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Vue aérienne d'une zone inondée, avec une route coupée en deux, et une maison au toit vert en arrière-plan
Une importante inondation printanière a forcé la fermeture de plusieurs routes dont la principale de la région de Charlevoix, la 138, qu'on voit ici coupée en deux, le 2 mai 2023, à Baie Saint-Paul. La Presse canadienne/Jacques Boissinot

Nouvelle cartographie des zones inondables : quatre solutions pour mieux accompagner les résidents et les municipalités

Chaque printemps, des inondations ont lieu au Québec. Certaines années sont pires que d’autres : au printemps 2023, plusieurs municipalités ont dû être évacuées, rappelant que peu de choses ont changé dans la gestion du risque d’inondation depuis celles de 2017 et 2019.

Avec le changement climatique, les évènements hydrologiques extrêmes sont amenés à se multiplier.

Cela est d’autant plus préoccupant que la majorité de la population québécoise habite à proximité du réseau hydrographique. On observe par ailleurs une croissance importante de la population dans les zones à risque d’inondation.


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Dans ce contexte, mieux cartographier les risques d’inondations au Québec est a priori une bonne idée.

La nouvelle cartographie réglementaire préparée par le gouvernement du Québec, et dont la publication est prévue à l’automne, vise à prévenir la construction en zones inondables. Mais répond-elle adéquatement aux risques d’inondations ?

Je suis chercheur en étude du risque d’inondation et expert en assurance municipale à l’UQAM. Je m’intéresse spécifiquement aux défis auxquels sont confrontées les administrations locales en matière de prévention et de réduction des dommages liés aux inondations. Mon collègue Michel Leclerc est de son côté professeur honoraire à l’INRS Centre Eau, Terre & Environnement. Ses contributions dans le domaine de l’hydrologie ont eu un impact significatif sur la compréhension et la gestion des cycles hydrologiques.

Une voiture est ensevelie sous l’eau, dans une rue résidentielle
Une voiture est ensevelie sous l’eau après un épisode de pluie diluvienne à Montréal, le 28 juillet 2023. La Presse canadienne/Ryan Remiorz

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De la récurrence à l’intensité des crues

La nouvelle cartographie réglementaire des zones inondables délaissera l’approche traditionnelle des zones de faibles et de grands courants de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables.

Les cartes en vigueur font ainsi référence à des périodes de récurrence, par exemple celle associée à une crue de récurrence de 100 ans dont la probabilité associée est de 1 % (zone de faible courant). Cette présentation laisse croire que ce type d’inondation peut survenir qu’une seule fois à chaque 100 années.

La nouvelle cartographie tiendra désormais compte de l’intensité de l’inondation. Celle-ci découle de l’effet combiné de la probabilité des crues et de la profondeur d’eau qui leur est associée.

Les nouvelles zones inondables seront caractérisées selon qu’elles portent un risque très élevé, élevé, moyen ou faible.

De plus en plus vulnérables face aux risques d’inondations

La dernière révision majeure de la cartographie au Québec date de 2005. Or, les inondations de 2017, 2019 et 2023 nous ont démontré à quel point nous sommes vulnérables socialement et économiquement face à ce type de risque.


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Cette vulnérabilité est amplifiée par les phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les pluies diluviennes. Ces dernières sont responsables non seulement de débordements de rivières, mais également d’inondations par ruissellement. Ce type d’inondations constitue un phénomène nouveau, lié à une météo extrême et à une urbanisation croissante, dont la cartographie s’avère complexe. Ce risque est largement sous-estimé puisqu’il n’est pas cartographié. Il ne figure pas dans la nouvelle cartographie.

Les effets indésirables de la nouvelle cartographie

Sans connaître la portée exacte de ces nouvelles cartes, soulignons que 54 % des zones inondées en 2017 et 2019 étaient situées à l’extérieur des zones inondables réglementaires.

Avec la publication de ces nouvelles cartes, de vastes portions du territoire, auparavant considérées peu ou pas inondables, verront leur statut révisé à la hausse.

Cela pourrait entraîner une dévaluation de la valeur marchande des bâtiments résidentiels, une plus grande difficulté à accéder à des assurances, un accès limité au crédit hypothécaire, et même rendre la vente de la résidence impossible. Le propriétaire risque de se retrouver pris en otage dans la zone inondable.


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D’ailleurs, avant même la publication des nouvelles cartes, la plus importante institution financière au Québec a annoncé son retrait du financement hypothécaire pour les résidences situées dans des zones à haut risque.

Les conséquences de la publication de ces nouvelles cartes ne se limitent pas aux résidents des zones inondables. La baisse de valeur des propriétés aura un impact direct sur plusieurs municipalités, qui pourraient subir une érosion sérieuse de leur assiette fiscale.

Cela sans compter l’impact politique du possible mécontentement des citoyens et les coûts additionnels pour mettre en place de nouvelles mesures d’urgence.

Pour le gouvernement du Québec, la nouvelle cartographie aura vraisemblablement un impact politique majeur, sans gain économique sur le court terme. Elle ne réduira que marginalement le coût des sinistres futurs, les zones inondables étant déjà occupées.

Une rue inondée, où gisent des voitures, avec des secouristes à l’avant-plan
Un conducteur est évacué de sa voiture inondée près d’un pont, le 1ᵉʳ mai 2023, à Baie Saint-Paul, dans Charlevoix, frappé par de fortes pluies qui ont emporté des routes et isolé des maisons. La Presse Canadienne/Jacques Boissinot

Quelques pistes de solutions

Comment pouvons-nous atténuer les conséquences anticipées de la publication de ces nouvelles cartes ? Quatre mesures pourraient être envisagées comme point de départ.

1) L’émission d’un certificat de résilience d’un bâtiment résidentiel visant à reconnaître officiellement que certains bâtiments sont construits selon des normes d’immunité compatibles avec les exigences de la réglementation. Le certificat prendrait acte du niveau de résilience actuel ou obtenu, à la suite de mesures d’adaptation visant l’immunité. Il serait émis par des professionnels qualifiés et reconnus par les assureurs et les créanciers.

2) Un programme de financement des mesures d’adaptation, pour les résidences devant se conformer au certificat de résilience. Les investissements nécessaires seraient assumés équitablement par le citoyen, la municipalité et l’État, au prorata des bénéfices anticipés. Les différentes mesures pourraient s’inspirer de la stratégie d’adaptation des bâtiments d’Architecture sans frontière, soit « résister, accueillir ou éviter ».

3) Un programme formel de relocalisation, pour les résidences situées dans les zones à haut risque. Ce programme serait applicable lorsque les mesures d’atténuation ne peuvent offrir une protection adéquate, ou lorsque la sécurité est compromise par la fréquence des inondations ou la submersion des voies d’accès.

4) Un programme de compensation, pour les municipalités dont les revenus de taxation sont amputés par la réduction de la valeur foncière, suite au classement de nouvelles zones inondables comme inhabitables. Ce fonds pourrait être temporaire et distribué en fonction du niveau de perte de revenus de chaque municipalité.

Repenser les applications de la cartographie des risques

Nos décisions passées en matière d’aménagement et d’occupation du territoire ont négligé le risque d’inondation.

Il est désormais indéniable qu’il faut restreindre les nouvelles constructions en zones inondables pour éviter d’aggraver la situation. Plusieurs experts soulignent d’ailleurs l’importance de maintenir un haut niveau de sensibilisation aux risques d’inondations afin de mobiliser la population et de favoriser l’acceptation des mesures préventives.

La nouvelle cartographie est certainement l’un de ces moyens de communication.

Cependant, les conséquences potentielles de la publication des nouvelles cartes, sans y intégrer des mesures d’atténuation, pourraient rendre l’exercice contre-productif et inadapté pour la majorité des parties prenantes.

Aujourd’hui, il est de mise d’explorer un ensemble de solutions de politiques publiques. Il faut accompagner les résidents et les décideurs dans la transition vers une réduction des multiples conséquences du risque d’inondation. Le temps presse.

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