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Homme couché sur un lit d'hôpital, femme tenant un portable à la main
Ce lit intelligent peut évaluer votre état de santé cardiaque sans électrodes sur votre peau. Un professionnel de la santé pourrait observer les données à distance. SIG-NUM Preemptive healthcare, Author provided

Un matelas intelligent qui veille à votre santé cardiovasculaire

Imaginez un instant qu’un électrocardiogramme intégré à votre lit puisse évaluer votre état de santé cardiaque sans qu’un professionnel de la santé ait à observer les données sur-le-champ, ou sans l'installation d'électrodes sur votre peau. Ce nouveau dispositif pourrait sauver des millions de vies en dépistant les signes précurseurs de la maladie, c’est-à-dire avant même que les symptômes apparaissent.

Chaque année, environ 160 000 canadiens reçoivent un premier diagnostic de maladie cardiaque. Ainsi, en 2013, un demi-million de Canadiens vivaient avec une maladie cardiaque et un risque de mortalité jusqu’à six fois supérieur à la normale. Avec une population vieillissante et un risque de rechute accru après un premier incident cardiaque, il est primordial de développer de nouveaux outils de diagnostic pour un accès facilité à une meilleure santé cardiaque.

Je fais partie d’une équipe de recherche en génie de l’École de technologie supérieure (ÉTS) et de l’Université Concordia qui travaille justement à la conception d’un électrocardiogramme (ECG) de ce genre en collaboration avec un partenaire industriel. Cette technologie prometteuse, qui pourrait être intégrée non seulement à un lit, mais aussi à une chaise, ou d’autres objets de la vie courante, offre déjà des tracés d’ECG comparables à ceux d’électrodes conventionnelles tout en réduisant leurs désavantages.

L’électrocardiogramme doit évoluer

La technologie liée à la santé cardiaque a connu des avancées prodigieuses au XXᵉ siècle, notamment grâce à l’invention de l’électrocardiogramme moderne par le médecin et physicien néerlandais Willem Einthoven. Cela lui a valu le prix Nobel de médecine en 1924. L’image d’un patient alité avec des électrodes collées sur le torse, tandis que son activité cardiaque est tracée sur une feuille millimétrique, est bien connue du public. Bien que des écrans remplacent aujourd’hui le papier, la technologie a pourtant peu changé en un siècle d’existence.

Homme allongé avec des électropodes
Un patient alité avec des électrodes collées sur le torse. Bien que des écrans remplacent aujourd’hui le papier, la technologie a pourtant peu changé en un siècle d’existence.

Bien sûr, de nombreuses montres intelligentes ou gadgets sont aujourd’hui capables de mesurer le rythme cardiaque grâce à des capteurs optiques. Ces gadgets sont fort utiles pour nous aider dans nos routines d’entraînements sportifs, mais ne donnent pas un tracé précis de l’activité cardiaque en dehors du rythme proprement dit.

Il y aurait toutefois lieu de remettre en question le statu quo entourant l’électrocardiogramme. Par exemple, est-il nécessaire de recourir à du personnel qualifié pour apposer des électrodes à des endroits précis du corps ? Est-ce qu’une méthode plus efficace que l’observation directe pourrait aider le clinicien à établir plus rapidement un diagnostic et de façon automatisée ? Et puis, pourquoi faut-il encore utiliser un gel — qui cause des irritations à certains patients — pour apposer des électrodes ?

Les avancées plus récentes dans plusieurs domaines techniques, notamment en électronique imprimable sur substrats flexibles ou textiles, nous permettent aujourd’hui de concevoir les instruments de santé cardiaque de demain. En effet, l’électronique imprimable pourrait permettre d’imprimer les circuits électroniques des électrodes directement sur des textiles ou des polymères flexibles offrant ainsi de nombreuses nouvelles possibilités.

Ainsi, la technologie sur laquelle nous travaillons en collaboration avec notre partenaire industriel est basée sur des capteurs capacitifs, qui mesurent le potentiel électrique — le voltage — créé sur la peau par l’activité cardiaque. Cette mesure peut être prise à travers plusieurs couches de vêtements et ne nécessite aucun collage d’électrodes à l’aide d’un gel.

Les avancées techniques au cœur de cette technologie

Grâce aux progrès fulgurants en électronique imprimable sur des substrats flexibles, il sera bientôt possible de créer des capteurs capacitifs qui peuvent être intégrés dans une chaise ou un lit. Les mesures cardiaques peuvent donc être prises en temps réel, non seulement en contexte hospitalier, mais aussi lorsque le patient dort ou s’adonne à ses activités quotidiennes.

À l’heure actuelle, nos efforts de recherche portent sur le confort de ces capteurs, leur robustesse dans un contexte d’utilisation intensive et leur facilité de nettoyage. Une fois ces défis résolus, il sera possible de porter cet électrocardiogramme durant de longues périodes, sans ressentir d’inconforts.

Femme dans la nature, portant un sac à dos et un capteur sur son doigt
Les capteurs sont déjà utilisés dans le milieu de la santé, par exemple par les gens atteints de diabète, qui peuvent ainsi vérifier le taux de glucose dans leur sang. Shutterstock

Un autre défi consiste à augmenter l’amplitude des signaux mesurés et à réduire la sensibilité des capteurs aux interférences, notamment celles pouvant être causées par les mouvements du patient, car les capteurs ne sont pas fixés sur sa peau. Différentes approches dans la conception des circuits peuvent éliminer une partie des interférences en amont tout en amplifiant la portion utile du signal, tandis que le traitement numérique du signal peut éliminer la portion de bruit restante.

Une efficacité décuplée avec l’intelligence artificielle

Imaginons un instant que cette technologie soit jumelée à l’intelligence artificielle… Des algorithmes pourraient alors déterminer avec précision le positionnement des capteurs sur le patient. Il serait également possible de collecter des données cardiaques à des endroits précis, selon le moment de la journée. Ce type de données est extrêmement précieux pour diagnostiquer des pathologies cardiaques. Sans compter qu’il serait possible d’augmenter la quantité de données collectées grâce notamment à l’ajout de capteurs et à l’allongement de la période de mesure.

Qui plus est, l’intelligence artificielle permettra de diagnostiquer plus rapidement les pathologies puisque les algorithmes auront été entraînés pour le faire. C’est cette orientation que nous comptons donner à nos recherches dans les prochaines années.

De bonnes nouvelles pour l’avenir

Les technologies progressent à un tel rythme que nous croyons qu’il sera bientôt possible d’intégrer dans un lit un outil de diagnostic cardiaque très complet et peu coûteux. Les populations à risque de maladies cardiaques, notamment les personnes âgées en perte d’autonomie dans les milieux de vie, pourraient donc en bénéficier.

Il pourrait aussi être possible de réaliser des diagnostics à distance grâce à des applications de télémédecine. D’autres capteurs biométriques pour la mesure de la respiration ou des mouvements pourront être ajoutés pour permettre de veiller à la santé globale de la personne et à la qualité du sommeil.

D’ici là, des collaborations multidisciplinaires avec d’autres équipes de recherche devront se pencher sur certains enjeux, notamment ceux liés à la sécurité des données et à la protection de la vie privée.

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