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Depuis la génération 1975, l'écart entre hommes et femmes peine à se résorber en matière de taux d'activité et de chômage.

Taux d’emploi des femmes : une stagnation après plusieurs décennies de forte progression

La progression de la participation des femmes au marché du travail depuis les années 1970 constitue une des évolutions majeures de nos sociétés. Soutien pour les revenus des ménages, carburant pour la croissance économique, elle a aussi joué un rôle important pour l’autonomie financière des femmes dans un contexte d’augmentation de la fréquence des séparations conjugales. Elle contribue également progressivement à l’amélioration des pensions de retraite des femmes et à leur rapprochement avec le niveau de celles des hommes.

Cette tendance se vérifie-t-elle néanmoins toujours ? Nos recherches récentes, qui ont mobilisé 44 vagues de l’Enquête Emploi de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), suggèrent un essoufflement, de la progression de l’emploi des femmes. Si le rapprochement avec le niveau d’emploi des hommes se poursuit, cela semble davantage le fait d’une baisse des indicateurs chez ces derniers que d’une hausse du côté des premières.

Avant d’entrer dans le détail des chiffres, une petite précision conceptuelle s’impose afin de bien saisir de quoi on parle. En statistiques, le taux d’activité à un âge A est défini comme le rapport entre le nombre d’actifs (des personnes soit en emploi soit au chômage) à l’âge A et l’ensemble de la population ayant le même âge. C’est, autrement dit, la proportion d’une classe d’âge insérée (en emploi) ou qui souhaite s’insérer dans l’emploi (au chômage). Le taux d’emploi à l’âge A représente, lui, la part des personnes d’âge A occupant un emploi. Il faut bien noter que son opposé n’est pas le taux de chômage : ne pas être en emploi, c’est soit être au chômage, soit être inactif.

Rattrapage rapide jusqu’aux générations du baby-boom

Le taux d’activité des femmes a fortement progressé depuis les années 1970, faisant de la France l’un des pays européens dans lequel il est le plus élevé chez les 25-55 ans. À l’âge de 40 ans, il est passé de 69 % pour la génération née en 1945 à 86 % pour la génération née en 1975, soit une hausse de 17 points de pourcentage. Du fait de l’augmentation du chômage, cette hausse ne s’est pas totalement répercutée sur le taux d’emploi : il a, pour les mêmes âges et générations, progressé pour sa part de seulement 15 points.

Cette hausse du taux d’emploi a, elle-même, pris, pour partie, la forme d’emplois à temps partiel : le taux d’emploi en équivalent temps plein, c’est-à-dire en tenant compte de la quotité de travail (un mi-temps apporte 0,5 au numérateur du calcul et 1 au dénominateur), a progressé de seulement 13 points. Autrement dit, une partie importante des femmes autrefois inactives occupent désormais un emploi mais celui-ci est fréquemment un emploi à temps partiel.

Ces tendances générales cachent en outre d’importantes disparités selon le niveau de diplôme. C’est essentiellement pour les plus diplômées que la progression de l’activité a pris la forme d’emploi à temps plein. La participation croissante des femmes a également été fortement déterminée par le nombre d’enfants à charge. L’augmentation a été assez modérée pour les femmes sans enfant qui travaillaient déjà souvent. En revanche, elle a été très marquée pour les femmes avec plus de deux enfants à charge dont une part significative était auparavant inactive. Pour celles-ci l’activité a très souvent pris la forme d’un emploi à temps partiel.

Stagnation depuis les années 1970

Les dernières données disponibles montrent que cette tendance à la progression de l’activité féminine s’essouffle, quand bien même les écarts restent importants : pour les femmes nées après 1975, activité et emploi ont cessé de progresser au fil des générations.

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Si l’écart avec leurs homologues masculins a continué de diminuer, c’est car le taux d’activité de ces derniers est en léger mais continuel reflux depuis plusieurs décennies. Les taux d’emploi ont décru à un rythme encore un peu plus rapide du fait de l’augmentation du chômage. A 40 ans, entre la génération née en 1945 et celle née en 1975, le taux d’activité des hommes a diminué de 4,5 points de pourcentage, passant de 97,6 % à 93,1 %. Le taux d’emploi a diminué de 8,3 points de pourcentage passant de 92,6 % à 84,3 %.

Comme pour les femmes, ces tendances cachent des disparités selon le niveau de qualification. Pour les hommes les plus diplômés, au même âge et pour les mêmes générations, le taux d’emploi a reculé de seulement 3 points de pourcentage contre 17,5 points pour les hommes les moins diplômés.

Les trentenaires mettent également bien en évidence la tendance. Les hommes de la génération 1985 avaient, à 30 ans des taux d’activité et d’emploi respectivement inférieurs de 3,5 et 5,9 points par rapport à la génération née en 1955 (trente ans auparavant).

A 30 ans, pour la génération née en 1985 l’écart entre le taux d’emploi des hommes et celui des femmes demeure important : 14 points de pourcentage (84 % pour les hommes contre 70 % pour les femmes). Cet écart au même âge s’élevait à 32 points pour la génération née en 1945, à 26 points pour celle née en 1955 et encore à 17 points pour la génération née en 1965. En équivalent temps plein, l’écart entre les hommes et les femmes est encore plus important du fait de la forte proportion de femmes en emploi à temps partiel : à 30 ans pour la génération née en 1985 il est de 20 points de pourcentage. L’écart demeure donc important.

Les écarts d’activité et d’emploi entre les femmes et les hommes n’ont donc cessé de se réduire au fil des générations. Ce processus de rattrapage, qui a été très rapide pour les générations nées entre 1925 et 1970, ralentit très nettement pour les générations postérieures. Alors qu’il était autrefois tiré par la hausse de l’activité des femmes, il est désormais intégralement dû à la diminution de l’activité masculine.

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