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Le plaisir de travailler pour une grande marque, une question de place dans l’organigramme

Un avion de la compagnie américaine Southwest Airlines
En 2017, la compagnie américaine Southwest Airlines, qui a mis en place des politiques visant à renforcer l’image de marque en interne, enregistrait le taux moyen de rotation du personnel le plus bas du secteur aérien. Tomás Del Coro/Wikimedia commons, CC BY-SA

La recherche désigne par le terme de « capital marque » ce qui influence un consommateur à choisir un produit plutôt qu’un autre, à payer davantage, à lui rester fidèle, ou à vouloir l’essayer. Autrement dit, tout ce qui permet à une entreprise de récolter plus d’avantages qu’elle ne le ferait sans le nom de la marque. Grâce à ces mécanismes, le capital marque augmente le volume et les prix de vente. Les entreprises deviennent par ailleurs plus attractives aux yeux des candidats à l’emploi et la fidélisation des collaborateurs s’améliore.

C’est pourquoi les entreprises suivent de près l’évolution de la perception de leur marque aussi bien auprès du consommateur qu’en interne, au sein de leurs équipes. Par exemple, la société de luxe française LVMH a récemment intensifié ses efforts sur les questions sociales et environnementales et a découvert que « le pourcentage de fierté d’appartenir au groupe LVMH a augmenté » suite à ces efforts.

S’il existe encore peu de recherches sur ce sujet, certains cas d’entreprises semblent suggérer que le capital marque a un impact positif sur la satisfaction des employés. Par exemple, Southwest Airlines est bien connue pour avoir utilisé la marque d’employeur afin de fidéliser les employés et d’augmenter leur niveau de motivation. En 2017, la compagnie aérienne américaine a enregistré un taux moyen de rotation du personnel de 2,5 %, soit le taux le plus bas du secteur aérien.

Faut-il en conclure que les employés sont généralement plus satisfaits lorsqu’ils travaillent pour des entreprises dont la marque est forte ? Dans une récente recherche, nous avons montré que ce niveau de satisfaction dépend en réalité du niveau de hiérarchie dans l’organigramme de l’entreprise : pour les salariés de haut rang, l’effet est quasi neutre alors qu’il est généralement positif pour les salariés de bas échelon, mais négatif pour les salariés de niveau intermédiaire.

Gardiens de la marque

Nos données sur l’expérience collaborateur envers une marque, issues d’un vaste échantillon intersectoriel, viennent appuyer l’hypothèse selon laquelle une marque forte ne facilite pas la tâche des salariés de niveau intermédiaire. En effet, ces derniers participent directement au renforcement et au maintien du capital marque. Ils planifient les actions de marketing externe et interne, rédigent les scripts des centres d’appels, évaluent les performances et, plus généralement, « incarnent la marque ». Or plus la marque est prestigieuse, plus les exigences envers le personnel de rang intermédiaire sont nombreuses.

Vitrine Louis Vuitton, marque du groupe LVMH
Le géant du luxe LVMH s’est réjoui de voir « le pourcentage de fierté d’appartenir au groupe » augmenter après une intensification des efforts sur les questions sociales et environnementales. Julien Chatelain/Flickr, CC BY-SA

Si les salariés de niveau intermédiaire sont décrits comme des gardiens de la marque, leurs supérieurs hiérarchiques s’en soucient moins. En effet, les salariés de haut rang tirent profit d’une marque forte en termes d’avantages matériels et de réputation professionnelle, mais sont moins impliqués dans les activités qui contribuent à préserver le capital marque.

Il en va de même pour les salariés qui se situent dans les plus bas échelons de la hiérarchie : ces derniers occupent une fonction opérationnelle et non stratégique (à quelques exceptions près dans certains services ou dans les métiers d’assistance à la clientèle).

Bienfaits émotionnels

Cependant, le comportement d’un responsable influence, positivement ou négativement, celui de son équipe. Ainsi, les salariés de niveau intermédiaire exercent une forte influence sur les salariés qu’ils supervisent. De même, on observe que les salariés de niveau intermédiaire ne seront pas sans réagir s’ils remarquent une différence de traitement entre eux et leurs propres supérieurs.

Ces derniers doivent donc être considérés de la même manière que leurs supérieurs, à la fois en termes d’avantages socio-émotionnels (par exemple, mots de remerciements, ou événements d’équipe) qu’utilitaires (par exemple, l’intéressement au capital). Ils pourront alors à leur tour jouer un rôle clé en inspirant et en motivant le reste du personnel. Dans le cas contraire, ils risquent de faire « payer » aux salariés de moindre échelon ce traitement qui leur est défavorable.

En effet, comme le montre la théorie de l’échange social, mieux une personne (ou une entité sociale comme une marque) vous traite, mieux vous la traiterez en retour, et pas seulement au niveau transactionnel, mais aussi en termes de bienfaits émotionnels (loyauté, respect…).

Le secteur tertiaire constitue un exemple particulièrement éloquent de détérioration du comportement des salariés de rang inférieur et intermédiaire à mesure que le capital marque s’accroît. Dans ce secteur, si le comportement des salariés de rang intermédiaire et élevé n’est pas le bon, il y a de fortes chances que celui des salariés de rang inférieur et intermédiaire aille à l’encontre de la marque.

Cela s’explique en partie parce qu’au sein des grandes marques de service, les collaborateurs de première ligne doivent impérativement représenter la marque auprès des clients, donc leur enthousiasme et la qualité de service dépendent encore plus du comportement de leurs responsables.

Nos recherches soulignent donc qu’une marque forte va de pair avec plus de responsabilités stratégiques. Lorsqu’une marque commence à se faire connaître, l’entreprise doit ainsi veiller à utiliser les bonnes méthodes de marketing interne pour préserver au mieux son organisation.

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