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Des écolières observent les règles de distance dans la cour de récréation de l'école Goldbeck à Hambourg, en Allemagne, le lundi 4 mai 2020. Christian Charisius/dpa via AP

Réouverture des écoles primaires : mode d’emploi

Inquiétudes, scepticisme, voire colère : la réouverture des écoles primaires au Québec dès lundi prochain en région et le 19 mai à Montréal, ne fait pas l’unanimité dans la population. On estime tout de même que les trois-quarts des élèves pourraient retourner en classe.

Le gouvernement du Québec a communiqué le 27 avril dernier les directives et mesures de sécurité à mettre en place pour les élèves et les membres du personnel.

Le ministre de l’Éducation du Québec, Jean‑François Roberge, à gauche, s’exprime lors d’une conférence de presse sur la pandémie Covid-19, le lundi 27 avril 2020, sous le regard du ministre de la Famille du Québec, Mathieu Lacombe, à droite. LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot

À la lumière des critiques et questions soulevées depuis l’annonce de la réouverture, nous souhaitons soulever ici diverses réflexions permettant de mieux comprendre les directives proposées.

Les enfants, vecteurs importants ?

D’abord, il est bien établi que les enfants peuvent être infectés par le SRAS-CoV-2. Les données actuelles montrent un taux d’infection dans la population pédiatrique (0 à 10 ans) assez similaire, voire peut-être inférieur à celui de la population adulte. Par contre, une fois infectés, la plupart des enfants ne présentent que des symptômes légers ou modérés et même parfois aucun symptôme. Des hospitalisations pour des effets plus graves ont été observés, mais restent de rares exceptions. De plus, le portrait des facteurs de risque demeure flou et ne suit pas les schémas des populations adultes.

Une fois infectés, on ne sait pas très bien dans quelle mesure les enfants transmettent le virus à d’autres enfants ou à des adultes, même à ceux avec lesquels ils ont des contacts étroits et fréquents. Parmi les études de traçage menées dans plusieurs pays, celles où un enfant apparaît dans une chaîne de transmission sont rares, et ce, même dans la recherche approfondie des contacts qu’ont eus les personnes contaminées.

De nouvelles données, provenant de l’Islande, émergent sur la dynamique de la transmission de l’infection. Elles semblent montrer que les enfants de moins de 10 ans seraient moins susceptibles de recevoir un résultat positif que les autres. Une nouvelle étude australienne suggère que la propagation dans les écoles serait très limitée. Les données venant de la Suède, où les écoles sont restées ouvertes, ou du Danemark, où les écoles sont rouvertes depuis le 15 avril, sont pour leur part très attendues.

En définitive, la conclusion générale qui se dégage des informations actuellement disponibles est que les enfants ne semblent pas être des vecteurs importants de la maladie, comme les épidémiologues le pensaient au départ.

Suivre l’évolution du virus

Les recherches réalisées lors de l’épidémie du SRAS, en 2003, ont mis en lumière la pertinence de mettre en place des mesures adaptées aux niveaux scolaires et à l’âge des enfants. Cela permet notamment de lutter plus efficacement contre les foyers d’infection. Il nous apparaît donc juste d’avoir préconisé, en premier, une réouverture ciblée des services de garde et des écoles primaires.

En ce sens, au-delà des tests annoncés, il serait primordial de mettre en place dans certaines écoles, dès l’ouverture, un mécanisme de suivi et des analyses détaillées des contacts entre les enfants eux-mêmes et avec les adultes, afin de bien comprendre la dynamique de la transmission virale au sein des écoles primaire.

Ces données seront centrales dans le processus décisionnel. Elles permettront d’évaluer les mesures prises dans les écoles et nous renseigneront sur leur évolution dans le temps. Compte tenu du niveau d’incertitude qui subsiste, il est important de rappeler que nous devrons faire preuve d’adaptabilité et de réactivité devant de potentielles éclosions.

À titre de chercheurs, nous considérons qu’il est urgent d’approfondir les recherches sur les modalités de transmission virales en contexte scolaire, afin de se renseigner sur les prochaines décisions à prendre. Ces informations sont cruciales, non seulement pour les écoles et leur rôle dans la transmission, mais également pour les étapes à venir du déconfinement de l’ensemble de la société québécoise.

Ça commence à la maison

La réouverture des écoles est accompagnée de diverses mesures de protection, d’abord pour limiter l’introduction du virus, mais également pour diminuer au maximum la transmission en cas d’éclosion.

Pour prévenir l’introduction de l’infection par le SRAS-CoV-2 dans les classes, les élèves et les enseignantes qui présentent des symptômes éventuellement liés au SRAS-CoV-2 doivent absolument rester chez eux.

Il est important de vérifier que votre enfant ne présente aucun symptôme avant de partir pour l’école. En cas de doute sur la présence de fièvre, il est préférable de prendre la température à la maison en utilisant le thermomètre le plus précis et le plus adapté à l’âge de l’enfant. La prise de température à l’école n’a pas fait ses preuves comme moyen efficace de contrôle de la transmission.

La taille des groupes

Une fois à l’école, il est préférable d’avoir des groupes plus petits et avec son enseignant désigné. Un groupe plus restreint offrira moins de possibilités d’introduire le virus dans la classe.

Les mesures d’hygiène personnelle restent les mesures les plus importantes. Il est simple d’apprendre aux enfants à bien se laver les mains et il sera important d’instaurer des procédures de lavage des mains efficaces et sécuritaires dans les écoles. Shutterstock

Avec un petit groupe fermé, il sera également plus facile de prendre des mesures supplémentaires ou de procéder à un traçage efficace des contacts si cela s’avérait nécessaire. Par contre, il n’y a pas de taille idéale établie pour une classe, car la transmission dépend surtout du comportement et de la dynamique entre les membres du groupe.

Distanciation ou pas ?

Le niveau de transmission du virus, une fois arrivé dans une classe, dépend du type et du nombre de contacts, des caractéristiques uniques du virus et de son hôte. Les principes de distanciation peuvent être enseignés aux jeunes enfants, mais il ne faut pas oublier qu’il est dans leur nature de se rapprocher de leurs camarades à certains moments.

C’est ce que l’on observe au Danemark, où les écoles ont récemment été rouvertes et où l’on module les consignes en fonction de l’âge. On demande aux élèves plus âgés d’être plus rigoureux dans leur éloignement social par rapport aux plus jeunes.

Le port du masque

Les masques utilisés dans la vie de tous les jours servent à la protection vers l’extérieur. Ils empêchent les gouttelettes de s’éloigner du porteur et donc protège les autres. Nous disposons de données sur l’utilité des masques dans des environnements contrôlés à des fins d’étude, où nous pouvons suivre et mesurer les particules virales en suspension.

Cependant, on ne sait pas encore clairement comment, et dans quelle mesure, les masques sont efficaces pour réduire la transmission dans un contexte de vie réelle ou encore au sein d’une école. Pour l’instant, le port du masque sera volontaire. À cet effet, certaines commissions scolaires comptent en distribuer aux enseignants.


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Ainsi, les mesures d’hygiène personnelle restent les mesures les plus importantes. Il est simple d’apprendre aux enfants à bien se laver les mains et il sera important d’instaurer des procédures de lavage des mains efficaces et sécuritaires dans les écoles.

L’acquisition de bonnes habitudes à cet égard est plus efficace et surtout plus positive que de tenter de contrôler sans cesse les contacts entre les élèves, et ce, en particulier chez les plus jeunes.

Ceci étant dit, l’incertitude demeure quant à la ou les voies de transmission du SRAS-CoV-2 et donc à quel point les différentes mesures contribueront à réduire réellement le risque de transmission.

Le rôle fondamental des enseignants

Malgré ces nombreuses mesures et toutes les incertitudes qui demeurent, nous devrons laisser aux enfants l’espace dont ils ont besoin à l’école pour assurer leur bon développement. Jusqu’à présent, tout indique que les adultes sont les principaux vecteurs de l’épidémie et non les enfants. Nous devrons donc nous concentrer davantage sur la limitation des contacts entre les adultes d’une école. Le succès du retour à l’école dépendra donc surtout des efforts et de la rigueur des adultes entre eux, et ce, au profit de la santé de nos enfants.

Évidemment, les enseignants joueront un rôle prépondérant dans un retour réussi à l’école. Ils auront à mettre en place un climat propice à l’apprentissage à travers les directives sanitaires, tout en établissant les priorités curriculaires. Pour éviter de les surcharger, il est souhaitable d’embaucher dès maintenant des étudiants en enseignement, à titre de titulaires des classes supplémentaires ou pour assurer l’enseignement à distance pour les élèves qui resteront à la maison.

Assurons-nous également de faire bouger suffisamment les enfants. À cet effet, la reprise de l’éducation physique devrait être considérée. Elle pourrait avoir lieu à l’extérieur et sans matériel. Les espaces ouverts avec une bonne circulation d’air sont à préconiser, car ils diminuent les risques de propager le virus. En somme, aller dehors peut offrir une occasion sécuritaire de bouger ou même d’enseigner.

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