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chirurgie au laser de la vision
Depuis quelques années, il est possible d'avoir recours à une chirurgie qui permet de remplacer le cristallin, lentille naturelle de l'oeil, par un implant. (Shutterstock)

Subir une chirurgie de la cataracte sans en avoir besoin ? Certains le font pour améliorer leur vue, mais ce n'est pas sans risque

Judy est une consultante accomplie qui voyage régulièrement pour ses rencontres d’affaires. Elle me consulte, car elle ne tolère plus ses lentilles cornéennes. Elle veut explorer toutes les options – surtout les alternatives chirurgicales.

Parmi ces options, il est maintenant possible de faire remplacer son cristallin par un implant. Cette chirurgie, qui est semblable à celle des cataractes, est offerte à des patients qui ne sont pas aux prises avec cette condition. Mais elle n’est pas sans risque.

Comme optométriste expert en lentilles cornéennes, en traitement de la sécheresse oculaire et en gestion pré et postopératoire des chirurgies oculaires, j’ai l’expérience requise pour éclairer Judy.

Des yeux secs

Considérons d’abord le portrait clinique de Judy. Elle aura 53 ans dans quelques semaines, est myope (ne voit pas de loin), astigmate (images étirées au loin et au près) et presbyte mature (ne voit pas de près).

Elle déteste les lunettes et ne veut pas en porter devant ses clients, raison pour laquelle elle a subi une chirurgie au laser pour corriger sa myopie, il y a 15 ans.

Vers l’âge de 45 ans, elle a dû être réadaptée en lentilles cornéennes – moment où la presbytie est apparue. Au détour de la ménopause, vers 51 ans, elle a développé quelques symptômes de sécheresse oculaire qui se sont accrus dans les derniers mois.

Des changements de matériaux des lentilles, de solutions d’entretien ou de modalité de port (1 jour) n’ont eu que peu d’effet. Les environnements arides (habitacle de la voiture, avion, air recyclé des bureaux) auxquels elle est régulièrement exposée contribuent à ses symptômes. Elle passe également plusieurs heures devant un écran d’ordinateur et cligne donc des yeux moins fréquemment, ce qui augmente son inconfort visuel.

L’examen clinique démontre qu’elle souffre effectivement de sécheresse oculaire. Elle présente un volume de larmes réduit, effet secondaire de sa chirurgie au laser. Sa cornée démontre une zone sèche, altérée, que l’on attribue à une fermeture incomplète des paupières durant le sommeil, sans doute induite par la chirurgie esthétique des paupières qu’elle a subie il y a 3 ans. Et c’est sans oublier les conséquences de sa médication : certains antidépresseurs ont des effets asséchant pour l’œil.

Une approche étape par étape

Aux problèmes de vision de Judy s’ajoute donc un enjeu de santé oculaire.

Or, toute sécheresse oculaire impacte la qualité de la vision, quel que soit le mode de correction. Il faut donc rétablir l’équilibre avant toute chose – et traiter ses yeux secs.

Les chirurgies passées ont laissé des traces. Et on ne peut revenir en arrière. Alors, comment s’y prendre ?

Sur le plan oculaire, la première étape est d’assurer une lubrification intensive (larmes artificielles complètes, sans agent de conservation chimique). Il faut prévoir également une pommade, au coucher, afin de protéger la cornée durant le sommeil. Prescrire de la cyclosporine topique est à considérer en raison de son action sur la stabilité des larmes.

Par ailleurs, les lentilles souples peuvent exacerber la sécheresse oculaire. Heureusement, d’autres alternatives existent. Les lentilles sclérales sont de grandes lentilles rigides qui créent un réservoir de larmes, ce qui contribue à réduire les symptômes de sécheresse. Malgré leur grand diamètre, ces lentilles sont très confortables, car elles prennent appui sur le blanc de l’œil (la sclère) sans toucher la cornée. Au niveau visuel, elles peuvent compenser la myopie, l’astigmatisme et la presbytie.

Je propose donc ces lentilles à Judy. Mais à voir sa réaction, je comprends qu’elle cherche plutôt une alternative chirurgicale.

lentille sclérale
Les lentilles sclérales sont de grandes lentilles rigides qui créent un réservoir de larmes. (Langis Michaud), Fourni par l'auteur

L’échange de lentille, en cristallin clair comme option

Une retouche laser n’est pas envisageable lorsque la cornée devient trop mince.

Par contre, depuis quelques années, il est possible d’avoir recours à une chirurgie qui permet de remplacer le cristallin, lentille naturelle de l’œil, par un implant. Similaire à une chirurgie de cataractes, cette intervention se fait en absence de toute pathologie de ce type, chez des patients généralement plus jeunes (50-65 ans). Et elle est assez populaire à l’heure actuelle.

L’avantage, c’est que cet implant peut corriger la majorité des défauts visuels – contrairement au Lasik. Dans le cas de Judy, ce serait un implant multifocal (vision de loin et près) et torique (astigmatisme).

Cette option suscite immédiatement l’intérêt de Judy. Elle assume que cette chirurgie la libérera de tout besoin de lentilles ou de lunettes, de façon permanente.

Une intervention qui n’est pas sans risque

Toute intervention chirurgicale comporte un risque. En présence de maladie ou de pathologie, la décision de l’ophtalmologiste d’opérer devrait, en théorie, se baser sur une évaluation rigoureuse du risque, en comparaison au bénéfice escompté.

Dans le cas d’un échange de cristallin clair, soit sans pathologie présente, la grille de référence change. On se situe davantage dans le créneau de la chirurgie esthétique, non essentielle, non urgente. Le risque demeure alors que le bénéfice est moins évident, davantage relié à la satisfaction personnelle du patient.

Si la chirurgie de la cataracte est une procédure considérée comme sécuritaire, il peut parfois en être autrement de l’échange de cristallin clair. Plus la personne est jeune, plus le risque de complications est élevé. D’autres éléments particuliers au patient peuvent peser dans la balance. Avant de procéder, il faut donc évaluer la condition rigoureusement.

La rétine de toute personne myope est à risque de déchirure. Il s’agit d’une complication possible de la chirurgie du cristallin qu’il ne faut pas sous-estimer. La rétine myope est également étirée et peut s’altérer au-delà de 60 ans, comme un écran de cinéma qui devient craquelé. La vision est automatiquement détériorée.

Or, un implant multifocal demande une rétine parfaite pour assurer une bonne vision. Comme Judy est myope, on ne peut lui garantir une vision parfaite à vie à la suite de la chirurgie.

Sans compter que comme sa mère et sa grand-mère, elle pourrait un jour développer une dégénérescence maculaire. Dans ce cas également, la vision de l’implant multifocal serait fortement affectée

Les implants multifocaux sont souvent associés à une perception de halos et d’éblouissement, notamment le soir. Si la majorité des patients tolèrent ces effets secondaires au départ, il peuvent devenir très dérangeants à long terme, puisqu’ils persistent dans le temps. Cette procédure n’est d’ailleurs pas tout à fait réversible – le retrait des implants peut engendrer des conséquences importantes.

Le remplacement du cristallin de Judy ne semble donc pas être la meilleure option. En attendant, elle se résout à considérer les lentilles sclérales et à optimiser le traitement de sa sécheresse oculaire.

Elle repart satisfaite d’avoir parlé de ces enjeux avec la personne qui connaît le mieux ses yeux : son optométriste !

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