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Innovations managériales : le point de vue des dirigeants

Les cinq rouages de l'innovation. Jurgen Appelo/Flickr, CC BY

Ce texte est une réflexion sur les principales contributions de la table ronde les dirigeants lors du colloque conclusif du séminaire, Innovation managériale, (2014 – 2016), du Collège des Bernardins. Ce séminaire, co dirigé par Charles-Henri Besseyre des Horts, Maurice Thévenet, et Michel de Virville, se proposait de réfléchir aux transformations actuelles du management, en s’intéressant à la place de l’humain, dans la connexité, dans la diversité des hiérarchies et la mondialisation.


À chaque entreprise, sa solution pour réinventer le management comme l’écrit Hervé Dumez mais ce qui est sûr c’est que les facteurs exogènes mis en évidence par Pierre-Yves Gomez sont déterminants pour faire émerger des innovations managériales qui sont, pour ce dernier auteur, des innovations au carré favorisant les capacités d’innovation de l’entreprise.

Les facteurs exogènes déterminants dans l’innovation managériale

Parmi ces facteurs exogènes, le rôle du client, souligné par Hervé Dumez, est central comme l’affirme avec force le Président d’IBM France qui montre la transformation profonde de son entreprise par la mutation d’une culture « produits » à une culture de « l’expérience du client ». Ceci implique de la part du manager d’être curieux, ouvert, flexible et… savoir produire lui-même c’est-à-dire d’être un sachant sans tout savoir.

Autre facteur exogène, la révolution numérique qui impacte, sur le plan managérial, toutes les entreprises comme l’ont souligné les dirigeants ; mais c’est le cas d’Orange qui est particulièrement emblématique. Son Vice-Président Europe évoque le risque « faustien » associé à la révolution numérique car la tentation est grande de vouloir tout numériser, tout mesurer, tout contrôler…

Il y voit même un risque fort de taylorisation d’activités comme celle des centres d’appels qui ont connu des excès sur le plan de la normalisation des discours et des comportements. Mais la révolution numérique a également créé des espaces de liberté comme le montre l’exemple du réseau social d’Orange, Plazza, qui réunit aujourd’hui dans des centaines de communautés plus de 40 000 collaborateurs.

Pour répondre à la pression de ces facteurs exogènes, les entreprises déploient des innovations managériales dont l’une des caractéristiques communes est bien souvent celle de la transparence comme le soulignait Vineet Nayar, auteur d’un best-seller managérial, lors de son intervention dans le séminaire en décembre 2014.

Or, le Président du Directoire des laboratoires Boiron s’insurge contre cette idée de la transparence car selon lui « il y a des choses que je ne peux pas vous dire ». Il démontre que la transparence peut même conduire à détruire la confiance. Ce qui est important pour le manager c’est d’être authentique, de fluidifier et de donner accès à l’information. Il est également très réservé sur l’exemplarité car celle-ci met des contraintes sur le manager sans pour autant créer la confiance. L’essentiel pour le manager est de faire preuve d’humilité en se mettant au service des autres et même en s’autorisant des erreurs pour faire émerger des innovations.

Une autre réponse à ces contraintes exogènes sur le plan de l’innovation managériale est celle de la réorganisation du collectif de travail avec la question centrale du rôle de l’équipe comme le souligne Hervé Dumez.

Sur ce thème, la Co-présidente de Sodebo démontre avec conviction pourquoi son entreprise de 2 000 salariés, basée à Montaigu, en Vendée a volontairement limité la taille des usines à 200 personnes et la taille des équipes à une douzaine de membres. Ce qui est crucial pour elle, c’est la capacité du leader, très éloigné du modèle du petit chef, à donner du sens, voire de la fierté avec, par exemple, des indicateurs de ventes et satisfaction client à des opérateurs produisant plusieurs milliers de salades ou de sandwiches pendant leur poste de travail. En définitive, c’est une attitude de coach que l’entreprise cherche à développer pour tous les leaders de Sodebo quel que soit leur niveau hiérarchique.

L’innovation managériale questionne la posture du dirigeant

Sur cette question clé, le Président de Lippi répond qu’il a dû se transformer lui-même en se démarquant des modèles du management traditionnel appris dans les écoles. L’enjeu pour lui est de construire un système basé sur la confiance à partir de quatre points clés : développer la curiosité des équipes notamment avec l’usage d’Internet, conforter le projet commun en faisant « converger les consciences », renforcer la collaboration en faisant apprendre aux équipes la tempérance et l’écoute des autres, et mettre en œuvre un nouveau leadership basé sur la cooptation des leaders choisis par les équipes.

Le message principal de ces dirigeants réside dans le fait que l’innovation managériale devient aujourd’hui une nécessité quasi absolue pour l’entreprise comme le souligne avec brio Pierre-Yves Gomez mais qu’elle est toujours contingente de la situation. Ce constat reprend les idées d’une école de pensée managériale, déjà ancienne car elle date des années 60 et 70.

Les théoriciens de la contingence, en effet comme Burns & Stalker, montrent l’impératif pour l’entreprise de s’organiser en fonction de son environnement : le modèle d’organisation mécaniste (rigide) correspond à un environnement stable alors que le modèle d’organisation organique (flexible) correspond bien évidemment un environnement turbulent.

Il ne faut cependant pas oublier que les nouveaux modèles de management ne peuvent pas fonctionner sans la forte implication des collaborateurs et leur engagement autour d’un projet commun. Ce qui peut apparaître comme une évidence aujourd’hui souligne l’urgence pour le management de se réinventer, ce qui ne sera pas sans conséquence sur les modes de production des élites managériales.

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