboration transdisciplinaire.

Même si la transdisciplinarité est souhaitable pour permettre la convergence et le respect de différents points de vue à l’intérieur de ces équipes, ce modèle collaboratif demeure mal compris. À titre de chercheuses spécialisées en éthique, nous proposons d’apporter un éclairage sur le concept de transdisciplinarité.

Qu’est-ce que la transdisciplinarité ?

La transdisciplinarité vise à résoudre un problème d’intérêt concret et complexe en réunissant trois caractéristiques distinctives. Afin de les illustrer, prenons l’exemple d’une équipe mandatée d’augmenter l’accessibilité d’un réseau municipal de transport en commun.

Premièrement, la transdisciplinarité implique de transcender les frontières disciplinaires, c’est-à-dire d’intégrer et de dépasser les différentes perspectives représentées au sein de l’équipe. En lien avec notre exemple, les membres de l’équipe (experts en transport, gestionnaires, personnes vivant une expérience de handicap et représentants de différents groupes sociaux) partagent leurs connaissances, expériences et compétences. Ce faisant, leurs rôles deviennent indifférenciés, au lieu d’être compartimentés en fonction de leur champ d’expertise initial.

personnes diverses travaillent dans un bureau
La transdisciplinarité implique de transcender les frontières disciplinaires. (Shutterstock)

Deuxièmement, ce modèle collaboratif requiert de mettre en commun des concepts, des approches et des valeurs issues de plusieurs perspectives disciplinaires et expérientielles afin de créer un cadre conceptuel transdisciplinaire. Concernant notre exemple, les membres de l’équipe construisent une représentation schématique intégrant leur compréhension commune des causes (barrières physiques, discrimination) et des conséquences (isolement social) du manque d’accessibilité des transports en commun. De plus, ils définissent des valeurs partagées, telles que l’inclusion sociale et la justice, qui orienteront les actions de l’équipe.

Troisièmement, la transdisciplinarité nécessite une prise de décision partagée par l’ensemble des membres de l’équipe selon une approche non hiérarchique. Relativement à notre exemple, ce mode de fonctionnement horizontal permet de générer des pistes de solutions signifiantes pour tous, au lieu de refléter l’opinion des membres traditionnellement en position de pouvoir. Pour soutenir leurs échanges, les membres de l’équipe ont avantage à s’appuyer sur les valeurs et principes d’une communauté de recherche philosophique.

En somme, les trois caractéristiques de la transdisciplinarité sollicitent de l’ouverture et de l’humilité de la part des membres de l’équipe.

Une métaphore alimentaire à la rescousse

La transdisciplinarité est fréquemment confondue avec d’autres pratiques liées à la collaboration ou à l’EDI. Pour clarifier ce modèle collaboratif, il importe de le différencier de trois autres concepts apparentés, soit la multidisciplinarité, l’interdisciplinarité et l’intersectionnalité. Pour ce faire, une métaphore alimentaire est utilisée.

La multidisciplinarité est une pratique de collaboration qui consiste à additionner plusieurs perspectives disciplinaires ou expérientielles au sein d’une équipe afin que chacune d’entre elles réponde à un objectif distinct. En d’autres termes, chaque membre de l’équipe accomplit un rôle spécifique à son champ d’expertise en parallèle aux autres. La multidisciplinarité peut donc être comparée à une salade, puisque les ingrédients qui la composent, à l’instar de l’expertise des membres de l’équipe, sont clairement distinguables les uns des autres.

L’interdisciplinarité, pour sa part, est un modèle collaboratif où différents types de savoirs sont mis en relation au sein d’une équipe, c’est-à-dire qu’ils sont coordonnés vers l’atteinte d’objectifs communs. Précisément, les membres d’équipes interdisciplinaires maintiennent leur champ d’expertise, mais leurs rôles peuvent se rejoindre puisqu’ils travaillent conjointement. En conséquence, l’interdisciplinarité peut être comparée à un mijoté, puisqu’à l’image des ingrédients qui sont reliés entre eux, les contributions des membres de l’équipe sont liées par des objectifs communs.

Distinguer la transdisciplinarité de l’intersectionnalité

La transdisciplinarité, comme nous l’avons vu, est une pratique collaborative qui se distingue des deux précédentes du fait que les différents champs disciplinaires et expérientiels sont intégrés et transcendés par le cadre conceptuel transdisciplinaire. Autrement dit, les membres de l’équipe agissent selon une approche unifiée, de sorte qu’il n’est pas possible de reconnaître leur expertise individuelle. La transdisciplinarité peut ainsi être comparée à un gâteau, car ses ingrédients sont homogénéisés et forment un résultat final différent de leur état d’origine.

L’intersectionnalité, quant à elle, est un concept qui permet de comprendre l’expérience de discrimination de personnes qui se situent au croisement de plusieurs catégories identitaires (capacité, classe sociale, origine ethnique, sexe).

De fait, l’intersectionnalité peut servir de cadre pour analyser la manière dont plusieurs systèmes d’oppression (capacitisme, classisme, racisme, sexisme) s’articulent et se renforcent mutuellement pour maintenir l’inégalité de représentation de certains groupes de personnes au sein de nos institutions. En lien avec la métaphore, une analyse intersectionnelle pourrait mettre en lumière comment le croisement des caractéristiques de certains ingrédients (apparence, groupe alimentaire, valeur nutritionnelle) contribue à leur exclusion des recettes susmentionnées.

Qu’est-ce que l’intersectionnalité ?

Bonnes pratiques transdisciplinaires

Pour assurer la mise en place d’équipes transdisciplinaires équitables, diversifiées et inclusives, notre recherche a permis d’identifier trois bonnes pratiques à adopter.

En premier lieu, il est nécessaire d’impliquer tous les membres de l’équipe dans l’élaboration et la révision du cadre conceptuel transdisciplinaire afin qu’aucune perspective ne soit indûment mise de côté. En deuxième lieu, il importe que l’équipe transdisciplinaire instaure des temps de discussion spécifiques à la réflexion éthique sur les valeurs qui guident leurs décisions. Enfin, il est essentiel que l’équipe transdisciplinaire ait des ressources suffisantes et des opportunités d’échanges fréquentes pour entrecroiser et transformer leurs perspectives.

Du fait qu’elle permet d’intégrer une pluralité de perspectives disciplinaires et expérientielles selon une approche non hiérarchique, la transdisciplinarité est une avenue prometteuse pour instaurer des pratiques de collaboration cohérentes avec les principes d’EDI au sein de nos institutions.

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