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Les RH dans tous leurs états

Profs : les clichés ont la vie dure

Le film « Les Profs », de Pierre-François Martin-Laval (2013) a fait rire plus de 4 millions de téléspectateurs. Antoine Borel

Parmi les métiers les plus décriés, on rencontre : les huissiers, l’inspecteur des impôts, le contrôleur URSSAF, votre DRH, les profs…

Sous la Troisième république, sous l’autorité du préfet et du recteur l’instituteur est une personnalité respectée du village. Ensuite, le professeur devient une des figures de la société civile respectée, représentant de l’autorité.

La figure de l’enseignant vue par Honoré Daumier (Professeurs et Moutards, no. 7, 1845). Honoré Daumier

Cette image a évolué après les événements de mai 68. Les générations actuelles n’ayant plus le même rapport à l’autorité, l’image des enseignants s’est progressivement dégradée.

Et oui, les enseignants sont souvent considérés comme des privilégiés : temps de travail, vacances, sécurité de l’emploi, couverture sociale généreuse, système de retraite spécial, mutations aisées. Nous traiterons ici principalement des enseignants titulaires de l’enseignement supérieur public.

Une légende urbaine raconte que :

  • Les enseignants seraient vêtus de pantalons en velours côtelé et ils porteraient des sandales avec des chaussettes

  • Ils seraient grassement payés pour rejoindre les banlieues difficiles.

  • Ils passeraient leur vie en vacances (au camping certes, mais en vacances).

  • Ils travailleraient 15 heures par semaine.

  • Leur couverture sociale serait meilleure que dans le privé (La MGEN financerait généreusement les cures thermales).

  • Leur système de retraite serait extrêmement favorable (ils partiraient tous à 55 ans).

  • Ils seraient mutés où ils veulent.

  • Ils seraient tous abonnés à Télérama.

George Clooney, nouveau modèle vestimentaire des enseignants ? CC BY-NC-SA

Toute légende urbaine méritant vérification, essayons de faire le point sur ces idées fausses :

  • Non les profs ne sont pas toujours habillés comme des bûcherons. La nouvelle tenue des profs à la rentrée 2017 pourrait d’ailleurs très bien être celle de George Clooney non ?

  • Les primes versées pour un poste en REP (ex ZEP) vont de 144 à 192 euros bruts par mois environ. Pas de quoi manger du caviar à tous les repas.

  • Selon une enquête Insee de 2009, en moyenne, les enseignants déclarent travailler pendant les congés : 20 jours dans le primaire et 18 jours dans le secondaire, dont environ la moitié pendant les vacances d’été. Les enseignants mettent également à profit les grandes vacances pour préparer la rentrée, réfléchir à un projet pédagogique ou compléter leur formation.

  • Le temps de travail d’un enseignant du secondaire est de 15 heures par semaine pour un agrégé et 18 heures pour un certifié. Dans l’enseignement supérieur un agrégé (statut PRAG) effectue un service de 384 heures équivalent TD et un maître de conférences 192 heures équivalent TD. Ce service inclut la préparation des cours, la correction des copies, encadrement de mémoires et de rapports de stage, participation aux réunions pédagogiques.

  • La MGEN, sécurité sociale pour les enseignants du secteur public propose une complémentaire santé qui coûte entre 1,69 et 3,18 % du de la base brute fiscale.

  • Pour les enseignants, la réforme des retraites est en marche comme pour d’autres professions !

  • Concernant les mutations, le fonctionnementdans l’enseignement supérieur public est complexe et consiste à cumuler un maximum de points.

Enfin, les néo-titulaires ne bénéficient pas des points liés à l’ancienneté et pâtissent de mutations subies. Heureusement, pour les plus chanceux le rapprochement de conjoint permet de cumuler 150 points.

Le problème des doubles carrières pour les enseignants

Ce système de mutation questionne alors la problématique des doubles carrières. En effet, les enseignants en couple doivent gérer simultanément deux évolutions professionnelles. Cette progression doit se faire en accord avec l’autre. Quand les femmes étaient au foyer, ce problème sociologique n’avait pas émergé. Désormais, un couple bi-actif est confronté à la question de la mutation : soit elle est utile pour obtenir un « rapprochement de conjoint », soit elle devient contraignante car la mutation de l’enseignant remet en question la carrière du conjoint.

Plusieurs situations apparaissent :

  • Le conjoint est salarié du privé : la démission pour suivi de conjoint ouvre droit à une inscription à pôle emploi et une indemnisation.

  • Le conjoint est fonctionnaire : il demande une mise en disponibilité ou une mobilité

  • Le conjoint est enseignant également mais dans le privé et là ça commence à se corser : il faut donc trouver deux postes d’enseignants au même endroit.

Bon nombre d’enseignants ont été confrontés à ce problème qui reste un frein au développement des carrières et au recrutement des profs. En 2015, 34 602 demandes de mutation ont été formulées pour la phase interacadémique du mouvement, dont un peu plus d’un tiers motivées pour rapprochement de conjoints. Près de 86,6 % des enseignants ayant demandé une mutation au titre du rapprochement de conjoints l’ont obtenue. Les demandes de mutations sont effectuées sur le site I-prof. Le SNES fournit des statistiques qui laissent entrevoir que toutes les demandes ne sont pas satisfaites.

Que l’on soit titulaire de l’éducation nationale, à l’université ou professeur permanent dans une école sous statut privé, se pose le problème de la localisation géographique du poste. De cette localisation dépend la nature des missions mais aussi la carrière du conjoint. Le phénomène de la double carrière est donc un élément à prendre en compte pour recruter et fidéliser les enseignants.

Les enseignants sont alors confrontés à des choix personnels et professionnels liés à leurs mutations successives.

Pour l’abonnement à Télérama, aucune étude ne nous a permis de remettre en question la légende urbaine.

Alors, pas sûr que la vie des profs soit celle que l’on imagine !

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