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Pour comprendre les décisions qui émergeront de la COP28, il faut d'abord s'accorder sur le choix des mots et leur signification. Karim Sahib / AFP

Les mots de la COP : dictionnaire portatif des négociations climatiques à Dubaï

La ville de Dubaï est l’une des principales places financières contemporaines ainsi qu’un lieu emblématique de la production d’énergies fossiles. Elle accueille, du 30 novembre au 12 décembre 2023, la COP28. Ce rendez-vous, qui réunit représentants des États, lobbyistes et autres acteurs de la société civile, est consacré à la discussion de la menace climatique à laquelle est exposée l’humanité.

Les termes employés au cours de ce sommet et les énoncés qui figureront dans la résolution finale – âprement discutée par les diplomates chaque année – ne manqueront pas d’être parfois techniques. Et en réalité, les bras de fer se jouent sur des subtilités de langage moins anodines qu’elles n’y paraissent, qui échappent souvent au grand public.

Ce très bref dictionnaire vise à apporter un éclairage sur le sens des « mots de la COP » et sur la réalité qui se cache derrière ces derniers.


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Accord de Paris

Accord international adopté lors de la COP21 en 2015, visant à limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C (et si possible 1,5 °C) par rapport aux niveaux préindustriels.

Cet accord impose aux pays signataires de formuler à intervalles réguliers des prévisions concernant leurs trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre (voir NDC, ci-dessous).

Il ne les engage en revanche nullement à faire converger ces trajectoires vers des niveaux compatibles avec l’objectif des 2 °C – jugé désormais inatteignable par une majorité d’experts interrogés à ce sujet en 2021.


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Adaptation

Ensemble des actions mises en œuvre pour faire face aux conséquences inévitables du changement climatique. L’ONU a estimé dans son dernier rapport consacré à ce sujet que le financement de l’adaptation au changement climatique est actuellement 10 à 18 fois inférieur à ce qu’il devrait être pour que cette dernière soit efficace.

Les financements actuels sont par ailleurs souvent orientés vers des projets de « maladaptation », dont les mégabassines sont un exemple emblématique. Ces dernières permettent aux agriculteurs de faire face aux sécheresses à court terme, mais contribuent à l’épuisement rapide des nappes phréatiques.


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AOSIS (Alliance of Small Island States)

Regroupement des petits États insulaires menacés par la montée du niveau de la mer. Il est peu probable que ces États soient entièrement engloutis par la montée des eaux dès le XXIe siècle. Bon nombre d’entre eux pourraient néanmoins devenir inhabitables en raison de l’incursion progressive de l’eau de mer dans les aquifères, dont l’intégrité est indispensable à la survie des espèces et de la population locale.


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Atténuation

Actions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour ralentir le changement climatique. Malgré les nombreux engagements pris en ce sens depuis les années 1990, les efforts actuels n’ont pas permis d’endiguer la hausse des émissions. Plus de la moitié des gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère par les êtres humains ont ainsi été émis entre 1990 et 2020.


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Biocarburants

Carburants de substitution produits à partir de sources biologiques (matière première d’origine végétale, animale ou encore issue de déchets). Les biocarburants représentent aujourd’hui environ 5 % des carburants employés dans les transports.

Leur production requiert cependant la mobilisation d’espaces agricoles extrêmement étendus, ce qui conduit parfois les producteurs à contribuer à la déforestation et limite drastiquement la croissance de leur usage.


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Bouquet énergétique (ou mix énergétique)

Composition des différentes sources d’énergie utilisées dans un pays ou une zone géographique définie. Les énergies fossiles représentaient dans les années 1990 environ 80 % du bouquet énergétique mondial – un chiffre resté stable au cours des 30 dernières années.

Le bouquet énergétique ne doit pas être confondu avec le bouquet électrique, qui concerne uniquement les sources d’énergie destinées à la production d’électricité. En France, l’énergie nucléaire représente ainsi environ 70 % du bouquet électrique, mais moins de 40 % du bouquet énergétique, encore largement dominé par les énergies fossiles.


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COP (Conférence des Parties)

Réunion annuelle des pays signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (voir UNFCCC, ou CCNUCC) consacrée aux discussions climatiques internationales. Les COP accueillent ainsi les chefs d’État et leurs représentants, un certain nombre d’associations ainsi que divers lobbys – notamment issus du secteur des énergies fossiles.

Entre la COP1 organisée à Berlin en 1995 et la COP 28, actuellement organisée à Dubaï et présidée par Sultan Al-Jaber, PDG de la principale entreprise pétrolière émiratie, les émissions annuelles de CO2 ont augmenté de plus de 50 % au niveau mondial.


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Compensation carbone

Mécanisme visant à compenser les émissions de gaz à effet de serre par le financement de projets censés permettre la réduction de la quantité de CO2 présente dans l’atmosphère.

Les entreprises les plus émettrices peuvent ainsi se procurer auprès d’organismes agréés des « crédits carbone », investis par exemple dans des initiatives de reforestation. Mais plus de 90 % des certificats délivrés n’auraient aucune valeur et n’ont donné lieu à aucune initiative permettant d’assurer une réelle diminution du CO2 présent dans l’atmosphère.


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Développement durable

Concept développé dans les années 1970 renvoyant à un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». De nombreuses entreprises se réclament aujourd’hui d’une démarche de développement durable, par exemple Total ou Lafarge en France.


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Extinction de masse

Événement bref – à l’échelle des temps géologique tout du moins – au cours duquel une grande partie des espèces vivant sur Terre disparaissent. La planète a déjà connu cinq grandes extinctions de masse.

Une sixième extinction de masse est actuellement en cours selon les scientifiques, notamment sous l’effet du réchauffement climatique – mais aussi de la déforestation et de la pollution. Cette extinction étant d’origine anthropique, elle est parfois décrite comme la première extermination de masse du vivant.


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GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)

Organisation scientifique chargée de produire à intervalles réguliers un état des lieux concernant les connaissances sur le changement climatique. Le GIEC a joué un rôle décisif dans la diffusion des informations relatives au climat au cours des trois dernières décennies.

Ses résumés pour les décideurs, principale source d’information pour les dirigeants tout comme pour la société civile, sont cependant relus et amendés par les représentants des États, qui exercent donc une influence importante sur le choix des formulations retenues et des données présentées.


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Finance verte

Financements destinés à soutenir des projets contribuant à la lutte contre le changement climatique. De nombreuses structures se sont ainsi engagées dans le « désinvestissement », mouvement qui consiste à se retirer de tout investissement dans les énergies fossiles.

Ces dernières ont pourtant été financées à hauteur de 673 milliards de dollars par les banques en 2022.


Read more: Énergies fossiles : le désinvestissement n’affecte pas (encore) négativement la rentabilité boursière


Fonds vert pour le climat

Mécanisme financier rattaché à l’ONU et destiné à aider les pays les moins riches à faire face aux conséquences du changement climatique. La décision de créer ce Fonds date de la COP15, qui a eu lieu en 2009 à Copenhague. Ce Fonds devait atteindre 100 milliards de dollars en 2020 – un objectif qui n’a pas été atteint.

L’essentiel des sommes accordées a par ailleurs pris la forme de prêts et non de dons réels et contribue donc à accroître l’endettement des pays les moins fortunés.


Read more: Fonds vert pour le climat, des projets malgré tout


Géo-ingénierie

Ensemble de techniques visant à modifier délibérément le climat de la Terre pour contrer les effets du changement climatique. Les projets de géo-ingénierie incluent par exemple la fertilisation des océans par injection de sulfates de fer (qui pourrait conduire à la disparition de l’essentiel de la vie marine), l’injection d’aérosols sulfatés dans l’atmosphère (qui pourrait entraîner un hiver volcanique à l’échelle mondiale), ou encore l’installation d’un parasol géant dans l’espace.


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NDC ou CDN (Contributions déterminées au niveau national)

Engagements individuels pris par chaque pays signataire de l’accord de Paris pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Une partie de ces contributions sont conditionnelles : elles ne seront mises en œuvre qu’à condition que soit accordé un soutien financier international – qui fait pour l’instant largement défaut.

La mise en œuvre des seules NDC inconditionnelle – c’est-à-dire financées directement par les États eux-mêmes – devrait conduire à un réchauffement de 2,9 °C. Il existe cependant un écart important entre les engagements formulés par les États et les politiques publiques qu’ils implémentent effectivement : le niveau de réchauffement dépassera donc largement les 3 °C au cours du XXIe siècle en l’absence de changement de cap.

Pertes et dommages

Destructions engendrées par le dérèglement du climat. Un fonds de compensation des pertes et dommages à destination des pays vulnérables a été adopté dans les premiers jours de la COP28 – ce qui représente un immense progrès.

L’OMS prévoit cependant qu’au moins 250 000 personnes périront chaque année entre 2030 et 2050 en raison du dérèglement climatique, dont elle n’a pris en compte que les effets les plus directs.

Ces vies étant sacrifiées en toute connaissance de cause par les États les plus émetteurs, certains vont jusqu’à penser que l’inaction climatique à l’origine de ces « pertes et dommages » devrait en fait être considérée comme un crime climatique – voire comme une forme d’atrocité de masse, étant donné l’ampleur des destructions auxquelles elle ne peut manquer de conduire.


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« Phase out », « phase down », « unabated »

Processus visant à éliminer progressivement l’usage de combustibles fossiles – tout l’enjeu étant de s’accorder sur ce que peut ici signifier le terme « progressivement ».

Plutôt qu’une élimination progressive (« phase out ») du charbon, la COP26 avait retenu, à la suite d’une intervention conjointe de la Chine, de l’Inde et de l’Arabie saoudite, la formule plus prudente de « phase down ». Cette expression renvoie à la simple réduction – progressive, cela va sans dire – de la consommation d’énergies fossiles.

Les États pourraient cependant s’entendre prochainement sur le phasing out of unabated fossil fuel, le terme « unabated » renvoyant aux seules énergies fossiles dont la production n’inclut aucun procédé de capture ou de destruction du carbone. Le choix d’une telle formulation permettrait donc aux producteurs de poursuivre leurs activités extractives tout en s’engageant à recourir à des technologies dont le déploiement à grande échelle est pourtant des plus incertains.

Protocole de Kyoto

Accord international signé en 1997 pour assurer la réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés. Le protocole prévoyait une baisse des émissions de ces pays de l’ordre de 5 % en une quinzaine d’années – là où le GIEC avait recommandé dès son premier rapport une diminution d’au moins 60 %.

Le Canada et les États-Unis ont cependant jugé le protocole de Kyoto trop ambitieux, et s’en sont donc finalement retirés.

Puits de carbone

Écosystèmes naturels (océans et forêts par exemple) ou technologies capables d’absorber le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère. Les capacités d’absorption des puits naturels sont limitées. Certains d’entre eux pourraient même devenir, une fois dépassés les niveaux de saturation, des sources d’émissions additionnelles.

Les incendies canadiens de 2023 ont ainsi conduit à l’émission d’un milliard de tonnes de CO2 dans l’atmosphère – soit autant que les émissions annuelles du Japon, cinquième plus grand émetteur mondial. Quant aux puits artificiels, ils n’existent pour l’instant qu’au stade expérimental, et ne devraient donc pouvoir être déployés à large échelle au cours des décennies à venir.

Résilience

Capacité d’un système à absorber un choc puis à trouver un nouvel état d’équilibre. De nombreux pays ambitionnent d’atteindre une forme de « résilience climatique » qui leur permettrait de faire face aux destructions engendrées par la multiplication des catastrophes climatiques.

Ce discours est parfois dénoncé comme cynique par certaines victimes des destructions climatiques. Une survivante de l’ouragan Katrina avait ainsi déclaré plusieurs années après le sinistre : « Cessez de dire que je suis résiliente – car à chaque fois que vous affirmez « Oh, ils sont résilients », vous vous donnez la possibilité de continuer à me faire subir quelque chose d’autre ».

UNFCCC ou CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques)

Accord international signé lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, visant à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Après plus de 30 années de hausse constante des émissions de gaz à effet de serre, une écrasante majorité des pays producteurs d’énergies fossiles prévoit de continuer à augmenter sa production au moins jusqu’en 2030.


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Zéro émissions nettes

Objectif visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre à un niveau suffisamment bas pour qu’elles soient entièrement compensées par les mécanismes naturels ou technologiques d’absorption de carbone. La plupart des scénarios censés permettre la limitation du réchauffement à 2 °C reposent sur cette idée et supposent ainsi sur le déploiement massif et rapide de techniques de capture et de stockage du carbone, bien que leur développement soit hautement incertain (voir Puits de carbone).


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