Menu Close
deux scientifiques dans un laboratoire
Nous pouvons observer le processus d’évolution en laboratoire dans des conditions parfaitement contrôlées. (Shutterstock)

Une nouvelle étude pave la voie à un meilleur dépistage des maladies génétiques

Prenons une cellule vivante, qui comporte des milliers de gènes. Maintenant, imaginons que ces gènes sont des boutons qui peuvent être réglés pour changer la façon dont la cellule se développe dans un environnement donné. L’ajustement d’un gène pourrait augmenter ou diminuer sa croissance, et le processus est d’autant plus complexe que les boutons sont connectés les uns aux autres, comme les engrenages d’une machine.

Si les scientifiques peuvent aujourd’hui modifier les gènes en laboratoire et essayer de produire des résultats dans le but d’obtenir des traitements, l’évolution, quant à elle, fonctionne ainsi depuis des milliards d’années. L’évolution est un phénomène naturel qui règle les gènes et permet aux populations de s’adapter. Toutefois, contrairement aux scientifiques, elle effectue les ajustements de manière aléatoire, à mesure que les mutations affectent la fonction des gènes.

L’une des hypothèses sous-jacentes de la théorie de l’évolution – celle de la contingence évolutive – avance que ce réglage peut avoir des comportements chaotiques. Ainsi, des réglages qui ont eu lieu au début du processus peuvent modifier radicalement le potentiel évolutif ultérieur.

Stephen Jay Gould est un célèbre partisan de cette théorie. Dans son livre La vie est belle, publié en 1989, il affirme que, puisque les mutations bénéfiques se produisent de façon aléatoire, le hasard doit jouer un rôle important dans la diversification de l’évolution.

Si son hypothèse est vraie, cela influence la manière dont les scientifiques doivent éditer les gènes en laboratoire, car ils devront composer avec les interconnexions chaotiques de nos cellules. Notre travail a consisté à tester cette hypothèse.

Paradoxe évolutif

Nous pouvons observer le processus d’évolution en laboratoire dans des conditions parfaitement contrôlées. Nous l’avons fait en cultivant des populations de micro-organismes pendant des centaines, voire des milliers de jours.

Comme ces organismes se divisent et se reproduisent très rapidement, cela représente des milliers de générations. Nos expériences nous ont permis de déterminer avec précision quand et comment les mutations bénéfiques coïncident et entrent en compétition entre elles pour conquérir une population.

Image d’un génome humain
Lecture d’image d’un génome humain. (NHGRI via AP)

L’une des constatations les plus frappantes de chacune de ces expériences est que l’augmentation de la valeur adaptative ralentit au fil du temps à un rythme qui est étonnamment reproductible. Bien qu’elles aient accumulé des mutations différentes, les diverses populations présentent une diminution éminemment prévisible des performances en ce qui concerne leur rapidité adaptative.

Contrairement au comportement apparemment chaotique des mutations, les changements de valeur adaptative ou de croissance sont hautement prévisibles. De nombreuses personnes ont émis l’hypothèse que l’ordre des mutations est une conséquence inhérente à la manière dont les systèmes biologiques ont évolué.

Cette hypothèse surprenante entre en contradiction avec l’idée que les caractéristiques biologiques d’un organisme importent pour leur évolution. En d’autres termes, il a été difficile de prouver que l’ordre dans lequel l’évolution ajuste les boutons a une incidence sur l’avenir de l’organisme.

Réponse au paradoxe

Mon équipe a pu montrer qu’on trouve la réponse à ce paradoxe dans le réseau de gènes interconnectés de la cellule.

Pour que l’évolution fonctionne, le réglage des boutons doit être précis : même si le résultat net est bénéfique, l’ajustement d’un ensemble de boutons interconnectés peut se répercuter et affecter d’autres boutons auparavant réglés correctement. Au fil de l’évolution, la probabilité de dérégler des boutons s’accroît. Ce principe, simple en apparence, explique pourquoi le rythme des améliorations évolutives diminue généralement avec le temps.

A tray containing human DNA samples ready for genetic sequencing
Plateau contenant des échantillons d’ADN humain prêts pour le séquençage génétique. (AP Photo/Patricia McDonnell)

Résoudre ce paradoxe de manière expérimentale n’a pas été facile. Comment montrer l’enchevêtrement des boutons à l’intérieur de la cellule  ? Dans notre récente étude, nous avons relevé ce défi en essayant systématiquement toutes les combinaisons possibles de 10 mutations bénéfiques clés et en examinant la manière dont elles affectent la croissance des cellules.

En testant des combinaisons de mutations, nous avons pu comprendre quelles mutations étaient reliées entre elles (lien connu sous le nom d’épistasie). Pour seulement 10 mutations, nous avons dû générer plus de 1 000 combinaisons.

Comment cela affecte la médecine génétique de précision

Les technologies futuristes actuelles se targuent de pouvoir générer des mutations uniques précises au sein de nos génomes, dans l’espoir que cela puisse servir à réparer des variantes génétiques non fonctionnelles. À titre d’exemple, Prime Editing est une technologie efficace d’édition génomique par « recherche et remplacement ».

L’une des principales préoccupations liées à ce type d’approches est qu’elles peuvent introduire des mutations indésirables. Cependant, même si les scientifiques ont su résoudre certains problèmes, le domaine de la génétique humaine a souvent négligé l’importance de l’interconnexion des gènes.

Notre étude démontre que les bioingénieurs doivent réfléchir non seulement à l’effet d’une mutation sur le gène dans lequel elle se trouve, mais aussi à son effet sur toutes les autres variations génétiques. La modification de la fonction de n’importe quel gène peut affecter les réseaux cellulaires interconnectés.

À cela s’ajoute le fait que nous sommes tous porteurs de centaines de variantes génétiques extrêmement rares, ce qui signifie que chaque personne est porteuse d’un réseau unique de gènes interconnectés. Ces réseaux personnalisés font de nous qui nous sommes.

L’interprétation génomique est au cœur des tests génétiques de dépistage des maladies. Si les scientifiques ont progressé dans l’identification des principales variantes génétiques pathogènes (qui peuvent provoquer une maladie), nos résultats montrent qu’avant de classer une variante comme pathogène ou non, nous devons comprendre comment sont réglés les autres boutons génétiques de nos cellules.

This article was originally published in English

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,600 academics and researchers from 4,945 institutions.

Register now