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Vos résultats au test : vous êtes tous des « prédateurs » et des « proies » !

Face à un risque de prédation financière, l’individu cherche toujours à compter environ 30 % plus de forces que de faiblesses. Mohamed Hassan/Pxhere, CC BY-SA

À l’automne 2023, The Conversation a publié un de mes courts articles dans lequel j’incorporais un lien pour remplir un questionnaire sur la prédation financière. Mon thème de la prédation a généré plus de 100 000 vues depuis avril 2023, faisant foi de l’intérêt qu’il suscite. Dans le présent article, je communique, comme promis, les résultats de ce test, qui vous intrigueront sûrement.

Sur les traces du prédateur

Faisons d’abord un bref sommaire de ma théorie sur la prédation. Celle-ci stipule que nous adoptons tous des positions de « prédateur » ou de « proie » à tout moment de la journée, passant de l’une à l’autre selon nos besoins, nos objectifs, nos préférences et les circonstances. Cette mécanique comportementale est ancrée dans notre fonctionnement neurobiologique et social. Nous pouvons opter pour le rôle de prédateur afin d’obtenir un avantage particulier, ou alors celui de la proie, misant alors sur l’empathie naturelle des autres pour, si possible, les manipuler. Il arrive souvent qu’on soit inconsciemment proie du fait d’une vulnérabilité innée ou socialement acquise.

La « toile de prédation », ou toile du 5-5. Fourni par l'auteur

La prédation s’articule autour de ce que j’ai nommé la toile du 5-5, qui demande la présence de cinq éléments structurels (un prédateur, une proie, un outil/une arme, une blessure/un préjudice et un effet de surprise) et fonctionnels (l’identification des vulnérabilités de la proie ; la mise en place d’un appât ; le piégeage ; l’exercice de moyens de pression et la soumission de la proie).

Une fourchette dont on peut faire tout un plat !

Comme je l’ai démontré à l’aide de mes recherches au cours des treize dernières années, la fonctionnalité de tout écosystème de ce genre répond à une constante, nommée k. Elle exprime le rapport prédateur sur proie et vaut en général 1,3, signifiant que l’on veut toujours avoir environ 30 % plus de forces que de faiblesses.

La fourchette acceptable de fonctionnalité telle que mesurée auprès de milliers de répondants dans divers contextes est de 1,1 à 1,8. En dessous de 1,1, l’individu est vulnérable au point où sa santé et ses rapports sociaux sont compromis. Il privilégie alors une confiance aveugle et est sous-équipé pour faire face aux aléas de son environnement social et/ou économique. À mesure qu’il s’éloigne de 1,8, l’individu abusera de son pouvoir et deviendra de plus en plus prédateur. Il sera alors froid, calculateur, sournois et privé d’empathie.

Les enseignements tirés de vos réponses

Vous avez été 49 surtout en France (et 79 surtout en Espagne pour le test en espagnol) à répondre aux questions proposées dans le test, soit un taux de réponse d’environ 3 %, ce qui est attendu pour ce genre d’enquête. Si l’échantillon total reste limité, on peut néanmoins observer que l’on retrouve bel et bien des valeurs anticipées, comme en font foi les tableaux 1a et 1b.

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La première série de 13 questions (« proie ») suppose que vous auriez été la proie d’un vendeur de produits financiers, ou que vous pourriez l’être. La deuxième série de 13 questions (« prédateur ») mesure votre capacité théorique à être un prédateur.

Ces deux séries de questions n’ont rien d’une approche scientifique rigoureuse, mais pour s’amuser, si on fait le ratio entre votre « posture » de prédateur et celle de proie, on obtient 72/51 pour la France, soit 1,4, ou presque 1,3 ( !), et 77/48, soit 1,6 pour l’Espagne. Cela tombe dans la fourchette de fonctionnalité prédite [1,1 ; 1,8]. Les lecteurs espagnols se déclarent légèrement plus prédateurs que leurs homologues français. Les participants de deux groupes culturels semblent avoir une image plutôt négative du vendeur de produits financiers.

La seconde série de questions (tableau 2 ci-dessous) est mesurée non pas sur une échelle « oui-non » mais sur une échelle dite de Likert en cinq points ; elle est plus rigoureuse et je l’ai testée plusieurs fois empiriquement comme en témoignent mes nombreux écrits scientifiques sur le sujet, autant auprès d’individus qu’avec des données macroéconomiques de marché.

La valeur k ou le ratio prédateur/proie est ici de 1,71 pour la France et de 1,55 pour l’Espagne, soit en plein dans la fourchette de fonctionnalité prédite [1,1 ; 1,8]. Les Français apparaissent légèrement plus prédateurs que proie cette fois-ci. La valeur moyenne de tous les k pour les deux pays combinés est de 1,6.

Dans les deux séries de tests, les résultats sont remarquablement similaires. Les données s’approchent de manière presque magique des résultats obtenus par le passé dans des contextes économiques variés et dans différents pays, indiquant une possible universalité à explorer concernant le ratio prédateur : proie (la valeur k) et la fourchette de fonctionnalité comportementale [1,1 ; 1,8]. Incroyable, non ?

Comment ne pas tomber dans le piège ?

Les pièges tendus par les prédateurs peuvent prendre de multiples formes. Dans l’imagerie collective, la notion de prédation renvoie souvent au prédateur dans l’écosystème animalier, au prédateur sexuel, au tueur en série, au prédateur financier de la trempe de Bernard Madoff, ou aux prêts hypothécaires subprimes, nommés prêts prédateurs en Amérique, qui ont causé la crise financière mondiale de 2007-2009.

Tous ces angles d’analyse sont bons, mais il y en a d’autres à considérer. Ne l’oublions pas, il y a aussi la prédation par l’habillement, la prédation guerrière, la prédation par le harcèlement qui, on le sait, peut s’avérer létale, et la prédation scientifique (ou « techno-prédation ») que j’ai récemment évoquée.

On notera de plus la prédation marketing, exercée par exemple avec des annonces subliminales ou celles tentant d’échapper aux lois sur la publicité trompeuse ou envers les enfants. On pensera également à la lemon law aux États-Unis réglementant la vente de voitures usagées pour prévenir les abus dans ce secteur économique. On envisagera aussi les stratégies de prix (predatory pricing) amplement discutées en économie, qui comprennent parfois le dumping ou les emballages qui donnent l’impression que le contenu est plus conséquent qu’il ne l’est vraiment.

De plus, il existe depuis des siècles ce que je nomme la prédation juridico-psychiatrique : on l’a notamment utilisée pour se débarrasser de Jeanne d’Arc en 1431 et du monarque constitutionnel Louis II de Bavière au XIXe siècle. Cette stratégie dolosive est encore privilégiée de nos jours dans divers pays, même dits développés.

La confiance aveugle vous jouera des tours. Il faut croire avec modération (!) à ce que les détenteurs d’informations disent, en restant vigilants à tout moment… et en sachant s’entourer des bonnes personnes.

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