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Grande distribution : les consommateurs sont-ils sensibles à la publicité comparative ?

Pour les produits d’entrée de gamme, les communications mettant en avant des prix moins chers que chez les concurrents risquent de dégrader l’image qualité. Milles Studio / Shutterstock

Si la publicité comparative est très répandue aux États-Unis et dans de nombreux pays européens, elle est restée longtemps peu utilisée en France en raison d’un cadre juridique national flou, puis extrêmement strict à partir de l’entrée en vigueur d’une loi en 1992. Ce n’est qu’à partir de 2001, sous l’influence d’une directive de l’Union européenne de 1997, que la France a assoupli les règles du Code de la Consommation qui la régit.

Les enseignes de grandes et moyennes surfaces (GMS) se sont dès lors emparées de cet outil pour asseoir ou renforcer leur image prix. Dans les grands médias (télévision, radio, presse, affichage, Internet) ou en magasins (affiches en rayons, chariots témoins, étiquettes électroniques), toutes se prétendaient ainsi, preuves à l’appui, être la moins chère !

À date, la publicité comparative est définie par la loi française comme toute publicité qui compare des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent, ou des biens ou services offerts par un concurrent. Elle doit toutefois respecter certaines règles : ne pas être trompeuse ou induire en erreur ; porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ; comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix.

On distingue en outre deux types de publicité comparative, indirecte ou directe.

Dans une publicité comparative indirecte, la marque promue est comparée aux concurrents, sans les citer ou montrer spécifiquement. C’est le cas de la célèbre campagne « On est mal patron » de l’enseigne Lidl, dans laquelle des commerciaux d’une enseigne concurrente, jamais mentionnée, comparent les prix de ses produits à ceux de l’enseigne Lidl, implicitement moins chers.

Publicité comparative « indirecte » de Lidl (2020).

Dans une publicité comparative directe, la marque promue est comparée à une marque concurrente explicitement citée et/ou montrée. Telle est la démarche actuelle adoptée par l’enseigne Leclerc qui compare dans trois spots TV les prix de produits similaires de grande marque nationale, de sa marque de distributeur (Repère) et de sa marque Premier Prix (Eco+) à ceux équivalents, d’enseignes concurrentes, explicitement citées, même si leurs prix ne le sont pas.

Trois produits ont été retenus pour permettre à Leclerc d’affirmer ainsi l’image prix de son enseigne et l’avantage prix de ses marques propres vs celles de ses concurrents directs : les yaourts nature, la bouteille de thé glacé et la boite de saucisses-lentilles !

Publicité comparative « directe » de Leclerc (2021).

Effets variables

Mais quels sont les effets de ces publicités comparatives des enseignes de GMS sur les perceptions et comportements des consommateurs en magasins ? Leurs impacts positifs pour les marques promues, l’enseigne et les points de vente sont-ils avérés ?

Une recherche expérimentale que nous avons menée sur les effets de la publicité comparative directe semble confirmer leur intérêt réel pour les marques de distributeurs (MDD) des enseignes de GMS, mais variable selon leur type : classiques, premium ou premier prix.

Pour les MDD classiques (80,3 % du chiffre d’affaires 2020 des MDD, +7,3 % par rapport à 2019), ces publicités ont en effet des conséquences positives sur la confiance des consommateurs dans l’enseigne ainsi que sur leur fidélité à ses magasins. Elles renforcent également la qualité perçue par les consommateurs des produits de ces MDD et leur attitude ou opinion à leurs égards. Enfin, elles augmentent aussi leurs achats de produits de ces MDD.

La publicité comparative directe représenterait donc pour les MDD classiques un moyen efficace de redonner de l’attractivité-prix à cette offre propre des enseignes. Le caractère transcatégoriel de ces MDD, à travers une logique de marques d’enseigne ou drapeau, explique que ces publicités agissent aussi favorablement sur une partie conséquente de l’assortiment cautionnée directement ou indirectement par les enseignes.

De façon induite, elles sont en mesure d’encourager la fidélité au magasin et améliorer la confiance des consommateurs dans l’enseigne. Compte tenu du poids de ces MDD dans le chiffre d’affaires des GMS, la publicité comparative directe constitue bien un choix pertinent à intégrer dans la stratégie de valorisation de ces MDD par les distributeurs.

Pour les MDD positionnées plus premium (produits bio, du terroir, etc.), la publicité comparative directe améliore aussi l’attitude des consommateurs à leur égard et leurs comportements d’achat en leur faveur.

Ces marques de distributeurs plus premium étant souvent perçues par les consommateurs comme chères, la publicité comparative directe pourrait s’avérer être pertinente pour valoriser leur accessibilité prix. Elle encourage également leurs achats, ce qui permettrait d’augmenter les parts de marché de ces MDD qui, malgré leur succès, restent encore modestes (14,2 % du chiffre d’affaires 2020 des MDD, +11 % par rapport à 2019). Si Leclerc ne les mobilise pas (encore) dans ses spots TV, Lidl le fait déjà pour ses produits saveurs de nos régions !

Publicité comparative de Lidl sur les produits régionaux (2020).

Un risque pour les produits Premiers Prix

Pour les produits Premiers Prix (5,5 % du chiffre d’affaires 2020 des MDD, +13,2 % par rapport à 2019), la publicité comparative directe centrée sur les prix semble en revanche moins pertinente, voire contreproductive pour les catégories de produits d’expérience (par exemple, les produits d’hygiène). Elle n’encourage pas à l’achat de ces produits spécifiques et a même un impact négatif sur l’attitude des consommateurs à leur égard.

L’argument prix seul ne suffirait pas en effet à promouvoir ce type d’offre pour lesquelles les éléments tarifaires ne sont pas toujours une priorité. Comparer leurs prix à ceux d’autres enseignes ne serait donc pas d’un grand renfort pour ces produits Premiers Prix qui souffrent depuis longtemps d’une mauvaise image de qualité, même si les enseignes s’efforcent de l’améliorer.

Comparer directement les prix des produits de MDD, classiques ou premium, est donc bien, outre l’objectif d’image prix recherché, une stratégie intéressante pour les marques, enseignes et points de vente impliqués. Il semble toutefois qu’elle le soit moins pour les produits Premiers Prix dont l’image qualité déjà dégradée en souffrirait plus encore.

Et si dans ses campagnes de publicité agressives actuelles, en comparant implicitement aussi les prix des produits Eco+ à ceux des produits premiers prix des enseignes concurrentes, Leclerc renforçait son image prix, mais au détriment de l’image qualité de ses propres produits discount ? Le choix des 3 produits retenus, qui ne sont pas des produits d’expérience, n’est certainement pas neutre, mais reste un point de vigilance pour de futures campagnes de publicité comparatives des différents enseignes.

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