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 Donald Trump regarde droit devant lui
L’ex-président Donald Trump à sa sortie du tribunal, jeudi le 30 mai 2024, après le verdict de culpabilité pour 34 chefs d’accusation. (Justin Lane/Pool Photo via AP)

Trump coupable  : voici pourquoi les électeurs ferment souvent les yeux sur les manquements éthiques des politiciens

Le jury du tribunal de Manhattan a déclaré l’ex-président Donald Trump coupable d’avoir falsifié des registres commerciaux afin de masquer des paiements occultes effectués à la star porno Stormy Daniels. C’est la première fois dans l’histoire qu’un président américain est frappé d’une condamnation au criminel.

Réagissant au verdict devant la presse, Donald Trump a qualifié le procès de « truqué dès le premier jour » avant de porter l’affaire en appel.

Les 34 chefs d’accusation concernaient des actions remontant à la période précédant l’élection présidentielle américaine de 2016. Donald Trump est également accusé pour trois autres affaires criminelles, mais ces procès ne débuteront sans doute pas avant les élections de novembre. En 2023, dans le cadre d’un procès civil, il avait été reconnu responsable d’agression sexuelle envers l’écrivaine E. Jean Carroll.

De nombreux républicains soutiennent toujours Donald Trump et voteraient pour lui malgré tous ces démêlés judiciaires. 56 % des républicains affirment que son inconduite sexuelle ne devrait pas l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle.

Découplage moral

Même s’ils reconnaissent qu’il a harcelé sexuellement des femmes et qu’il a commis diverses fautes en dehors de son mandat, les républicains justifient leur soutien. « Chasse aux sorcières politiques », allèguent les uns ; « ingérence judiciaire dans le processus électoral », affirment les autres.

Pourquoi tant d’Américains soutiennent-ils toujours Trump ? Quels ressorts psychologiques peuvent jouer devant des défaillances morales et politiques aussi évidentes ?

Donald Trump lève son bras gauche et son poing dans les airs
L’ancien président Donald Trump avant d’entrer à la salle d’audience peu avant le début des délibérations du jury, à New York, le 29 mai 2024. Charly Triballeau/AP

Le processus cognitif en jeu s’appelle le « découplage moral ». Il explique le soutien que peuvent recevoir des personnalités publiques malgré de graves manquements éthiques. Il suppose que la personne puisse séparer son jugement sur la moralité d’un individu de sa performance dans l’exercice de ses fonctions. En termes plus simples, ce processus mental consiste à dire : « Je désapprouve tel comportement, mais ce type fait tout de même du bon travail ».

Le découplage moral trouve un bon exemple dans le cas de Woody Allen. Malgré des allégations d’inconduite sexuelle, le cinéaste continue de recevoir le soutien d’adeptes dévoués et de professionnels du cinéma. Ceux-ci continuent d’apprécier ses films, tels Annie Hall et Minuit à Paris, tout en faisant fi des controverses qui l’entourent.

Il existe des raisons de croire que les électeurs à tendance conservatrice seraient plus enclins à ce genre de dichotomie. Cela tiendrait à leur besoin psychologique de voir le monde de manière claire et ordonnée. Ayant tendance à considérer les problèmes par le petit bout de la lorgnette, ils vont se concentrer sur des aspects particuliers jugés de manière distincte et non représentative de « l’identité » de la personne.

Les libéraux, quant à eux, ont tendance à rechercher la vue d’ensemble. Ils vont donc soutenir des personnages comme Bernie Sanders, qui s’efforce d’apporter des changements systémiques, alors que les conservateurs préfèrent des politiciens de la trempe d’un Ron DeSantis, qui se concentre sur des politiques spécifiques telles que l’éducation et le traitement de la Covid-19.

Donald Trump en costume, faisant face à la caméra
L’ancien président Donald Trump s’adressant aux médias avant d’entendre le verdict, à New York, le 30 mai 2024. Seth Wenig/AP

Implications en démocratie

Le découplage moral pose bien des défis pour l’avenir du processus démocratique et plus particulièrement de la politique. Si les électeurs sont capables de séparer leur jugement moral de leur évaluation des dirigeants en exercice, cette tendance pourrait avoir pour effet de normaliser bien des manquements et des fautes.

Une telle tournure d’esprit pourrait amener les électeurs à ne considérer ni l’aptitude d’un candidat à exercer sa fonction ni les autres questions en dehors de celle qui les préoccupe. Par conséquent, il devient alors moins nécessaire d’imposer aux élus une reddition de compte devant les électeurs ou dans le cadre des institutions.

Or, les dirigeants politiques efficaces sont des dirigeants éthiques. Dans une société démocratique, il est essentiel que les citoyens valorisent une culture politique qui favorise à la fois l’efficacité et la conduite éthique. Encourager la transparence, la responsabilité et l’ouverture quant aux implications morales de l’action politique atténue forcément le risque de découplage moral.

Le découplage moral étant de nature cognitive, une solution consiste à promouvoir une évaluation plus holistique des dirigeants politiques afin que les considérations éthiques demeurent une partie intégrante du processus démocratique menant au choix des électeurs.

Afin de contrer la tendance actuelle vers le découplage moral, il devient nécessaire de valoriser une approche équilibrée du jugement politique. À mesure que les démocraties évoluent, il importe d’œuvrer en faveur d’un environnement politique où l’intégrité éthique et l’efficacité des dirigeants ont une valeur égale.

This article was originally published in English

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