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Graphique représentant un classement
Pour bien comprendre les résultats d'un pays aux enquêtes internationales, il faut les remettre en contexte. Shutterstock

Enquête PISA : derrière la baisse de niveau, une hausse des inégalités scolaires ?

PISA (Programme for International Student Assessment) est une enquête internationale sur les compétences des élèves de 15 ans environ, réalisée tous les 3 ans par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). De manière exceptionnelle, la dernière vague du test PISA a été effectuée avec une année de décalage (2022 au lieu de 2021), du fait de la crise sanitaire de 2020.

Parus le 5 décembre 2023, les résultats de cette enquête ont fait grand bruit et suscité de multiples articles sur la baisse de niveau des élèves français. Faut-il imputer ce déclin à une conjoncture propre à l’Hexagone ? Ou ce fléchissement des compétences concerne-t-il l’ensemble des pays ?

Pour bien situer et comprendre ces résultats, se focaliser uniquement sur les classements publiés pour 2022 s’avère réducteur. Nous en proposons une grille de lecture autour d’un groupe de pays formant un ensemble homogène et similaire à la France, réunissant 18 pays européens, dont l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Danemark ou la Suède, et trois pays asiatiques, dont le Japon (la liste complète des pays pris en compte figure en note dans le Tableau 1), afin de voir dans quelle mesure la France aurait une performance déviante.

Une baisse généralisée des performances scolaires dans les pays européens

De prime abord, il apparaît avec évidence que la performance française chute dans les différents domaines de compétences évalués par PISA. Sur les vingt dernières années, la baisse représente environ 37 points en mathématiques et 22 points en lecture. Bien que ces diminutions soient conséquentes, il nous semble important de les placer en comparaison avec d’autres pays européens.

Nous constatons ainsi que les écarts de performance entre la France et les principaux pays européens n’ont été significatifs qu’en 2003, et ceci surtout pour les mathématiques. Même si, dans cette dernière édition, la France a des scores moins élevés que les autres pays européens, les écarts ne peuvent pas être considérés comme significatifs, du fait de la marge d’erreur due à l’estimation des scores moyens.

La première conclusion renvoie ainsi à une baisse quasi généralisée de la performance des élèves dans les pays européens. En somme, la baisse observée en France est avant tout la résultante d’un problème structurel, c’est-à-dire évoluant lentement au fil du temps.

Quant à la récente déclaration du ministre de l’Éducation français pour le renforcement de l’enseignement des mathématiques en utilisant la méthode de Singapour, elle semble résulter de la performance élevée observée pour certains pays asiatiques. En effet, un quasi-doublement de la différence de performance apparaît très nettement entre la France et l’Asie sur les deux dernières décennies.


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En termes très concrets, l’équivalent de deux années d’acquis scolaires séparent ainsi la France et les pays asiatiques de notre échantillon en mathématiques. En parallèle, c’est pratiquement l’équivalent d’une année d’acquis scolaires de différence en lecture.

Nous constatons ainsi une baisse structurelle de la performance dans les principaux pays européens, tandis que les pays asiatiques maintiennent un écart significatif avec la France, voire même le renforcent depuis l’avènement de l’enquête PISA.

En France, près de 3 élèves sur 10 n’atteignent pas le seuil minimum de compétences

Au-delà des scores et d’une analyse de rang, des enquêtes telles que PISA permettent également d’évaluer la part des élèves atteignant un seuil minimum de performance ou encore un stade avancé de performance, ce qui permet de saisir les évolutions à des niveaux différents. Se concentrer sur les seuls scores moyens peut, en effet, cacher des disparités fortes de performance entre élèves d’un même pays.

Qui plus est, il est aisé de définir le seuil minimum de compétences (SMC) comme le niveau 2 de PISA par exemple, où les élèves peuvent réaliser, pour de jeunes adultes, des tâches assez simples dans chacun des domaines de compétences évalués (ce seuil avoisine un score de 400 points). À l’inverse, le seuil avancé de compétences (SAC) renvoie davantage à des aptitudes élevées telles que l’inférence et l’analyse multidimensionnelle (le score minimum à atteindre est autour de 600 points). Alors que le SMC peut être considéré comme un indicateur que nous qualifions ici « d’équité », le SAC renverrait donc davantage à un indicateur de formation que nous appelons ici « d’excellence ».


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Logiquement, la proportion d’élèves atteignant le seuil minimum dépasse bien évidemment celle du seuil avancé : alors qu’environ 73 % des élèves français atteignent le SMC en français, ils ne sont que 7 % à atteindre le seuil avancé. En d’autres termes, moins d’un élève sur 14 parvient à atteindre le seuil avancé, soit en moyenne 2 élèves par classe. De manière très concrète, là encore, cela signifie qu’environ 3 élèves sur 10 ne parviennent pas à atteindre le seuil minimum de compétences.

Sur ce point, il est intéressant d’observer les tendances dans d’autres pays. Alors que la Finlande faisait figure de modèle dans le test PISA au début du XXIe siècle, nous observons une dégradation forte de la performance de ce pays. En 2003, presque la totalité de sa population jeune de 15 ans atteignait le seuil minimum de compétence dans les trois domaines. Deux décennies plus tard, les chiffres diminuent significativement : seuls 75 % des élèves atteignent le seuil minimum en mathématiques en 2022, soit une baisse d’environ 20 %.

À titre de comparaison, la Pologne réussit davantage à faire atteindre le seuil minimum à ses élèves : en mathématiques, près de 77 % des élèves y parviennent contre seulement 71 % pour la France.

Pour illustrer ce propos, nous présentons la trajectoire française, comparée à celle de ses voisins, dans le Tableau 2. Nous notons certes une baisse simultanée de la proportion des jeunes atteignant les deux seuils pour la France, mais elle est similaire pour les autres pays européens.

Quant à la comparaison avec les pays asiatiques, elle nous offre deux observations de taille :

  • la part des élèves atteignant le seuil avancé de compétences est significativement plus importante dans ces pays, quelle que soit l’année. Ainsi, près d’un élève sur quatre atteint le niveau d’excellence en mathématiques, pour un élève sur dix en lecture ;

  • par ailleurs, même si une baisse des proportions aux deux seuils est observée dans ces pays, elle est faible et l’Asie continue à être une zone où les systèmes éducatifs parviennent à faire atteindre à leurs élèves des niveaux d’excellence.

Des politiques éducatives à interroger

Cette analyse des seuils de compétences s’avère particulièrement utile pour questionner l’efficacité d’un système éducatif en termes d’équité et d’excellence. En toute logique, un pays avec un système éducatif efficace devrait être capable de faire atteindre la majorité de sa population au seuil minimum de compétence (au maximum 100 %), sans compromettre les chances de succès des plus performants : nous pouvons supposer, par hypothèse, qu’un système performant est celui où la moitié de la population au moins atteint le niveau avancé.

Il est alors possible de calculer un indice d’efficacité des systèmes éducatifs qui combine ces deux seuils. Forts de cela et pour le cas de la France, nous constatons une double évolution inquiétante : moins d’élèves parviennent à atteindre le seuil minimum de compétences, mais sans observer parallèlement une hausse de ceux qui accèdent à celui de l’excellence. À sa manière, l’observation de cette réalité nous conduit à questionner le maintien des inégalités.

La situation semble d’ailleurs assez critique en mathématiques où la part des élèves atteignant le seuil avancé a été divisée par deux et passe de 15,1 % à 7,4 % des élèves en deux décennies. Cette baisse drastique se retrouve aussi dans d’autres pays, notamment en Finlande, citée précédemment, où elle atteint 15 %. L’efficacité du système éducatif français est ainsi mise à mal, car la France ne parvient ni à diminuer les inégalités ni à élever une partie de sa population au niveau de l’excellence. Son niveau d’efficacité baisse de près de 13,8 % en mathématiques contre 5 % en lecture.

Un résultat plus général et particulièrement évocateur émerge du Tableau 3 : la baisse de l’efficacité est généralisée à toute l’Europe, mais aussi aux pays asiatiques.

Dans cette perspective, quelles conclusions pouvons-nous tirer des résultats de PISA 2022, mais aussi des enquêtes précédentes ? Le premier résultat renvoie, à nos yeux, à l’absence de « choc PISA » dans l’Hexagone durant la décennie passée. La baisse observée récemment découle pourtant de problèmes structurels, qui plus est, elle concerne finalement la plupart des pays européens. Elle ne peut donc pas être traitée de manière hâtive par telle ou telle politique de rapiéçage. Elle demande des changements de politique éducative majeurs, de long terme, qui se comptent en années, voire en décennies.

Quant à la surperformance de certains pays asiatiques, elle devrait alarmer les décideurs politiques français et européens, dans un contexte de baisse de la productivité française notamment. Il conviendrait dès lors et plus que jamais sans doute de poursuivre sans relâche les efforts d’anticipation et de dialogue en vue de mieux appréhender l’importance vitale que représente la qualité de l’éducation, sans négliger les dimensions historiques et comparatives inhérentes à tout système éducatif.

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