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Un enfant attend dans la cour de son école avant d’entrer dans sa classe, à Dortmund, en Allemagne, le 22 février dernier. Partout dans le monde, les effets du SARS-CoV-2 sur les enfants ont été particulièrement surveillés. Ina Fassbender / AFP

Un an plus tard, que sait-on de l’infection des enfants par le coronavirus SARS-CoV-2 ?

À quelques jours de la date anniversaire de la déclaration de pandémie de Covid-19 par l’Organisation mondiale de la santé, le 11 mars 2020, les professeurs de pédiatrie Christèle Gras-Le Guen, présidente de la société française de pédiatrie, et Régis Hankard, coordonnateur du réseau de recherche clinique pédiatrique Pedstart, font le point sur les effets du coronavirus SARS-CoV-2 sur les enfants.


The Conversation : Il est apparu dès le début de l’épidémie que les enfants étaient plutôt épargnés par la Covid 19. Les choses ont-elles changé ?

Christèle Gras-Le Guen : Non, les choses n’ont pas changé. En France, les mineurs infectés par le SARS-CoV-2 depuis le début de l’épidémie représentent moins de 5 % de l’ensemble des patients contaminés par ce coronavirus.

Les formes cliniques de la Covid-19 chez l’enfant qui ont été décrites sont soit des formes asymptomatiques, soit des formes très peu de symptomatiques. Les formes graves restent exceptionnelles : selon les données de Santé Publique France, les hospitalisations pour Covid-19 chez les moins de 18 ans, c’est moins de 0,1 % de toutes les hospitalisations Covid.

Avant 10 ou 11 ans, la fréquence de la maladie est très faible, et lorsque ces enfants sont malades, ils font des formes tout à fait bénignes. À ce jour, on ne déplore en France que 6 décès d’enfants en lien avec le SARS-CoV-2, contre plus de 85000 chez l’adulte en France.

Ces décès concernaient des enfants d’âges variables, certains étaient porteurs de maladies chroniques, mais pas tous. En avril, la Société Francaise de Pédiatrie a sollicité toutes les sociétés savantes spécialisées dans le suivi des enfants atteints de maladies chroniques : pneumopédiatres, neuropédiatres, pédiatres spécialisés en nutrition… Personne n’a décelé de signal indiquant que ces pathologies chroniques pouvaient être à risque de formes sévères.

L’année qui s’est écoulée a en revanche confirmé que l’influence de l’âge sur la forme clinique de la maladie est très marquée. Les nouveau-nés ne sont quasiment pas concernés par cette maladie, puis à mesure que l’on vieillit et que l’on s’approche de l’âge adulte, les symptômes se rapprochent de ce que l’on connaît chez l’adulte.

Il faut probablement distinguer les moins de 10 ou 11 ans des préadolescents et des adolescents, qui développent des formes cliniques qui se rapprochent progressivement de celles des adultes.

TC : Les variants n’ont rien changé à cette situation ?

C G-LG : Non, aujourd’hui il est clair que ces variants ne concernent pas plus les enfants que les autres classes d’âge, même si une rumeur a défrayé la chronique voici quelques semaines. Elle était partie d’une interview donnée par une infirmière d’un hôpital londonien : interviewée par la BBC, cette soignante avait affirmé que son service était rempli d’enfants atteints par le nouveau variant. L’information avait été largement diffusée via les réseaux sociaux notamment, or il s’est avéré par la suite que la raison pour laquelle son service accueillait tant d’enfants était une redistribution des moyens des équipes de pédiatrie en sous-activité, pour décharger les services d’adultes !

TC : Où en sont les connaissances sur le syndrome inflammatoire « Kawasaki-like » (Multi-Inflammatory Syndrome in Children, MIMS en français et MIS-C en anglais), qui touche certains enfants dans les semaines qui suivent l’infection ?

C G-LG : On sait que ce symptôme concerne des enfants avec un âge médian de 8 ans. En cela, il diffère du syndrome de Kawasaki classique, qui affecte plutôt des enfants plus jeunes. Il n’est pas le fait direct du virus : il est causé par une réaction inadaptée du système immunitaire de certains enfants, 3 a 4 semaines après la fin de l’infection. Cette réaction peut également toucher des enfants qui n’étaient pas connus pour avoir fait l’infection en cas de forme asymptomatique.

Il faut cependant rassurer les parents : les symptômes de ce syndrome sont désormais bien connus des pédiatres et on sait le traiter efficacement. Un consortium français vient d’ailleurs de publier une étude présentant une association efficace de deux molécules à cet effet.

TC : Le contrôle de l’épidémie reposera probablement en grande partie sur une couverture vaccinale la plus large possible. Quid des enfants dans ce contexte ?

Régis Hankard : À terme, l’objectif affiché est de vacciner 60 millions de personnes, ce qui à l’évidence inclut aussi les enfants.

Quand on commence une campagne de vaccination, on cherche à protéger les gens les plus à risque, ou ceux dont on ne peut se passer. Pour éviter que le système de santé ne s’effondre, on a donc commencé par protéger les soignants. Parce que les personnes âgées sont celles qui présentent le risque le plus élevé de développer des formes sévères, elles ont aussi fait partie des personnes prioritaires. Les enfants étant assez peu atteints, ils seront vaccinés plus tard, lorsqu’on aura suffisamment avancé.

TC : Quels sont les prérequis à la vaccination des enfants ?

RH : Les vaccins sont des médicaments, ils nécessitent donc d’obtenir une autorisation de mise sur le marché de la part des autorités compétentes. Pour cela, il faut que des études aient évalué non seulement leur efficacité, mais aussi l’absence de risque, afin de s’assurer que leur utilisation ne pose pas de problème. Des essais cliniques visant à valider l’utilisation chez l’enfant des vaccins actuellement utilisés pour les adultes, comme celui de Moderna, sont en cours en vue d’obtenir une telle autorisation de mise sur le marché.

Il faut savoir que la recherche clinique chez l’enfant est plus compliquée que chez l’adulte, car il faut considérer différentes classes d’âge. En outre, il est non seulement nécessaire d’obtenir la coopération de l’enfant, mais aussi l’accord de ses parents, bien entendu.

En France, la recherche sur le vaccin anticovid est centralisée par le réseau Covireivac, qui fait partie de l’infrastructure de recherche clinique F-Crin (French Clinical Research Infrastructure Network). Ce réseau fait le lien entre le ministère de la Santé, celui de la Recherche et les industriels. L’idée est d’avoir le même dispositif chez l’enfant, via notre réseau de recherche Pedstart (faisant lui aussi partie de F-Crin).

TC : À propos de recherche en pédiatrie, quels sont les travaux qui mobilisent actuellement les équipes ?

C G-LG : Des équipes de scientifiques tentent actuellement d’éclaircir les raisons qui font que les enfants développent des formes de la maladie si différentes de celles des adultes. Les récepteurs utilisés par le virus pour infecter les cellules sont particulièrement étudiés. Les réactions immunitaires des enfants et des adultes sont également scrutées avec attention. Il reste encore de nombreux mystères à éclaircir.


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TC : La pandémie a-t-elle eu des conséquences inattendues ?

C G-LG : On a vu cette année une diminution des autres infections. De mémoire de pédiatre, c’est la première année que la saison hivernale se passe sans gastro-entérite, sans grippe et sans bronchiolite, c’est assez incroyable !

Cela s’est traduit par une diminution de l’affluence dans les services d’urgences pédiatriques. Celle-ci a été très marquée pendant le premier confinement, un peu moins pendant le deuxième, cependant cet effet persiste encore : les services pédiatriques accueillent actuellement moins d’enfants que les autres années, en France comme à l’étranger. Il faudra cependant être vigilant, car en Australie, la bronchiolite est arrivée plus tardivement, mais la vague d’infection en cours semble particulièrement forte.

Cette pandémie a malheureusement également eu des conséquences indirectes très négatives : on constate partout en France un afflux, depuis le mois d’octobre, d’enfants présentant des troubles anxieux, des troubles de l’humeur, voire des dépressions graves, accompagnées d’idées ou de gestes suicidaires. Cette constatation concerne toutes les régions françaises, y compris celles où le virus a peu circulé.

Ces enfants, préadolescents ou adolescents sont plutôt plus jeunes que ceux que nous accueillons d’habitude, et leur état est a priori plus grave. Ainsi, depuis novembre, six tentatives de suicide ont eu lieu alors même que les enfants étaient hospitalisés dans notre service, ce qui est très inhabituel : en général, une fois pris en charge, leur état s’améliore et s’apaise, ce qui n’est plus forcément le cas en ce moment.

Il faut souligner que si les enfants qui vont mal viennent pour environ la moitié des cas de milieux familiaux affectés par des problèmes médico-psychosociaux, l’autre moitié est issue de familles sans difficultés préexistantes. Dans les mois à venir, il faudra donc être particulièrement attentif aux conséquences de la crise sanitaire sur la santé mentale des enfants.

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