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Une fusée Falcon 9 de SpaceX décolle de la rampe de lancement 39-A du Centre spatial Kennedy, le 18 janvier 2024, à Cap Canaveral (Floride). Quatre astronautes privés se rendent à la Station spatiale internationale. (AP Photo/John Raoux)

L’exploration spatiale n’est pas un luxe. Elle est nécessaire

« Voyons Daniel, aller dans l’espace, ça coûte cher et ça ne sert absolument à rien ! »

Me lance mon ami Max dans un party de Noël alors que je discute de mon projet de thèse, qui porte sur l’étude d’endroits sur Terre dont les conditions sont si extrêmes que certains résultats pourraient bénéficier aux futures missions spatiales.

Le hic, c’est que cette vision péjorative de la recherche spatiale est assez répandue.


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L’exploration spatiale connaît actuellement une véritable effervescence. On n’a qu’à penser aux missions Artemis, aux plans ambitieux de SpaceX concernant Mars, au déploiement du télescope James Webb ou encore à la récente « course à la lune ».

Parmi ces projets d’envergure qui se font donner le feu vert, majoritairement par la NASA, il y a la mission Artemis II qui propulsera quatre astronautes vers la Lune, dont l’astronaute canadien Jeremy Hansen. Une première depuis 1972. Oui, pas moins de 50 ans se sont écoulés depuis la dernière mission habitée sur notre satellite naturel.

4 astroonautes
Cette photo fournie par la NASA montre, de gauche à droite, Reid Wiseman, Victor Glover, Christina Koch et l’astronaute de l’ASC (Agence spatiale canadienne) Jeremy Hansen lors d’un test au Centre spatial Kennedy en Floride, le 20 septembre 2023. Ces astronautes devraient s’envoler vers la Lune en 2025. (NASA via AP)

Bien qu’elle soit inspirante pour plusieurs, l’exploration spatiale rend certaines personnes dubitatives, voire complètement outrées par ce qu’elles croient être un gaspillage injustifiable de ressources et d’argent qui ne servira qu’à polluer ailleurs. C’est le cas de mon ami Max.

Dans cet article, je tenterai de lui prouver le contraire.

Les humains sont des explorateurs avant tout

La grande curiosité qui m’habite m’a menée à parcourir des endroits extrêmes pour les étudier. Mais cette envie d’explorer ne m’est pas unique.

Dans mon cours d’histoire de secondaire 3, mon enseignante était montée debout sur son bureau, l’air grave et le ton sérieux, afin de personnifier avec son style coloré l’arrivée de Jacques Cartier en Amérique. Quelques années plus tôt, on m’enseignait comment les premiers humains avaient quitté leur grotte pour escalader la montagne. Il y a 130 ans, on naviguait de plus en plus au sud – c’est alors que les paysages glaciaires de l’Antarctique se sont dévoilés. Parallèlement, on essayait de dominer le ciel tout en visant l’au-delà avec nos avions et nos fusées. C’est comme ça qu’on a mis les pieds sur la Lune.

Quel est le dénominateur commun de notre histoire ? L’exploration, bien sûr.

La nature humaine se caractérise par une propension à voyager, à aller voir plus loin, à découvrir. Nous sommes tous des curieux de nature. Si nous cessons de vouloir explorer, nous cessons d’être humain.

La Terre possède des anneaux

Allons dehors, Max. C’est une belle nuit étoilée, sans Lune. C’est un peu froid, mais au moins l’atmosphère n’est pas trop humide, ça rend le ciel plus transparent. On aperçoit des étoiles qui clignotent. Certaines sont bleues, d’autres rouges. Et plus notre œil s’adapte, plus le ciel nous dévoile ses secrets.

Soudainement, quelque chose se distingue, une autre lumière, mais elle ne clignote pas. Et elle se déplace relativement rapidement. Une étoile filante ? Non, l’atmosphère l’aurait brûlée en quelques secondes.

C’est un satellite. Un parmi les milliers qui gravitent autour de la Terre, tels des anneaux. Ces satellites représentent la conséquence directe de l’exploration spatiale et nous vivrions dans un monde complètement différent sans eux.

En effet, il ne se passe pas une heure sans que nous utilisions un satellite.

Les satellites sont comme les anneaux artificiels de notre planète (vue artitistique). Agence spatiale européenne, 10.1126/science.abi6892

D’une part, tu te serais probablement perdu en venant ici, Max, car aucun GPS ne t’aurait informé de prendre la prochaine sortie. Et d’autre part, je n’aurais pas pu t’aider, car il n’y aurait pas de wifi. On peut pousser notre réflexion encore plus loin : l’agriculture, la surveillance environnementale, la communication, la météo, même les banques, dépendent des satellites.

Comment ? Il faut comprendre que ces satellites se déplacent hyper rapidement, assez pour réaliser plusieurs tours de la Terre chaque jour. Combiné à un très grand nombre d’effectifs, ils ont une vision totale du globe. Du milieu des océans jusqu’aux plus hautes montagnes en passant par les pôles quasi inaccessibles, nous avons des yeux partout. En exploitant cette vaste quantité d’observations, on obtient des données sur les changements à la surface terrestre, la propagation des feux de forêt, le mouvement des vents, la fonte des glaces et bien d’autres aspects, tout en permettant une communication globale et les transactions par cartes bancaires.

L’exploration spatiale est l’élément déclencheur qui nous a permis de développer et d’opérer ces technologies. Et ça ne s’arrête pas là.

Une pierre, deux coups

La médecine en région éloignée profite également de l’exploration spatiale. En effet, ce n’est pas évident pour les communautés en régions reculées d’avoir accès à des soins de santé, d’autant plus que les hôpitaux ne possèdent pas toujours les équipements sophistiqués nécessaires.

Quand on y pense, lorsque les astronautes explorent l’espace, ils deviennent une petite population dans une région très, très éloignée. C’est vrai : qu’arrive-t-il si quelqu’un a très mal au ventre ? Se casse un bras ? Pas le temps de revenir à la maison. Il faut réagir, et vite.

Pour adresser cet enjeu important, la recherche scientifique en télémédecine s’est développée et plusieurs technologies novatrices ont vu le jour. Et si c’est utile pour les astronautes, pourquoi pas pour les populations rurales également ?

Il y a quelques années, trois chercheurs québécois issus de différentes universités travaillaient sur une minuscule sonde qui permettrait d’analyser et de rendre rapidement un diagnostic sur un échantillon de sang.

Quoique certains prototypes ne soient pas encore commercialisés, d’autres sont couramment employés, comme le scanneur ultrason conçu par la NASA. Celui-ci prend des photos précises d’organes ou d’os qu’on peut transmettre à un médecin, qui aura alors en main des informations cruciales pour prodiguer des conseils.

D’une certaine manière, l’exploration spatiale nous fournit les opportunités de répondre à des besoins urgents sur Terre. Commences-tu à voir la nécessité, Max ?

Une autre perspective

Enfin, je dois avouer que je trouve assez élégant de voir des Russes, des Américains, des Japonais, des Canadiens, des Européens cohabiter dans la Station Spatiale. Il n’y a pas si longtemps, certains de ces pays s’attaquaient à coups de bombes nucléaires. Dans l’espace, ces frontières n’existent pas.

L’exploration, ça rassemble, ça unit. Ça nous ouvre les yeux sur une perspective nouvelle. Celle qu’on est tous dans le même bateau. C’est pas mal important, tu ne trouves pas ?

Explorer au-delà la Terre offre une nouvelle perspective. NASA

Notre planète est magnifique, unique, c’est une oasis de vie impossible. Mais elle est fragile. Il faut la protéger. Explorer au-delà la Terre n’est donc pas un luxe ; c’est un investissement pour notre humanité.

  • « En 2025, lorsque Jeremy Hansen et son équipage décolleront, assisteras-tu à leur départ, Max ? »

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