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Farm equipment seen driving through a field of crops.
Une famille récolte son blé près de Cremona, en Alberta. L'utilisation de pesticides est courante dans l'agriculture canadienne. LA PRESSE CANADIENNE/Jeff McIntosh

En quête de transparence : la réglementation canadienne sur les pesticides a besoin d’une refonte. Voici pourquoi

En 2021, Santé Canada a annoncé le gel de la modification des limites maximales de résidus (LMR) – soit le maximum autorisé de résidus de pesticides en vertu de la loi canadienne. Cette décision fait suite à un tollé général important découlant de l’augmentation proposée de la LMR pour le glyphosate, l’herbicide le plus largement utilisé au Canada.

Cette année, trois ministères (dont Santé Canada) ont accepté de lever le gel de la modification des LMR pour procéder aux ajustements des limites de résidus moins complexes. Par le fait même, ils ont lancé un programme de transformation au sein de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA).

Cette décision visait à accroître la transparence, à moderniser leurs pratiques commerciales, à améliorer l’accès aux informations liées à la prise de décision en matière de pesticides et à accroître l’utilisation de données du monde réel et de conseils indépendants.

Cependant, la confiance envers l’ARLA demeure un enjeu ; seulement 60 % des Canadiens croient que le système de réglementation suit le rythme des progrès scientifiques en matière d’évaluation des pesticides. Une pression supplémentaire qui érode la confiance des Canadiens envers la science.

Défis et controverses

Malgré les inquiétudes persistantes concernant les risques pour la santé humaine et environnementale, l’utilisation mondiale de pesticides a augmenté au cours des 30 dernières années.

Au Canada, le recours accru aux pesticides est largement lié à l’intensification de l’agriculture dans les principales régions agricoles des Prairies canadiennes, du sud de l’Ontario et du Québec.

Faire progresser la réglementation des pesticides pour répondre aux besoins du secteur agricole canadien, tout en protégeant la santé humaine et environnementale, constitue un défi croissant.

Il existe plus de 600 ingrédients actifs dans plus de 7 600 produits pesticides homologués – un nombre impressionnant, qui continue d’augmenter.

De 2011 à 2021, l’ARLA a homologué entre 7 et 27 nouveaux ingrédients actifs annuellement. Entre-temps, il n’a interdit que 32 des 531 ingrédients actifs de pesticides qui sont proscrits et réglementés dans 168 autres pays.

Cet afflux de substances exerce une pression supplémentaire sur l’agence, qui doit examiner les volumes de données scientifiques produites à la fois par le titulaire d’homologation (le fabricant du pesticide) et par des scientifiques indépendants. Et ce, tout en évaluant en permanence la liste croissante de produits existants quant à leur sécurité pour les humains et leurs risques pour la santé environnementale.

Certaines décisions d’homologation de pesticides, y compris les homologations conditionnelles, ont été très controversées, soulignant le manque de transparence ou la perception de parti pris de l’industrie.

Une exploration des liens entre l’utilisation des pesticides et les maladies humaines, produite par les documentaires de la Deutsche Welle.

Dans le cas du glyphosate, les ventes au Canada ont dépassé près de 470 millions de kilogrammes entre 2007 et 2018. Les inquiétudes du public concernant les risques pour la santé humaine et les utilisations réglementées ont même donné lieu à des contestations juridiques.

De surcroît, la décision proposée en 2018 d’éliminer progressivement trois insecticides néonicotinoïdes neuroactifs les plus largement utilisés, les plus persistants et les plus toxiques dans l’environnement, a été annulée en 2021. Les citoyens et les scientifiques ont dû chercher des réponses pour savoir si l’influence de l’industrie avait provoqué cette volte-face.

De nouveaux rôles

L’année dernière, dans le cadre de son programme de transformation, Santé Canada avait pour objectif de renforcer ses processus d’examen des pesticides en établissant un comité consultatif scientifique indépendant.

Composé actuellement de huit experts universitaires, dont les antécédents ont été examinés pour identifier les conflits d’intérêts, le comité a été chargé de fournir des conseils objectifs et fondés sur la science pour éclairer les décisions réglementaires sur les produits antiparasitaires. Nous sommes quatre d’entre eux.

Depuis sa création en juillet 2022, le comité s’est réuni cinq fois avec l’ARLA de Santé Canada dans le cadre d’un forum public.

Le comité a été chargé de fournir des commentaires sur diverses questions telles que la communication des LMR, l’utilisation de sources de données indépendantes, la création de bases de données en libre accès sur la toxicité et l’accès aux données des titulaires d’homologation utilisées dans la prise de décision.

En découle un premier signe positif : l’ARLA a répondu aux conseils et aux recommandations du comité, ce qui devrait renforcer la confiance du public et garantir que la prise de décisions fondées sur des données scientifiques est au cœur de ses processus.

Informer les nouvelles politiques

Le Canada aurait dû établir depuis longtemps un programme coordonné de surveillance de l’eau pour mesurer systématiquement les niveaux de pesticides à l’échelle nationale.

Le comité fournit des conseils scientifiques externes sur la nouvelle initiative pilote du cadre de surveillance des eaux.

Les experts du comité donnent leur avis sur les orientations concernant la sélection des sites, la fréquence de surveillance des différents types d’eaux de surface et les mesures analytiques des composés utilisés actuellement et de leurs produits de dégradation.

L’objectif est de garantir que ces données indispensables sur la qualité de l’eau soient rigoureuses et utilisables pour les futures évaluations des risques et la recherche scientifique indépendante.

Depuis peu, l’ARLA a la responsabilité supplémentaire d’améliorer les objectifs plus larges du Canada en matière de biodiversité et de protection de l’environnement en alignant ses travaux réglementaires sur le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal de 2022 – qui vise à réduire les risques liés aux pesticides d’au moins 50 % d’ici 2030. Et ce, parallèlement à la promulgation du Projet de loi S-5, mettant à jour la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999 afin de tenir compte de l’exposition cumulative aux pesticides dans les évaluations des risques. Le comité élabore actuellement des recommandations pour éclairer les approches permettant de répondre au mieux à ces initiatives politiques importantes.

Vers une gestion des pesticides plus transparente

La progression vers une réglementation des pesticides plus transparente et plus solide sur le plan scientifique au Canada est attendue depuis longtemps. Et est essentielle.

Il est urgent de mettre davantage l’accent sur la transparence et la communication des données scientifiques qui sous-tendent le processus décisionnel en matière de réglementation des pesticides. Le manque d’accès aux données et aux informations utilisées dans l’évaluation des risques mine la confiance du public.

Dans la même optique, la dépendance excessive à l’égard des études confidentielles fournies par l’industrie, une application limitée des données provenant de scientifiques indépendants, un manque de données accessibles au public sur les ventes, l’utilisation et la surveillance environnementale des pesticides à base d’ingrédients actifs, exacerbent le scepticisme.

À mesure que l’ARLA évolue vers une plus grande transparence et réaffirme son processus décisionnel fondé sur des données probantes en matière de réglementation des pesticides, l’avis des chercheurs scientifiques indépendants qui font partie du comité jouera un rôle essentiel.

This article was originally published in English

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