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coucher de soleil avec un immense logo à l'avant-plan
Le soleil se couche à Charm el-Cheikh, en Égypte, hôte de la COP 27. Les résultats de la rencontre internationale sont globalement décevants. (AP Photo/Peter Dejong)

COP 27 : une décision historique… et un terrible statu quo

La COP 27 était annoncée comme celle de la mise en œuvre des engagements des États en matière de lutte contre les changements climatiques, pris depuis la COP 21, organisée à Paris en novembre 2016.

La COP 27 s’est déroulée à Charm El-Cheikh, en Égypte, dans un contexte géopolitique, énergétique et économique incertain. Marquées par les 30 ans de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ses conclusions étaient très attendues.

Les résultats sont encourageants sur certains aspects, et très décourageants sur d’autres.

Chercheurs à l’Université d’Ottawa, à l’UQAM et à l’Université d’Oxford, nous représentons le Centre du droit de l’environnement et de la durabilité mondiale. Nous avons suivi la COP 27 à distance et en personne. Voici les points saillants que nous en retenons.


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Des jeunes activistes demandent aux dirigeants mondiaux de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius lors de la COP 27, le 19 novembre, à Charm el-Cheikh. (AP Photo/Nariman El-Mofty)

Pertes et préjudices : une décision historique, mais…

La conférence s’est ouverte avec la mise à l’agenda inattendue du financement des pertes et préjudices et l’objectif ambitieux de parvenir à une décision sur ce sujet controversé. Ce volet de la finance climatique vise à compenser les dommages subis par les États affectés par les changements climatiques.

Porté en particulier par les pays en développement, l’accord obtenu sur la création d’un fonds et d’un comité transitoire pour opérationnaliser la question des pertes et préjudices est une décision historique, étant donné les réticences de certains États développés quant à la forme et aux conséquences de ce fonds.

Des manifestantes réclament un financement pour les pertes et préjudices subis en raison du changement climatique, lors de la COP 27, le 18 novembre. (AP Photo/Peter Dejong)

Ce mécanisme devrait être opérationnel d’ici deux ans, mais des inquiétudes planent dans la mesure où son financement dépend grandement des pays développés, dont les engagements financiers font toujours défaut pour le Fonds en matière d’adaptation. De plus, la Chine, désignée comme un pays en voie de développement (mais qui ne l’est plus, dans les faits), a déjà révélé qu’elle ne contribuera pas au fonds.

Les États pétroliers résistent aussi à toute idée de contribution financière. Lors de son discours de clôture de la session plénière, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Antonio Guterres, a souligné l’importance politique de ce fonds, mais a regretté son insuffisance. Ce mécanisme révèle en fait un paradoxe au cœur des négociations climatiques, le financement de mesures de réparation des impacts des changements climatiques d’un côté et la non-élimination des énergies fossiles de l’autre.

L’objectif des 1,5 degré s’éloigne

La mise en œuvre préconisée par la COP 27 devait également s’exprimer par le passage à des actions concrètes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Il s’agit de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

À cet égard, la COP 27 s’en est tenue au statu quo, malgré l’urgence. Des Parties, dont l’Arabie saoudite se sont opposées à l’ajout de la limite à 1,5 degré dans le texte final, alors qu’elles s’étaient engagées à fixer des « objectifs climatiques plus stricts » lors de la COP 26. D’autres pays, dont le Royaume-Uni, le Canada et l’Union européenne ont au contraire lutté pour préserver les acquis du Pacte de Glasgow. Le texte final de la COP 27 se contente de réaffirmer les objectifs de l’Accord de Paris.

L’atteinte de cet objectif devient de plus en plus irréaliste. Seulement 34 pays ont soumis ou mis à jour de leurs contributions nationales depuis la COP 26. Or, les contributions actuelles auxquelles les États se sont engagés ne permettront pas (dans l’hypothèse où elles seront respectées) de maintenir l’élévation de la température de la planète à moins de 2 degrés. L’objectif des 1,5°degré est désormais « sous respirateur ».

L’abandon progressif des énergies fossiles manque toujours à l’appel

De nombreux pays vulnérables aux impacts des changements climatiques, dont Tuvalu, ont répété l’urgence de cesser l’utilisation des combustibles fossiles et ont appelé à la mise en œuvre d’un traité de non-prolifération des énergies fossiles.

Alors que certaines parties, avec l’Inde en chef de file, ont fait pression pour que la diminution progressive de l’énergie produite à partir des énergies fossiles soit incluse dans le texte final, le Plan de mise en œuvre de Charm el-Cheikh reprend la formulation proposée dans le Pacte de Glasgow en n’évoquant que le charbon. La forte présence du secteur gazier et pétrolier, dont la participation a augmenté de 25 % par rapport à la COP 26, a certainement pesé dans la balance.

Une participante du Canada, Lauren Latour, manifeste contre les énergies fossiles, lors de la COP27, le 18 novembre, à Charm el-Cheikh. (AP Photo/Peter Dejong)

Le Canada a d’ailleurs soutenu le maintien de cette formulation, avant de nuancer sa position face aux critiques. Il ne fait aucun doute que ce sujet sera à nouveau discuté lors de la prochaine COP 28, aux Émirats arabes unis.

Le Canada à la COP

Contrairement à la COP 26, le premier ministre Justin Trudeau et son homologue du Québec, François Legault, n’ont pas fait le déplacement. Le Canada était néanmoins largement présent à la COP 27 avec une délégation composée de 377 membres et dirigée par le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault.

Le Canada avait une délégation de 377 membres lors de la COP 27, dirigée par le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault, ici en présence de ses homologues norvégien, Espen Barth Eide, et néo-zélandais, James Shaw, le 19 novembre à Charm el-Cheikh. (AP Photo/Nariman El-Mofty)

Cette délégation comprenait une grande diversité d’acteurs au-delà du secteur public fédéral. Par exemple des représentants d’organismes autochtones, des représentants des provinces et municipalités, des représentants d’ONG, mais aussi huit lobbyistes du secteur des énergies fossiles.

Le Canada accueillait également, pour la première fois, un pavillon dans la zone de négociations. Des activités étaient organisées autour de trois piliers directeurs : ambition, mise en œuvre et partenariat. Ces activités ont été néanmoins marquées par l’organisation d’événements mettant en vedette le secteur des énergies fossiles, entraînant des manifestations des acteurs de la société civile (ce qui n’a pas entravé la tenue des événements).

Une COP chaotique pour les participant-es

Une multitude de problèmes logistiques physiques ont limité l’accès aux négociations : pavillons inaccessibles aux personnes à mobilité réduite, coûts excessifs et fluctuants des logements, annulations des réservations hôtelières à la dernière minute et augmentation des prix, ou encore, entraves diverses à la circulation sécuritaire pour les personnes en situation de handicap.

Les participants ont également été confrontés à des problèmes d’accès à la plate-forme virtuelle. Sur place, un des plus grands défis visait l’installation de l’application officielle développée par le ministère des Communications et de la technologie de l’information égyptien, nécessitant l’obtention excessive d’autorisations pour pouvoir y accéder. De nombreuses délégations se sont d’ailleurs demandé si le gouvernement égyptien n’utilisait pas l’application à des fins de surveillance.

Simon Stiell, secrétaire exécutif des Nations unies sur les changements climatiques, lors de la session plénière de clôture de la COP27, le 20 novembre, à Charm el-Cheikh. La COP 28 se déroulera l’an prochain à Dubaï. (AP Photo/Peter Dejong)

Cap sur Dubaï

La COP 27 souligne 30 ans de négociations, avec pour perspective une trajectoire catastrophique d’élévation de la température entre 2,5 et 3 degrés. Les résultats de la COP 27 sont à cet égard extrêmement décevants étant donné l’urgence de la situation. Ils sont le reflet de divergences politiques colossales qui mettent en exergue les défis majeurs de gouvernance environnementale au niveau international.

Ils démontrent également la difficulté pour nos sociétés de pouvoir se passer aujourd’hui des énergies fossiles. Les espoirs des défenseurs du climat se reportent désormais, une nouvelle fois, vers la prochaine COP. La 28e édition se déroulera aux Émirats arabes unis, une région dont l’économie repose largement sur l’exploitation des énergies fossiles.

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