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Chaîne de production du modèls S de Tesla
Le constructeur Tesla continue d’investir de plus en plus dans la R&D malgré une rentabilité non atteinte certaines années. Steve Jurvetson/Flickr, CC BY-SA

Dans l’industrie automobile, la R&D, plus que jamais le nerf de la guerre

Aujourd’hui, les entreprises sont confrontées à des niveaux élevés de concurrence, ainsi qu’à des réglementations et des besoins des clients en constante évolution. Pour survivre dans de telles conditions, les investissements en recherche et développement (R&D) deviennent un outil essentiel. Les chiffres montrent d’ailleurs que les dépenses intérieures brutes de R&D ont constamment augmenté de 2000 à 2021, de 97 % aux États-Unis et d’environ 72 % en Europe.

Selon le tableau de bord de l’Europe sur les investissements en R&D industrielle de 2022, basé sur les 2 500 entreprises mondiales les plus investies, la majorité se trouve aux États-Unis (environ 40,2 %). La Chine se classe deuxième avec 17,9 %, suivie de l’Europe avec 17,6 % et du Japon avec 10,4 %. Les principaux secteurs d’investissement en R&D sont les producteurs de technologie (22,6 %), les industries de la santé (21,5 %), les services technologie (19,8 %) et l’industrie automobile (13,9 %).

Malgré cette tendance croissante, les décisions d’investissement en R&D des entreprises diffèrent encore fortement les unes des autres, y compris parfois sur un même secteur. Cette tendance apparaît notamment marquée dans l’industrie automobile, secteur dans lequel l’Europe est le plus gros investisseur en R&D et qui connaît une évolution majeure vers les véhicules électriques (VE) sous l’impulsion de réglementations « vertes ». À partir de 2035, toutes les voitures neuves vendues dans l’Union européenne (UE) devront en effet être à zéro émission.

Une rentabilité variable

La montée en puissance des véhicules électriques a également eu un impact considérable sur le nombre de voitures vendues par les constructeurs automobiles. Alors que le nombre d’unités vendues par Tesla a augmenté de 435,8 % au cours des cinq dernières années (de 2018 à 2022), d’autres entreprises ont connu une baisse : Toyota, Honda, GM, VW et Ford ont enregistré respectivement, sur la même période, des baisses de -1,1 %, -21,6 %, -29,1 %, -23,7 % et -29,3 % (tous les calculs présentés dans cet article reposent sur les informations extraites des rapports annuels des entreprises).

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En parallèle, nous observons également d’énormes différences entre les dépenses R&D de ces entreprises. Par exemple, Tesla a dépensé en R&D beaucoup plus par voiture vendue par rapport aux autres constructeurs automobiles. En 2018, Tesla avait ainsi déboursé environ 5 203 euros par unité vendue, tandis que les autres avaient dépensé entre 795 et 1 197 euros. Aujourd’hui, quand d’autres entreprises cherchent à rattraper leur retard, Tesla continue d’afficher un taux de R&D par voiture vendue très élevée.

Les moteurs de la R&D

Dans notre étude, basée sur les informations financières déclarées par des entreprises de divers secteurs, nous examinons quels facteurs pourraient expliquer les différences dans les investissements en R&D entre les différentes entreprises.

Comme on le voit sur le graphique ci-dessous, la performance financière ne semble pas constituer l’objectif principal, tant la rentabilité des actifs varie d’une année sur l’autre et apparaît décorrélée des sommes investis. Par conséquent, il est nécessaire de prendre en compte d’autres facteurs.

Nous constatons que la propension à prendre des risques de l’entreprise ainsi que sa stratégie a également un impact important sur les décisions en matière de R&D. Les profils « défenseurs » ont une stratégie axée sur la rentabilité et sont plus susceptibles d’avoir un portefeuille de produits étroit et une structure organisationnelle plutôt stable ; les « prospecteurs » ont au contraire une plus forte tendance à l’innovation et possèdent une structure organisationnelle plus flexible.

Notre étude montre qu’une performance financière relativement moins bonne, un profil de « prospecteur », ainsi qu’une tendance au risque plus élevée génère un impact positif sur les investissements en R&D.

Le cas de l’industrie automobile est une illustration des conclusions générales tirées de notre recherche. En effet, l’orientation de Tesla, qui présente une propension au risque élevée, vers des produits innovants perturbateurs fait pencher sa stratégie vers celle d’un « prospecteur » plutôt qu’un « défenseur ». Ainsi, son modèle d’investissement en R&D explique les importantes sommes dépensées et la persistance dans cette stratégie, même en cas de rentabilité négative sur certaines années.

Lien vers la collaboration

Enfin, nous relevons dans notre étude que des comportements d’investissement différents en R&D peuvent créer des tensions en cas de collaboration ou de fusion. Ceci est particulièrement pertinent pour le secteur automobile car nous observons un niveau croissant de collaborations (par exemple, celles entre Ford and VW ou GM and Honda, axé sur le partage des ressources de R&D).

Or, la pratique a montré que ces collaborations n’ont pas toujours été sans tension. Au-delà du cas du secteur automobile, notre étude fournit donc également des informations importantes pour toutes les entreprises, dans différents secteurs, qui recherchent des collaborations ou qui veulent prendre des décisions d’investissement en R&D.

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